L’ancien avant-centre international parle vodka, racisme et voyage retour en silence.
La meilleure équipe contre laquelle vous ayez joué ?
Joël Kitenge : L’Allemagne, contre qui on perd 7-0 à Fribourg (NDLR : en mai 2006). Ce n’était pas très impressionnant défensivement, mais les milieux de terrain et les attaquants étaient chauds. Ça partait à 2 000 à l’heure. C’était leur premier match de préparation avant le Mondial, ils avaient quelque chose à prouver.
Votre plus beau but ?
Quand j’égalise au pays de Galles (NDLR : 5-1, en août 2010). Pourtant, à la mi-temps, on me sort. Pendant la première période, je sentais qu’il y avait moyen! Mais on fait plein de changements et le match part en couilles.
Champion en 2014 avec le F91, Joël Kitenge, passé par Villefranche (France), Emmendingen (Allemagne) et Lienden (Pays-Bas), a joué 150 matches en DN avec le Fola, le F91 et Grevenmacher, entre 2008 et 2016. Aligné 29 fois avec la sélection, il a inscrit deux buts avec les Rout Léiwen, tandis qu’il n’a pas inscrit le moindre but en 11 rencontres européennes en club.
Le joueur le plus fou avec lequel vous ayez joué ?
Donovan Maury, un gars qui mettait des crampons vissés sur terrain sec juste pour montrer qu’il était là. Il a passé deux ans à m’appeler Mamadou sans que je sache pourquoi, mais ce gars, il aurait pu te mordre la nuque ou te mettre les deux genoux dans la tête. Je l’adorais, mais pour lui, c’était soit il attrapait le ballon, soit il t’attrapait toi.
Et le meilleur joueur ?
En fait, il y en a eu trois, à l’époque dudelangeoise. Thierry Steimetz, Semir Louadj et Saïd Idazza. Le premier était hors catégorie d’un point de vue technique, le second rendait fous les adversaires dans le couloir avec ses crochets, le troisième était une flèche qui avait les deux pieds. Moi, ils n’ont jamais essayé de me rendre dingue à l’entraînement, parce qu’ils savaient que je dégoupillais vite et que s’ils m’énervaient, j’aurais commencé à casser des jambes (il rit).
Il a passé deux ans à m’appeler Mamadou sans que je sache pourquoi
Quant au meilleur joueur que vous ayez affronté ?
Le Belge Daniel Van Buyten. J’avais l’impression que le mec faisait 2,50 m et 300 kilos. Un monstre. Pendant tout le match, j’étais en train de réfléchir à comment le passer parce qu’il était plus costaud que moi et si intelligent dans ses placements qu’il était impossible de le prendre de vitesse.
Votre déplacement le plus fou ?
Le Liechtenstein (NDLR : éliminatoires du Mondial, septembre 2005). On part en avion, on perd 3-0 et, pour nous punir, Hellers nous force à revenir en bus en nous disant que le premier qui parle, ça va barder. Un silence de neuf heures, ça fait mal. On était partis comme des stars pour affronter un pays de 30 habitants et le sélectionneur nous a fait redescendre vite fait sur terre.
Un adversaire que vous n’aimiez pas ?
C’est trop loin pour que je me rappelle les noms, mais j’ai beaucoup été victime d’insultes racistes dans des matches contre Rumelange ou la Jeunesse. Tu te sens seul quand ça t’arrive. Personne ne faisait rien. C’étaient des cris de singe, des « retourne sur ton arbre »… Un jour, j’ai même déclenché une bagarre générale à cause de ça. C’était en Coupe, dans un derby eschois. Je me dépêche pour faire une remise en jeu et un supporter de la Jeunesse refuse de me donner le ballon et m’insulte. J’ai poursuivi le match, mais je me suis souvenu de son visage. Après, je suis allé le retrouver et tout le monde s’en est mêlé. Mais ça m’a fait beaucoup de bien!
Je me suis demandé si ce n’était pas un complot
Un transfert qui ne s’est pas fait ?
Quand j’étais aux Pays-Bas, des clubs s’intéressaient à moi. Cologne, Bochum, Everton… Mon agent, Christian Payan, basé à Barcelone, me dit de ne plus répondre au téléphone, qu’il s’occupe de tout. Et je n’ai plus de nouvelles, jusqu’à ce que moi, je me décide à rappeler. Là, j’entends « ton agent est trop gourmand. Les primes qu’il demande sont trop élevées ». C’est comme ça que je suis revenu au Fola. Mais il voulait quand même porter plainte contre moi parce qu’il voulait toucher sa com sur ma prime à la signature, à Esch. Alors je l’ai menacé. Je lui ai dit que j’allais descendre à Barcelone lui casser la gueule. Je n’ai plus rien entendu.
La plus grosse engueulade de vestiaire ?
Au F91, il n’y avait que des caractères forts, d’anciens pros, des super talents, tous de nationalités différentes. Alors coach ou pas, à la pause, quand ça n’allait pas, les joueurs réglaient leurs comptes entre eux. Et puis, Thierry Steimetz nous criait de fermer nos gueules, et là, plus personne ne l’ouvrait! Mais j’aimerais revenir sur l’épisode de la bouteille de vodka en sélection, qui m’a valu une exclusion de la part de Luc Holtz. Je n’ai jamais pu donner ma version. Parce que le sélectionneur est quand même entré avec un pass dans ma chambre – et seulement dans ma chambre! – et des fois, je me suis demandé si ce n’était pas un peu un complot. Là, dans la chambre, il y avait la bouteille et six verres. Holtz, il a été joueur, il sait qu’on a besoin de décompresser après un match (NDLR : c’était après la Bosnie) et il tombe sur la bouteille. Il pensait que c’était moi qui l’avais sifflée seul ou quoi? Et les six verres, ils étaient à qui? Et pourquoi il n’est pas allé dans d’autres chambres où, croyez-moi, c’était pire? Alors voilà, on est à l’entraînement, il sort la bouteille, la jette à mes pieds et les gars qui étaient avec moi la regardent et il n’y en a pas un qui l’a ouvert, en solidarité. C’était décevant.
Après avoir prématurément mis un terme à sa carrière pour se concentrer sur ses activités professionnelles et l’ouverture de son restaurant dans le nord du pays, Kitenge s’est rendu compte qu’il… «déprimait» dans une région qui n’était pas la sienne. Habitant Esch, père de deux petites filles de 3 et 6 ans, il œuvre désormais dans la commune de Hesperange, aux services techniques. Opéré d’une jambe (36 vis et deux plaques), il attend de ne plus souffrir avant de savoir s’il peut, éventuellement, reprendre le foot chez les vétérans.