La Chambre de commerce a présenté ce mardi son rapport « Lux4Defence » remis au gouvernement afin d’accélérer la mise en place d’une industrie de la défense compétitive, innovante et avec retour sur investissement.
Place aux actes, voilà le message implicite délivré par le rapport «Lux4Defence» présenté mardi par la Chambre de commerce. Composé de dix recommandations, il s’adresse au gouvernement luxembourgeois afin qu’il optimise sa politique de défense. Engagé dans le réarmement de l’UE, le Grand-Duché a pour objectif de porter ses dépenses en matière de défense à au moins 2 % du revenu national brut (RNB) d’ici 2030, soit 1,461 milliard d’euros.
La Chambre de commerce, qui a désigné ce sujet comme un enjeu économique majeur dès avril 2024, prévient qu’il ne suffit pas de sortir le chéquier. Une stratégie viable doit être constituée, et vite. «Le temps presse, nous devons être plus rapides et finaliser rapidement certains projets phares et nous positionner», insiste Philippe Glaesener, le président du groupe de travail Défense, et senior vice-président chargé des domaines de l’espace et de la défense de la société de satellites SES.
Alors qu’il devait s’atteler à la tâche neuf mois durant, le groupe de travail a d’ailleurs livré son rapport trois mois avant le terme prévu, poussé par l’urgence provoquée par la suspension de l’aide militaire américaine à l’Ukraine, car «cette décision de Trump a mis en avant les éléments de la souveraineté européenne et nationale».
Un retour économique de 60 % visé
Si on la résume, la feuille de route proposée par la Chambre de commerce a pour ambition de stimuler l’écosystème national de l’industrie de la défense au nom de la souveraineté militaire de l’Europe, mais aussi pour générer 60 % de retour économique, dont la création de 2 000 emplois. «C’est une ambition loin d’être simple, mais il faut se donner des ambitions très fortes et si on atteint les 60 %, ce sera beaucoup, car on vient de loin», confie Carlo Thelen.
Le directeur général de la Chambre de commerce relève l’ampleur du défi : «Au Luxembourg, nous n’avons jamais eu la tradition de réfléchir à la façon d’impliquer l’industrie dans cet effort de défense qui a toujours été minime. C’était 190 millions d’euros en 2014 et désormais nous devons atteindre 1,5 milliard en 2030.» Afin de pouvoir assurer un retour sur investissement pour les sommes dépensées dans les prochaines années, «il faut qu’un écosystème se crée, qu’il soit agile et dynamique».
Avant tout, cette dynamique doit commencer par une réforme de la loi sur les armes de 2022. Philippe Glaesener juge urgent de clarifier ses dispositions à propos des restrictions liées à la production d’armement, qui provoqueraient «des craintes aux entreprises qui veulent s’implanter».
Parmi les dix recommandations se trouvent la création d’ici un an d’un hub de défense, soit un centre hautement sécurisé où les entreprises pourraient développer, tester et produire leurs innovations en interaction avec l’armée luxembourgeoise, et d’une Task Force nationale de la défense. «Certaines pistes ont déjà été élaborées. Il ne serait pas étonnant que le gouvernement fournisse un site sécurisé d’ici un an», annonce Philippe Glaesener.
«Jouer la carte luxembourgeoise»
Afin de remplir ce hub, le pays peut compter sur 110 entreprises et centres de recherche actifs sur le marché qui viennent de fonder l’Association nationale des entreprises de la défense (ANED) afin de se coordonner. Bien que le Grand-Duché ne soit pas internationalement reconnu pour son industrie de la défense, «il ne faut pas sous-estimer ces acteurs, il y a des pièces clés qui reposent sur le Luxembourg».
L’exemple de la société ACTinBlack, qui réalise des lunettes de vision nocturne à Mondercange, a notamment été mis en avant et c’est sur ce genre d’entreprise spécialisée que la Chambre de commerce mise. En outre, les expertises existantes en matière de cybersécurité, de spatial, de logistique et de production de matériaux avancés «doivent être renforcées», soutient Carlo Thelen, tout en affirmant qu’«il faut travailler sur d’autres domaines».
Qu’il s’agisse de spécialisation ou de diversification, le rapport insiste sur le rôle de l’État. «Nous avons cette expertise dans les fonds d’investissement, dans le private equity, dans le financement. Il faut bâtir là-dessus», souligne le directeur général de la Chambre de commerce. L’État est ainsi appelé à financer la recherche-développement et à devenir un acheteur stratégique et un catalyseur industriel. Le rapport juge également nécessaire la création d’une équipe d’attachés militaires pour négocier et d’une «marketplace» pour vendre.
Au-delà des frontières, l’État est également attendu dans son implication dans les organes de l’UE afin d’orienter les décisions et «faire en sorte de jouer la carte européenne et la carte luxembourgeoise», glisse Carlo Thelen.