Alors que le Luxembourg fait face à une pénurie de compétences et de main-d’œuvre, la part de chômeurs de plus de 45 ans, elle, continue de croître.
«Il est crucial d’activer l’ensemble de la main-d’œuvre disponible, y compris les travailleurs plus âgés.» Ce constat, émis par l’Adem, porte à réflexion. De nombreux secteurs luxembourgeois assurent en effet, depuis plusieurs années, faire face à une pénurie de compétences ou de main-d’œuvre. Du soin à l’artisanat, en passant par l’industrie, tous sonnent l’alerte et appellent à un réveil.
Pourtant, à l’image des demandeurs d’emploi surqualifiés (c.-à-d. disposant d’un diplôme de l’enseignement supérieur), qui, mois après mois, grossissent les rangs de l’Adem, une autre catégorie de chômeurs voit sa proportion considérablement augmenter sur la dernière décennie : les plus de 45 ans.
Plusieurs freins à l’emploi
Selon l’Agence, les demandeurs d’emploi âgés de 45 ans et plus représentent plus de 40 % des demandeurs d’emploi inscrits, fin juillet 2024. Même si l’âge effectif de départ à la retraite est plus précoce au Luxembourg que dans la plupart des autres pays de l’OCDE, il n’en demeure que ces personnes rencontrent souvent une combinaison de freins à l’emploi : problèmes de santé, manque de compétences, difficultés familiales ou financières…
C’est simple : depuis 2022, le nombre de demandeurs d’emploi est à la hausse au Luxembourg. Toute catégorie d’âge confondue. Mais les chômeurs de plus de 45 ans représentent le groupe le plus important parmi les différentes tranches d’âge touchées. En juillet 2024, 7 564 demandeurs d’emploi de plus de 45 ans et plus étaient ainsi inscrits à l’Adem, contre 3 357 pour les moins de 30 ans.
Les seniors particulièrement touchés
Dans le détail, on peut constater que c’est la situation des plus de 60 ans qui diffère le plus : la population des chômeurs seniors a en effet augmenté en moyenne de 7,6 % par an depuis dix ans. Les 55-59 ans ont également connu une augmentation annuelle moyenne de 1,8 %.
Un écart ressenti aussi en termes de proportion des genres. Les plus de 60 ans sont majoritairement des hommes (plus de 60 % concernés) : un basculement qui s’opère dès l’âge de 50 ans, note l’Adem. La part de demandeurs d’emploi masculins, désireux de poursuivre une activité professionnelle, progresse alors graduellement.
Un phénomène qui s’explique très simplement : outre le fait que les femmes poursuivent des carrières plus courtes, certains secteurs aux métiers manuels (tels que la construction ou l’industrie), voient leurs postes de travail très majoritairement occupés… par des hommes. Ces professions étant davantage susceptibles d’entraîner des soucis de santé à moyen et long termes, la perte d’un emploi après 50 ans rend la réinsertion professionnelle d’autant plus difficile à mesure que l’âge avance, note l’Adem.
Moins qualifiés
Et pourtant. En 2023, trois secteurs d’activité ont recruté le plus grand nombre de demandeurs d’emploi de plus de 45 ans : la construction d’abord (3 670 recrutements), suivie des activités de services administratifs et de soutien (3 120) et de l’hébergement et la restauration (2 930 recrutements).
Des métiers aux qualifications moins élevées qui semblent donc davantage correspondre au profil du demandeur d’emploi de plus de 45 ans : disposant d’un «niveau de qualification secondaire inférieur» et, de facto, moins compétitif sur un marché du travail qui valorise de plus en plus les qualifications supérieures (mais pas trop non plus…).
Les plus de 45 ans se tournent donc vers des métiers nécessitant moins de qualifications, mais qui ne souffrent pas forcément de la pénurie, bien au contraire. Nettoyage ou gardiennage de locaux, secrétariat ou encore plonge…
Top 10 des secteurs d’activité qui recrutent le plus de personnes de 45 ans et plus
1. Construction
2. Activités de services administratifs et de soutien
3. Hébergement et restauration
4. Commerce, réparation d’automobiles et de motocycles
5. Santé humaine et action sociale
6. Transports et entreposage
7. Activité financières et d’assurance
8. Activités spécialisées, scientifiques et techniques
9. Administration publique
10. Industrie manufacturière
Des chômeurs de longue durée
Plus l’âge est élevé, plus la durée d’inscription auprès de l’Adem tend à s’allonger. Les chômeurs de plus de 45 ans sont ainsi plutôt sujets au chômage de longue durée. En juillet 2024, 61 % des demandeurs d’emploi issus de cette tranche d’âge sont inscrits auprès de l’Adem depuis plus de 12 mois. Alors que du côté des jeunes demandeurs d’emploi, ils sont 23 % dans ce cas.
Parmi les demandeurs d’emploi de plus de 60 ans, il est à noter que plus de 70 % d’entre eux sont des chômeurs de longue durée. Plus de la moitié sont même des chômeurs de très longue durée (52,1 %), donc inscrits depuis plus de 24 mois. «Cette proportion élevée souligne une nouvelle fois les défis spécifiques auxquels sont confrontés les travailleurs plus âgés lorsqu’ils tentent de retrouver un emploi», appuie l’Agence pour l’emploi.
Alors que le Luxembourg s’efforce de combler ses besoins en main-d’œuvre, ignorer le vivier que représentent les plus de 45 ans (et les diplômés de l’enseignement supérieur!) revient à se priver d’une richesse précieuse : l’expérience. Repenser les critères de recrutement, adapter les postes, et surtout combattre les stéréotypes liés à l’âge ne sont désormais plus des options. Il semble en effet que face à la pénurie, ce n’est pas le nombre de CV qui manque…
S.W.