Si la croissance se redresse péniblement (+1% en 2024), le choc de la guerre en Ukraine continue de peser, et les attaques venues des États-Unis pourraient compromettre l’embellie.
«Ce qu’on vous présente, c’est une sorte d’état des lieux d’entrée dans l’inconnu», prévient d’emblée Vincent Hein, face aux incertitudes liées aux droits de douanes décretés par Trump. Puis, le directeur d’Idea déroule l’avis annuel 2025 établi par le laboratoire d’idées de la Chambre de commerce.
Si ces dernières décennies, le Luxembourg a survolé les crises plus facilement que ses voisins européens, les chocs successifs provoqués par la pandémie de Covid en 2020, puis par la guerre en Ukraine en 2022, lui ont mis du plomb dans l’aile.
«Le pays peine à sortir la tête de l’eau, après une forte inflation et la hausse des taux d’intérêts. 2024 a vu une reprise fragile, de l’ordre de 1% du PIB, mais les révisions à la baisse des années précédentes dessinent une période relativement mauvaise.»
Avec des secteurs plus souffrent davantage : la construction, qui voit sa valeur ajoutée reculer de plus de 7%, mais aussi le commerce ou les activités financières, aspirés eux aussi dans une dynamique négative.
Énergie, transports et Horeca au beau fixe
En revanche, l’énergie, les transports et l’Horeca, ont tiré l’économie vers le haut en 2024, comme les secteurs non marchands (éducation, santé, administration publique).
L’économiste souligne ensuite que «le frein à main a été tiré sur l’investissement productif et immobilier. Avec un recul de 22% sur trois ans, c’est vraiment le talon d’Achille de l’économie».
Il pointe le trou abyssal de 11 milliards d’euros creusé dans le crédit immobilier consenti aux ménages sur cette période, avant de citer un autre point critique : l’excédent de commerce de biens et services du pays, représentant environ 30% du PIB.
«Le solde reste positif, mais ne progresse plus comme avant. Voilà ce moteur historique de la croissance qui tousse.»

Heureusement, le moteur de la consommation des administrations publiques, lui, a tourné à plein régime (+4,6% par an), tout comme celui de la consommation des ménages, soutenue par le bouclier énergétique, plusieurs tranches indiciaires et un niveau de chômage stable malgré un ralentissement global.
«L’élément qui va peut-être gâcher la fête»
«Depuis 2024, les taux baissent, et c’est un motif d’espoir. Cependant, les prochaines estimations du Statec pourraient être revues à la baisse, avec l’élément qui va peut-être gâcher la fête : la guerre commerciale déclenchée par les États-Unis et dont il est impossible aujourd’hui de mesurer l’impact.»
Si les exportations de biens directs vers l’Amérique plafonnent à 3% des exportations totales du Luxembourg, les échanges de services sont beaucoup plus importants avec près de 23 milliards d’euros cumulés.
Sans oublier que sur les 2,6 milliards d’investissements étrangers enregistrés en 2023, la part provenant des États-Unis atteignait 22%, soit 560 millions. «Presque aussi élevé que les flux entrants depuis l’UE, de l’ordre de 700 millions d’euros», compare Vincent Hein.
Une période qui ne favorise pas le retour de la confiance, commente-t-il, et met en évidence les limites structurelles à la croissance que sont les retards accumulés dans la construction de logements, le tassement inquiétant des investissements en recherche et développement, ou encore la disponibilité de main d’œuvre.
L’emploi au ralenti
Concernant le marché du travail, l’économiste Ioana Pop indique que la création d’emploi n’avait plus connu de rythme aussi lent (+1,1%) depuis 2009, et c’est le secteur marchand qui en paye le prix fort, avec à peine 1 300 emplois créés l’an passé – contre 4 450 pour le secteur non marchand.
Les branches qui ont le plus souffert sont la construction, qui a perdu 2 500 emplois, et l’industrie.
Des compétences qui ne suivent pas les besoins
«Si le chômage a augmenté modérément et devrait suivre la même trajectoire en 2025, on constate aussi que les diplômés du supérieur sont nombreux à avoir des difficultés pour trouver du travail. Leur nombre a bondi de 15% en un an.»
Une hausse qui peut notamment s’expliquer par un problème d’adéquation entre les besoins du marché et les qualifications de ces demandeurs d’emploi.
L’un des grands défis pour les années à venir, juge l’experte, comme la dépendance du pays aux travailleurs frontaliers, qui représentent plus de la moitié de la hausse de l’emploi, ou encore la difficulté à maintenir les seniors en activité.