Tadej Pogacar et Wout van Aert vont retrouver dimanche aux Pays-Bas les spécialistes des classiques de grimpeurs pour l’Amstel Gold Race. Ça promet!
Immanquablement, tous les regards seront de nouveau pointés sur Tadej Pogacar. Ce qui, à l’évidence, ne sera pas pour déplaire ni aux organisateurs ni à l’immense public qui s’apprête à envahir les pentes du Cauberg où, par bonheur, sera de nouveau jugée l’arrivée de la seule classique néerlandaise du calendrier World Tour. Cela nous fera d’ailleurs effectuer un petit bond dans l’histoire et dans les années 2010 (la dernière édition jugée au Cauberg remonte à 2017), dont cette édition 2006 remportée en solitaire et sous la bruine par un certain Frank Schleck, le seul succès luxembourgeois dans l’Amstel…
Oui, une semaine après son nouveau duel avec Mathieu Van der Poel, cette fois-ci perdu (c’est relatif…) sur les pavés de Roubaix, mais dont le souvenir restera longtemps ancré dans la mémoire collective, on retrouve le champion du monde pour la semaine des classiques ardennaises en quête d’un premier bouquet dans l’Amstel (où il avait abandonné en 2019 pour sa seule participation jusqu’ici), d’un deuxième dans la Flèche (victoire en 2023 pour sa cinquième participation) et d’un troisième à Liège (succès en 2021 et 2024).
«Je verrai demain si j’arrive à me lever»
Depuis son succès aux Strade Bianche, Tadej Pogacar n’a donc pas chômé puisque dans cette version inédite d’une saison où le numéro un mondial, triple vainqueur du Tour, s’est décidé à empiler classiques flandriennes et ardennaises, il truste les podiums avec célérité et légèreté. «Je verrai demain si j’arrive à me lever», avait-il répliqué à la question de savoir, au soir d’un Paris-Roubaix magnifique, mais donc perdu face à Mathieu Van der Poel, si la semaine suivante il serait au départ de l’Amstel. Franchement, la fraîcheur du garçon et sa volonté d’ouvrir en grand le robinet de sa prodigalité font plaisir à voir et à entendre. Ce qui donne un sacré coup de vieux à la génération Armstrong et à celles qui ont suivi aussi, où chaque coup de pédale paraissait compté, millimétré avant de s’avancer, à pas feutrés, jusqu’à l’obsession, vers le Tour, l’unique Tour…
Apparemment, la douche du vélodrome aura donc été salvatrice. Dans un ordre décroissant, deuxième à Roubaix, lauréat du Tour des Flandres et troisième de Milan-San Remo, le Slovène n’a pas chômé ces dernières semaines. Mais dimanche, son meilleur adversaire du moment, Mathieu Van der Poel, vainqueur ici même en 2019, ne sera pas là.
Mais si, avec les coureurs actuels, la façon de courir a changé, pour les spécialistes des classiques, il reste toujours aussi délicat d’enchaîner les classiques de pavés et les classiques de grimpeurs. Tom Pidcock, vainqueur sortant de l’Amstel qui sera dimanche un sérieux prétendant à sa propre succession, en est le parfait contre-exemple. Il s’était payé une fugue de 80 kilomètres l’an passé sur Paris-Roubaix avant de rafler l’Amstel une semaine plus tard. Certes, mais il avait terminé 16e seulement de la Reine des classiques…
Pas simple d’enchaîner!
Inutile de chercher, dans le cyclisme de ces dernières années, de surcroît depuis que l’Amstel, originellement organisée le samedi et sur un parcours ultraplat, a adopté à partir de 1991 un tracé agrémenté de toutes les côtes du Limbourg néerlandais, pas un coureur n’a fait le doublé Roubaix-Amstel. D’ailleurs, l’an passé, Mathieu Van der Poel, auteur du doublé Flandres-Roubaix, n’a fait que 22e dans l’Amstel.
Il est arrivé au jeune retraité Philippe Gilbert de jouer aux cumulards. Mais s’il a bien remporté Paris-Roubaix en 2017, il n’a terminé que 30e dans l’Amstel, sa course fétiche qu’il avait remportée à quatre reprises. Et dans sa folle année 2011 où il avait raflé les trois Ardennaises, la Flèche brabançonne en prime, il avait terminé neuvième du Tour des Flandres et zappé Paris-Roubaix. L’année précédente, pour son premier succès dans la classique néerlandaise, il avait préalablement terminé troisième du Ronde.
Idem pour Wout van Aert, quatrième du Tour des Flandres comme de Paris-Roubaix cette saison. Il a remporté une fois l’Amstel en 2021 après une sixième place au Tour des Flandres. Il avait pris, cette année-là, la 6e place à Roubaix, alors exceptionnellement déplacée en octobre…
Bref, c’est un nouveau pan d’histoire que ce fameux Tadej Pogacar s’apprête à abattre avec la vista, la force et aussi la réussite qui caractérisent ce véritable prodige. La présence de noms comme Tom Pidcock, Wout van Aert, Julian Alaphilippe, Marc Hirschi, Remco Evenepoel et d’une ribambelle de grimpeurs-puncheurs n’y changera sans doute pas grand-chose. Malgré le changement de terrain, Tadej Pogacar sera le favori numéro un. Et s’il parvient à ses fins, alors il conviendra de convoquer à nouveau l’histoire du cyclisme…