Avec deux succès chacun, Tadej Pogacar et Remco Evenepoel seront encore les deux principaux rivaux dimanche sur Liège-Bastogne-Liège, la Doyenne des classiques. Avec un avantage certain pour le champion du monde slovène.
Cette fois, plus moyen d’y échapper. C’est un épisode qui s’annonce aussi passionnant que les précédents, dans cette campagne de classiques du printemps qui va s’achever ce dimanche.
Car si le 1er mai coïncide toujours avec Eschborn-Frankfurt, l’ancien Grand Prix de Francfort, force est de constater qu’aucun des grands noms qui auront marqué l’actuelle campagne de classiques flandriennes puis ardennaises n’aura résisté à l’envie et à la nécessité de couper.
L’édition 2025 des classiques de printemps avait débuté par un nouveau succès solo du champion du monde sur les Strade Bianche et s’est poursuivie, toujours en Italie, par un trépidant Milan – San Remo où, une fois de plus, Tadej Pogacar, malgré un sens de l’initiative jamais démenti, a vu filer entre ses pattes l’intraitable Mathieu Van der Poel.
Il y eut l’épisode du Tour des Flandres et la revanche incontestée et incontestable de «Pogi». Puis sa sortie de route dans l’épisode de Roubaix, entraînant par voie de conséquence directe le troisième sacre consécutif de Mathieu Van der Poel sur le vélodrome. On releva l’intrépidité du Slovène et, a contrario, l’impeccable maîtrise du Néerlandais.
Les classiques de pavés repliées, Tadej Pogacar se lança guidon en avant vers les Ardennaises. Dimanche dernier, l’épisode de l’Amstel a longtemps tenu en haleine le public, toujours fan de son acteur principal.
D’autant que son attaque lointaine, à 47 kilomètres du but, fit un flop, Remco Evenepoel, son rival principal pour cette deuxième série, ramenant avec lui l’excellent Danois Mattias Skjelmose qui ne se fit pas prier pour plumer les deux grands favoris de nouveau réunis sur une même affiche.
Ce à quoi Tadej Pogacar répliqua mercredi avec l’aisance déconcertante qui fut la sienne sur le Mur de Huy à l’arrivée de la Flèche Wallonne, le message étant que le patron, c’était lui et uniquement lui. Pour un peu, il aurait eu le temps de faire un selfie avec, au loin, ses poursuivants lancés à ses trousses. Que n’aurait-on pas dit alors…
Enchaîner avec une telle prégnance, une même aisance, les classiques flandriennes et ardennaises comme le fait l’actuel champion du monde est inédit ou alors, il faut remonter à l’époque Eddy Merckx qu’on convoque toujours après les succès de Tadej Pogacar ou de Remco Evenepoel. Comparer reste un exercice historique compliqué pour plein de bonnes raisons.
Toutefois, Tadej Pogacar sent bien que cette boulimie dont il fait preuve est énergivore. «Le printemps est long, mais je gère mon calendrier, j’ai choisi mes classiques et fait l’impasse sur certaines épreuves de moindre importance, comme le Grand Prix E3 ou À Travers la Flandre», a-t-il rappelé mercredi en conférence de presse.
Vu ses qualités, sa forme du moment, son équipe et pour plein de bonnes raisons encore, le champion du monde reste le favori numéro un dans son match avec Evenepoel. Deux succès partout, Pogacar s’étant imposé à Liège en 2021 et 2024, alors qu’Evenepoel eut son heure de gloire en 2022 puis en 2023. On se prépare donc à vivre ce duel de haute intensité comme si on y était désormais habitué.
Un problème de riches
Le cyclisme vit actuellement un problème de riches qui tend à banaliser le caractère exceptionnel de l’époque traversée. Alors que, voici peu encore, on n’osait pas clairement se plaindre de la monotonie des séries réalisées à Ans par l’Espagnol Alejandro Valverde, qui attendait patiemment le final pour flinguer au sprint ses derniers rivaux, une stratégie dont les frères Schleck furent bien souvent victimes. Certes, en 2009, Andy Schleck, comme bien après lui Bob Jungels, connut ce bonheur dingue de finir en solitaire après un long raid lancé sur la Roche-aux-Faucons.
Mais la Doyenne au tracé fantastique s’est souvent noyée dans la monotonie des courses bloquées par les équipes des meilleurs puncheurs. Puis est venue subitement cette période bénie des attaquants de grand chemin, comme le sont les deux favoris de l’actuelle affiche.
On remarquera au passage qu’en 2023, la seule année dans ces quatre dernières éditions où Pogacar a affronté Evenepoel, le premier nommé fut emporté par une chute collective après 85 kilomètres de course, se blessant au poignet, alors que, voici deux ans, son duel avec le prodige belge et désormais double champion olympique était très attendu.
On verra comment l’intrigue se termine pour cette édition 2025, mais à l’évidence, d’homme à homme, «Pogi» paraît difficilement prenable par Evenepoel qui, transi de froid, a marqué le pas mercredi sur le Mur de Huy.
La terrible succession des côtes du final, toutes aussi prestigieuses les unes que les autres, de la Doyenne s’annonce sélective. Ces deux rivaux, on le présume, ne chercheront pas à s’éviter, ce qui promet beaucoup de tension pour les positions et une lutte sans merci dans les principales difficultés. Cela risque de partir de loin, car les deux rivaux partagent également la particularité de réaliser de grandes chevauchées, comme l’an passé encore avec ce raid d’Evenepoel depuis la mythique Redoute.
Dans ce contexte, leurs rivaux devront une nouvelle fois s’accrocher aux branches et, qui sait, prier pour que le scénario de l’Amstel se reproduise miraculeusement. Sait-on jamais…