Les cartes prépayées, que le gouvernement français souhaite mieux encadrer après avoir révélé leur utilisation pour préparer les attentats du 13 novembre, se veulent une alternative aux cartes de paiement classiques, notamment pour ceux qui n’ont pas de compte en banque.
Estampillées Visa ou Mastercard et munies d’un code secret, ces cartes permettent de retirer du liquide dans les distributeurs, de faire des achats en magasin ou en ligne, comme des cartes bancaires classique. Mais à la différence de ces dernières, elles ne sont pas nominatives. Aujourd’hui, il est possible d’utiliser ces cartes sans vérification d’identité jusqu’à un montant de 250 euros pour les cartes non-rechargeables (généralement des cartes cadeaux), et jusqu’à 2 500 euros sur un an pour les cartes rechargeables.
Initialement distribuées par les banques, ces cartes ciblent notamment les parents en quête d’un moyen de paiement sûr et plafonné pour leurs enfants (il faut être majeur pour l’acheter mais pas pour l’utiliser). « Cela permet aux parents de maîtriser les finances de leurs enfants », explique la Banque postale, qui a lancé une carte prépayée dès 2008. Selon la banque, ces cartes sont également beaucoup utilisées par les tuteurs et curateurs des majeurs incapables.
Quand elles sont commercialisées par les banques, les cartes prépayées sont rattachées à un compte bancaire et soumises à la même réglementation que les cartes classiques. « Elles sont rechargées par virement et la traçabilité est assurée », souligne-t-on à la Fédération bancaire française, qui demande depuis plusieurs années à ce que tous les acteurs du paiement soient soumis aux mêmes obligations.
Car deux directives européennes (transposées en France en 2009 et 2013), visant à harmoniser le droit des paiements et favoriser la concurrence, ont introduit deux nouveaux statuts (établissement de paiement et établissement de monnaie électronique) qui ont permis à des acteurs non bancaires d’investir ce marché.
Fin 2014, 48 établissements disposaient en France du statut d’établissement de paiement et 5 du statut d’établissement de monnaie électronique, selon l’ACPR, régulateur du secteur bancaire.
Risques de blanchiment et de financement du terrorisme
Parmi ces nouveaux acteurs, certains proposent des cartes prépayées qui ne sont rattachées à aucun compte bancaire, disponibles en grande surface, dans les bureaux de tabac, ou en ligne. Accessibles à toute personne majeure sans condition de revenu, ces cartes permettent notamment aux personnes frappées d’interdit bancaire de disposer d’un moyen de paiement. Elles peuvent aussi être utilisées pour les transferts d’argent à l’étranger.
Certaines d’entre elles (Veritas, Neocash…) peuvent être rechargées en espèces, ou à l’aide de coupons échangeables dans les bureaux de tabac (Neosurf, Neocode, TicketSurf), ce qui en rend la traçabilité impossible. « Il y a de nouveaux instruments de paiement qui ont été créés et qui méritent de rentrer dans nos radars », a indiqué lundi le patron de Tracfin, Bruno Dalles, au sujet des cartes prépayées, « délivrées à l’étranger, pas très loin, et utilisées sur le territoire national ».
Selon Bercy, des dispositions seront prises pour limiter le montant total pouvant être crédité sur les cartes et pour mieux encadrer l’anonymat des clients. Ces mesures feront l’objet d’un décret, en Conseil d’Etat au premier trimestre 2016.
Dès 2012, l’Observatoire de la sécurité des cartes de paiement, rattaché à la Banque de France, pointait dans un rapport les risques liés à l’anonymat de ce type de paiement. « Lorsque ces cartes sont anonymes, elles soulèvent des risques d’utilisation à des fins de blanchiment d’argent ou de financement du terrorisme », indiquait l’organisme dans son rapport annuel, recommandant de limiter « leur usage sur le plan national, européen voire international ».
AFP