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Réfugiés : les villages conteneurs font polémique


Nelly Meyers et Joë Lemmer du collectif «Keen Containerduerf am Duerf» dénoncent le choix du terrain vague derrière eux pour l'installation de conteneurs. Ils verraient mieux les demandeurs d'asile dans le village. (photo Didier Sylvestre)

Le gouvernement a décidé d’utiliser des terrains de l’État pour installer des villages conteneurs pour les demandeurs d’asile. Du côté des communes concernées, la nouvelle passe plus ou moins bien.

Si tout le monde s’accorde à dire que le Luxembourg a vocation à accueillir des personnes fuyant la guerre, certains tentent de contester la manière de faire. C’est à Steinfort que la fronde se manifeste le plus, avec le refus par un collectif de citoyens d’un village de conteneurs. Il souhaite des structures plus petites pour que les demandeurs d’asile s’intègrent plus facilement.

Les communes de Steinfort, Mamer, Junglinster et Diekirch ont été désignées par l’État pour accueillir des villages conteneurs sur des terrains appartenant à l’État. Dans un premier temps.

(zoomer pour visualiser les terrains concernés)

Des réunions d’information ont été organisées en présence du ministre de l’Intérieur, Dan Kersch, pour répondre aux craintes des habitants des dites communes. À Junglinster, 500 personnes étaient présentes. Le bourgmestre, Romain Reitz (CSV), avoue espérer en savoir plus lors de la prochaine réunion d’information fixée à mardi prochain, en présence des ministres François Bausch (Développement durable et Infrastructures), Dan Kersch (Intérieur) et Corinne Cahen (Famille) : « Nous avons été informés que le terrain prévu est derrière le lycée, j’espère en savoir plus. Nous n’avons pas eu trop le choix, c’est sûr, mais nous serons prêts le moment venu. Ce n’est pas une question de politique, mais simplement une question humaine. »

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À Clervaux, les discussions sont en cours, comme c’est le cas dans d’autres communes du pays, mais le bourgmestre, Emile Eicher (CSV), s’inquiète de la ghettoïsation à laquelle les villages de conteneurs peuvent conduire : « Si les demandeurs de protection internationale sont trop nombreux à être réunis dans un endroit, cela peut vite se transformer en ghetto. Il faut changer les lois pour accélérer les procédures et il faut être sûr qu’une fois le statut de réfugié en poche, ces personnes seront sorties de l’isolement. Le plus important est d’avoir un accueil bien organisé, avec le soutien de la population. »

«Trois cents, ça fait beaucoup…»

À Steinfort, si personne ne conteste le fait que le Luxembourg se doit d’accueillir des réfugiés, l’accueil passe mal. Le bourgmestre, Jean-Marie Wirth (CSV), a au départ proposé des logements dans sa commune pour les réfugiés : « Nous avons contacté l’OLAI, car nous avions la possibilité de loger des réfugiés dans une douzaine de logements répartis dans la commune, c’est-à-dire d’accueillir une trentaine de personnes. Puis le ministère m’a appelé pour me faire part du projet d’un village de conteneurs, pour cette fois-ci accueillir 300 personnes. Nous voulons accueillir des gens, mais 300, cela fait beaucoup… »

L'opposition aux conteneurs est forte parmi les riverains de Steinfort. (Photo : Dr)

L’opposition aux conteneurs est forte parmi les riverains de Steinfort. (Photo : Dr)

Le bourgmestre a déjà entrepris des démarches pour organiser un système de bénévolat au sein de la commune afin d’occuper des gens qui n’auront légalement pas le droit de travailler.

Sans trop chercher à polémiquer, le bourgmestre se demande néanmoins pourquoi le «poids» des demandeurs d’asile n’est porté que par une poignée de communes : « Il y a un problème de solidarité entre les communes. Il faudrait mettre en place un quota social, il devrait y avoir une sanction budgétaire pour les communes qui refusent d’accueillir des réfugiés. Je suis par exemple choqué qu’Esch-sur-Alzette, la deuxième ville du pays, n’ait pas de conteneurs », explique Jean-Marie Wirth.

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Pour autant, même si le bourgmestre a toujours le dernier mot et peut théoriquement refuser cette installation, il n’est pas question pour lui de se dérober : « Le S dans CSV, le mot social, me tient à cœur. Nous allons aider tous ceux qui veulent s’installer dans notre commune. »

Du côté des riverains, la fronde s’est formée autour d’un collectif de citoyens, «Keen Containerduerf am Duerf (pas de village de conteneurs dans le village)», qui fustige l’emploi de conteneurs avec, en toile de fond, la peur qu’un ghetto s’installe aux abords du village : « Nous avons une culture d’accueil à Steinfort, il faut aider ces gens de façon appropriée , estime Joë Lemmer, président du collectif. Il y a des bâtiments vides dans la commune, pourquoi ne pas disperser ces gens pour qu’ils soient en contact avec leurs voisins, qu’ils échangent, que leurs enfants aillent à l’école du village? Nous aimerions qu’ils s’intègrent le plus rapidement possible. S’ils sont parqués dans leurs conteneurs avec des barrières autour, les échanges avec la population locale seront plus difficiles .»

«Un nombre de réfugiés impossible à prédire»

Joë Lemmer a notamment listé des bâtiments existants qui pourraient accueillir des demandeurs d’asile de façon plus humaine, au sein de la commune : « Nous voudrions que les réfugiés soient également répartis à l’échelle de la population et que des quotas soient imposés aux communes. L’intégration doit se faire dans tout le pays et toutes les communes. S’ils sont parqués, ghettoïsés, ils seront stigmatisés. Il faut au contraire créer une mixité. Nous attaquons les conteneurs, pas les réfugiés. Le gouvernement est submergé, c’est une gestion de crise et un aveu d’échec de sa politique. »

Le ministre de l’Intérieur en charge du dossier, Dan Kersch, balaie ces critiques d’un revers de main : « C’est n’importe quoi! Le Luxembourg a signé au niveau international des traités qui l’obligent à accueillir des réfugiés. Il ne s’agit pas des communes, c’est au niveau de l’État. Nous allons accueillir beaucoup de monde, notre pays est petit, mais le nombre est impossible à prédire. C’est une situation exceptionnelle, il faut trouver des structures pour les accueillir, l’hiver est là. Il faut faire de notre mieux. »

Audrey Somnard