Une publication accusant un policier de harcèlement sexuel a propulsé le syndicat national de la police devant les juges. Ce dernier a tiré plus vite que son ombre et commis une erreur.
Tant qu’on n’est pas condamné, on est innocent. C’est le principe de la présomption d’innocence. Simple. Basique. Il clôt tous les communiqués de la justice et de la police comme une invitation à la prudence, à ne pas clouer les personnes incriminées trop vite au pilori ainsi qu’à leur éviter l’opprobre publique. Un garde-fou que le syndicat national de la police grand-ducale (SNPGL) est accusé d’avoir allègrement sauté en mars 2021.
Le syndicat a publié une lettre dans son magasine accusant un policier aujourd’hui retraité, de harcèlement sexuel notamment lors d’un repas de Noël. Or, le policier en question a été blanchi par une enquête de l’inspection générale de la police (IGP).
À présent, il accuse le syndicat de diffamation, de calomnies et d’injures à son encontre et demande réparation pour laver sa réputation : 22 000 euros pour 34 ans de bons et loyaux services balayés par la lettre.
Le magazine du SNPGL est tiré à 2 500 exemplaires et distribué à ses membres actifs et retraités, aux ministres et députés ainsi qu’au parquet. Il compile les activités réalisées par le syndicat tout au long de l’année et est mis en forme par la secrétaire de ce dernier, a expliqué Patrick Baddé, vice-president et lanceur d’alerte, mardi matin à la barre de la 9e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg.
Le comité du syndicat a décidé, après un vote à la majorité, de publier la lettre en gommant l’identité du policier, raconte le syndicaliste. La secrétaire s’est exécuté, mais a omis de supprimer le grade et le poste occupé par le policier, le rendant ainsi identifiable.
Un «quiproquo» pour le représentant du SNPGL. «Une vengeance personnelle» pour Me Aline Godart, l’avocate du plaignant. Son client et le témoin n’étaient pas en bons termes, et c’est ce dernier qui a dénoncé en février 2020 les faits allégués de harcèlement au syndicat, puis à l’IGP qui a lancé une enquête classée sans suite.
Patrick Baddé assure avoir été témoin de faits inconvenants lors du repas de Noël. Le policier aurait notamment forcé une serveuse à s’asseoir sur ses genoux et lui aurait également touché les fesses.
Il aurait aussi léché l’oreille d’une collègue et envoyé des images à caractère pornographique sur un groupe WhatsApp commun au service de police auquel il appartenait.
Pas d’intention de nuire
La chambre correctionnelle et le parquet reprochent au comité du SNPGL de ne pas s’être informé de la progression de l’enquête de l’IGP avant de publier la lettre dans son magazine.
Il aurait également pu tenter d’obtenir des réponses auprès des deux victimes présumées. Toutes deux n’ont pas fait grand cas des avances du policier, selon la représentante du parquet.
Pour elle, le syndicat a voulu «faire justice lui-même» en exposant le policier «au mépris public». La magistrate a requis une amende de 3 000 euros à l’encontre du SNPGL qui se retrouve pour la première fois de son histoire face à la justice, et a demandé que si condamnation il devait y avoir, elle soit publiée dans le magazine du syndicat.
L’avocat des policiers, Me Kohnen, a indiqué que le syndicat n’avait jamais eu l’intention de nuire en publiant la lettre. Il aurait uniquement voulu informer ses membres qu’il sévissait aussi sur la problématique du harcèlement dans les rangs de la police.
Le SNGPL a depuis présenté ses excuses au policier concerné et les a faites paraître dans le magazine. Ne parvenant pas à dégager d’élément moral prouvant une éventuelle intention de nuire de la part du syndicat, l’avocat a plaidé en faveur de son acquittement «pur et simple».
Le prononcé est fixé au 28 mai prochain.