La Maison Heler est l’hôtel conçu par le designer Philippe Starck qui s’élève au cœur du nouveau quartier de la Gare. Il a ouvert jeudi soir.
La tour en béton brut
La Maison Heler, celle que tous les Messins appellent « l’Hôtel Starck », c’est d’abord cette maison à tourelles en aluminium perchée sur un immeuble en béton. Une apparition insensée surgissant du terrain vague de la ZAC Amphithéâtre. Depuis 2015, date à laquelle le designer français Philippe Starck annonçait sa volonté de créer ex nihilo un hôtel «fantasmagorique» à Metz, le projet du gratte-ciel en verre planté dans un verger de mirabelliers a évolué au gré des contraintes techniques et du conte pataphysique (science des solutions imaginaires) du maître des lieux ( La Vie minutieuse de Manfred Heler , édition Allary). Dès lors, le béton matricé témoigne de ce moment invraisemblable où la tour aurait été « extrudée» du sol. La clé est dans le conte de Philippe Starck : «Alors, le Niou, il s’ennuyait, de l’autre côté de la terre. Il construisit une tour […] mais il la construisit dans la vase». Elle s’enfonça tellement, qu’elle réapparut à Metz, sous la maison de Manfred Heler, qu’elle poussa vers le ciel.
La brasserie du rez-de-chaussée
L’entrée de l’hôtel 4 étoiles Curio Collection by Hilton est au n° 31 rue Jacques-Chirac. Le hall d’accueil présente un mur aux faïences argentées qu’anime une vidéo ainsi que des vitrines aux allures de cabinets de curiosités. L’onctueuse moquette déroule les lettres d’un alphabet-rébus où le cœur est un C, la serrure un E, la fusée un F et la rose un R. L’on retrouvera partout dans l’hôtel ces signes ésotériques sortis du conte de Starck. Les posters des archives nationales du CNRS qui ornent les murs blancs décrivent quelques inventions farfelues du XIXe siècle. La salle au mobilier noir, truffée d’abat-jour, de coussins et de moquette-rébus, est l’antre de la brasserie gastronomique. Ouverte de 6 h 30 à 22 h, avec des menus de saison à 28 euros (deux plats) ou 35 euros (trois plats), elle s’ouvre sur la terrasse et se prolonge vers le café de Rose.
Le café de Rose
Le conte se matérialise ici aussi. La couleur rose du bar, des faïences et de la vaisselle est dédiée à Rose, la bien-aimée du personnage Manfred Heler. Les clients qui lèveront les yeux au ciel admireront un avion suspendu. Le même qu’auraient enfourché Manfred et son Niou pour prendre les airs. L’engin n’est pas sans rappeler non plus la prime jeunesse de Philippe Starck, dont le père dessinait des modèles d’avions. Les brouillons étaient récupérés par le fils installé sous la table de travail…
Ding ! L’ascenseur
«Ding?», reprend le conte. «Manfred Heler cherche le ding dans la maison. Il trouve un ascenseur… La porte s’ouvre, et là, il y a un petit bonhomme. Comme un Pygmée. Il est collé au plafond. Il est tout brûlé car il a traversé la terre et son magma. C’est le Niou». Précisions durant l’ascension jusqu’au dernier étage : seuls le personnel de l’hôtel et les clients des suites se verront offrir le livre du designer, les autres paieront 12 euros.
La maison de Manfred
Au 9e étage, nous voici dans la maison de Manfred Heler. Manfred, donc, ce personnage fictif d’une Moselle du début du XIXe siècle, qui pourrait très bien être un double de Starck, enfant extravagant, fragile et solitaire, jeune homme ingénieux et minutieux qui, ici, a hérité de la bâtisse de ses parents. Où, répartis dans trois salles (le bar, l’espace lounge, le restaurant) s’accumulent les abat-jour et les faïences, les photos de Manfred à tous les âges, un Kachelofen, des chaises et de moelleux fauteuils, la vaisselle de sa grand-mère, ainsi que d’étranges spécimens conservés dans le formol. Il y a aussi les majestueux vitraux d’Ara Starck, la fille du père, dont les couleurs vives tranchent avec l’atmosphère sombre et masculine des lieux. Le restaurant est ouvert de 7 h à 12 h pour le petit déjeuner des séminaristes, puis de 12 h à 15 h pour des menus entre 40 et 50 euros. Au bar en U aux carrelages orange, l’on testera les cocktails dès 18 h.
Un nouveau rooftop messin
Voici la terrasse ! Filante, elle offre tous les points cardinaux aux touristes et aux Messins. Suspendue dans les airs, en rez-de-salon, elle est l’atout majeur de l’hôtel. Ici aussi, les coussins et le mobilier signés Starck impriment au lieu un air à la fois familier et d’ailleurs, où l’on se sent chez soi dans un univers pourtant hors du commun. À la belle saison, on y servira le brunch dominical.
Des chambres minérales
Reprenons l’ascenseur, bouton n° 6. Ding ! La moquette toujours volubile tapisse un long couloir que des panneaux muraux éclairent parcimonieusement. Ces sources lumineuses poursuivent, dans les étages, le défilé des inventions loufoques et surannées. Ici, les lunettes obturantes, là la machine à laver mixte (linge et vaisselle), plus loin le « mirœuf » indiquant le degré de fraîcheur d’un œuf. Derrière les portes, l’ambiance minérale des chambres – béton brut aux murs et au plafond, pan de marbre blanc – est compensée par la couleur marron du cuir, des meubles, et de l’alphabet dans le dressing. Les 104 chambres, des standards (à partir de 170 euros) à la suite Manfred (dès 300 euros) avec la seule baignoire de l’hôtel, complètent « l’expérience » inédite de la Maison Heler à Metz.