Le chaos régnait au sein de la fondation Caritas qui a fini par imploser après le détournement de 61 millions d’euros. Le passage en commission spéciale du directeur des opérations le confirme.
La casse aurait pu être limitée si le CA avait eu une oreille plus attentive. Avec l’audition de Tom Brassel, ancien directeur des opérations de la fondation Caritas, les membres de la commission spéciale ont eu un large aperçu des dysfonctionnements qui ont conduit au détournement de 61 millions d’euros ayant causé la perte de l’institution catholique.
L’homme a été licencié pour faute grave, comme les autres membres de la direction, à l’exception de Marc Crochet qui a préféré donner sa démission.
Le député de l’opposition, Franz Fayot (LSAP), affirme que le passage de Tom Brassel a apporté un éclairage nouveau sur la période que traversait l’ONG, période au cours de laquelle les virements ont été effectués sur de faux comptes en Espagne par la directrice financière, victime, selon la théorie du parquet, d’une fraude au président.
«Ils étaient tous débordés par l’afflux des réfugiés, ils avaient pas mal de chantiers en cours et le directeur des opérations, comme d’autres, travaillaient douze à treize heures par jour», relate Franz Fayot.
Les tâches ne manquaient pas. Les soucis non plus. La direction et le conseil d’administration étaient préoccupés par un problème de remboursement d’un million d’euros à l’Office national d’accueil (ONA) dû à une gestion défaillante de ses fonds.
Le directeur opérationnel qui occupait beaucoup le terrain devait parallèlement résoudre un problème d’ordre personnel. Des halls de nuit ne disposaient pas d’employés qualifiés pour la surveillance, mais de concierges à qui ne revenait pas cette tâche.
«Il y avait des services qui ne fonctionnaient pas parfaitement et Tom Brassel était confronté à un comité de direction dans lequel régnait le bazar et à un conseil d’administration qui ne faisait pas son travail de contrôleur», a compris le député socialiste.
Tom Brassel était membre de ce comité de direction et c’est lui qui a signé les documents portant sur les lignes de crédit que lui tendait la directrice financière. Mais non sans y prêter attention.
La présidente du CA, Marie-Josée Jacobs, suivait les opérations de loin depuis deux ans, alors le directeur des opérations se confiait plutôt à Pit Bouché, le vice-président de la fondation et actuel chef de cabinet de la ministre de la Justice.
Tom Brassel a fait part à ce dernier de ses inquiétudes et interrogations au sujet de cette ligne de crédit. Une scène qui se déroule le 6 juin 2024.
À ce moment, le directeur des opérations parle de ses doutes à Pit Bouché sur la nature de lignes de crédit à hauteur de 26 millions d’euros ouvertes auprès de la BCEE et de la BGL et qu’il avait lui-même validées. Le vice-président n’y porte pas attention et le conseil d’administration déclarera plus tard avoir été mis au courant le 15 juillet à ce sujet.
Aucun changement en vue
Pourtant, Tom Brassel revient à la charge fin juin en signalant la deuxième ligne de crédit ouverte, mais là encore, pas de réaction de la part de Pit Bouché. «Le CA entérinait tout ce que disait le directeur général, aucun contrôle n’était fait, c’était un CA fantôme», affirme Franz Fayot à l’issue de la commission.
Quant au comité de direction composé de quatre membres, personne ne savait exactement ce que faisait l’autre en dépit des réunions qui leur permettaient d’échanger sur la situation de la fondation.
«Il n’y a pas eu la moindre explication sur la centaine de virements qui ont eu lieu sur une période de six mois quand même», souligne Franz Fayot, regrettant que «le contrôle des six yeux n’ait pas fonctionné».
Ce n’est pas à la commission spéciale de déterminer les responsables de ce détournement, de dire qui est coupable ou non. Mais les députés s’interrogent sur cette énergie criminelle qui a été déployée autour de tous ces virements qui ne correspondaient qu’à de fausses factures.
Ils se demandent si la directrice financière a été manipulée ou si elle a été victime d’un chantage. «Il y a eu des manœuvres frauduleuses pour soustraire tout cet argent, c’est certain», observe Franz Fayot.
Le directeur des opérations, de son côté, s’attendait à des changements dans l’organisation, mais au retour de Marc Crochet, il aurait compris que rien de vraiment concret n’allait se passer. En l’absence de changements majeurs, Tom Brassel aurait sans doute démissionné de la fondation, car il se trouvait au bord du burn-out.
Des représentants des banques concernées par l’affaire Caritas, la Spuerkees et la BGL, devraient être reçus en commission spéciale Caritas les 5 et 7 mai.