Réunis hier à Luxembourg, les 27 États membres de l’UE ont cherché à esquisser une réponse commune aux droits de douane de Donald Trump, sans se laisser dépasser par leurs différences.
Interrogé par nos confrères de Bloomberg Television, le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, Xavier Bettel – également en charge du Commerce extérieur – a insisté sur l’unité des États membres de l’UE afin de trouver une solution au conflit commercial avec les États-Unis. «Je sais que 27 sont plus forts qu’un seul – et donc si nous restons unis comme nous le faisons pour le moment, je suis convaincu qu’à la fin de la journée, nous trouverons un bon compromis», a-t-il déclaré en arrivant à la réunion extraordinaire des ministres européens en charge du Commerce, qui s’est tenue hier à Luxembourg.
Le «compromis» se limite pour l’instant à la volonté commune d’engager des négociations avec Washington avant de dégainer des contre-mesures pour répondre aux droits de douane imposés à l’UE par l’administration Trump. Dans ce contexte, la Commission européenne a proposé aux États-Unis une exemption totale et réciproque des droits de douane pour les automobiles et autres biens industriels. «Nous avons proposé des droits de douane nuls pour les produits industriels. L’Europe est toujours prête à conclure un bon accord», a déclaré la présidente Ursula von der Leyen.
Bettel : «Jusqu’où est-on prêt à aller?»
«La meilleure des choses que les deux plus grands partenaires commerciaux et alliés puissent faire est de se mettre à table et trouver des solutions viables pour les deux côtés», avance le commissaire européen chargé du Commerce, Maros Sefcovic, lors de la conférence de presse organisée après la réunion au Kirchberg. L’intention serait d’agir de manière responsable. «Mais nous n’allons pas attendre éternellement», renchérit le commissaire. L’UE se dit prête à utiliser «tous les outils» de son «arsenal de défense commerciale».
Le ton diffère toutefois parmi les Vingt-Sept sur les éventuelles représailles européennes si ces négociations échouent. À commencer par l’idée de cibler ou non la «tech» américaine. L’idée a notamment été évoquée de viser les fleurons américains des technologies numériques, comme Microsoft, Amazon, Google ou Meta (Facebook). Mais peu d’éléments concrets ont fuité sur les détails de cette proposition.
«Ce serait une escalade extraordinaire à un moment où nous devons travailler à la désescalade», a mis en garde le ministre irlandais des Affaires étrangères, Simon Harris, dont le pays dépend fortement des investissements américains, en particulier dans les secteurs pharmaceutique et technologique. Un sentiment partagé par d’autres pays européens très dépendants de l’Amérique pour leur sécurité, comme les États baltes.
«Jusqu’où est-on prêt à aller? Nous connaissons l’imprévisibilité de Donald Trump. Si nous ciblons des personnes qui lui sont proches, l’UE risque d’être frappée par de nouvelles taxes. Cela serait de la provocation, alors que notre objectif doit être de calmer le jeu», fait remarquer Xavier Bettel au micro de RTL. Il plaide pour se montrer «pragmatique» et expliquer, «sur base de chiffres objectifs», que la politique commerciale que Donald Trump compte mener «n’est pas dans l’intérêt des Américains».
«Or, si le pragmatisme ne suffit pas et s’il n’y a pas de volonté d’engager des négociations, l’UE doit avoir en main des mesures qui vont faire mal aux États-Unis», ajoute le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères.
La France et l’Allemagne poussent pour une réponse très ferme de Bruxelles.
Même si Paris veut «d’abord tout faire pour préférer la coopération» avec les États-Unis, le ministre Laurent Saint-Martin a appelé l’Union européenne à «n’exclure aucune option» concernant les biens comme les services américains. La boîte à outils européenne «peut être extrêmement agressive», a-t-il affirmé depuis Luxembourg, avant de mentionner un outil dont l’UE s’est dotée en 2023, qui vise à punir tout pays utilisant des armes économiques pour faire pression sur elle.
Jamais utilisé jusqu’ici, cet «instrument anticoercition» a été pensé comme un outil de dissuasion, à activer après épuisement des voies diplomatiques. Il permettrait notamment le gel de l’accès aux marchés publics européens ou le blocage de certains investissements.
Le ministre allemand de l’Économie, Robert Habeck, a, lui aussi, estimé que l’Europe devait être prête à utiliser ce «bazooka» face à l’intransigeance américaine.
Un déficit commercial qui est à relativiser
Donald Trump a récemment accusé l’UE d’avoir été créée pour «entuber» les États-Unis, évoquant notamment un excédent commercial européen vis-à-vis des États-Unis, en matière de marchandises. Mais ce périmètre ne tient pas compte des services, qui constituent pourtant la plus grande part de l’activité économique, et pour lequel les États-Unis ont avec l’Europe un important excédent commercial.
Le déficit commercial total, biens et services, des États-Unis avec l’UE est de 50 milliards d’euros, soit 3 % du total des échanges euro-atlantiques, qui représentent quelque 1 500 milliards d’euros, a expliqué Maros Sefcovic.