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Métier de mangaka : «C’est devenu compliqué d’en vivre»


Sabrina Kaufmann a réalisé deux premiers tomes en 2019 et 2022. (Photo : alain rischard)

Bien connue au Grand-Duché, la dessinatrice de mangas Sabrina Kaufmann nous raconte les coulisses de son métier d’illustratrice indépendante.

Et de trois. En juillet prochain, Sabrina Kaufmann, illustratrice de manga luxembourgeoise, sortira le troisième tome de sa série Illustrated Fairytales. Cette fois-ci, exit l’univers coloré et «girly» qui a fait sa réputation. Ici, la dessinatrice a choisi un thème plus sombre. «Quand on parle des contes de fées, on s’imagine les princesses, les belles robes, la beauté. Mais quand on lit ces histoires, on voit qu’il y a des moralités très cruelles. J’ai essayé d’adapter ma technique de dessin pour montrer la cruauté de la plus belle manière possible», explique la mangaka.

Dans cet ouvrage, elle a choisi de raconter, avec sa touche «plus rouge et moins rose», les contes de Perrault, la légende allemande de Barbe bleue ou encore d’autres histoires sanguinaires. «À la fin de chaque chapitre, je fais aussi une analyse symbolique qui explique la moralité du récit, pourquoi cela a été écrit ainsi», précise la dessinatrice.

Un défi pour la jeune femme de 30 ans qui a décidé d’arrêter sa série à ce tome. «J’avais envie de tout donner et de tout tester pour voir jusqu’où je pouvais repousser les limites», confie-t-elle. Mais ce dernier ouvrage sera aussi son ultime manga. Après mûre réflexion, Sabrina Kaufmann a décidé d’arrêter la publication de ses livres. La raison? Les difficultés du métier d’illustrateur indépendant. «Pour avoir plus de liberté, j’ai choisi de publier mes mangas en auto-édition. Aujourd’hui, les coûts sont devenus trop importants et j’ai encore beaucoup de stock de mes anciens tomes dans ma cave. Alors si j’en publiais encore d’autres, je devrais acheter un immeuble», sourit-elle.

Une page qui se tourne

Outre l’auto-édition, c’est tout son quotidien d’illustratrice indépendante qui l’a amenée à prendre cette décision. Si la jeune femme arrive à vivre de sa passion depuis plusieurs années grâce aux ventes de ses livres et des objets de sa boutique en ligne, aujourd’hui, les difficultés financières sont nombreuses.

«J’ai fêté, en novembre dernier, mes dix ans de salon. Pendant des années, j’ai enchaîné les rencontres, les voyages. Je me suis rendu compte que oui, l’audience dans les salons est en évolution. Il y a de nouveaux visiteurs qui sont jeunes et sensibles à notre univers. Mais ils n’achètent pas forcément aux artistes. Par exemple, l’année dernière, sur un mois, j’ai effectué trois salons et j’ai à peine réussi à gagner le revenu d’un salon normal. C’est devenu compliqué d’en vivre, en sachant que nous devons payer les frais de déplacement, le logement, les frais de stand», regrette-t-elle.

Pour essayer de réduire ses frais, Sabrina Kaufmann a choisi le financement participatif afin d’amortir le coût d’impression de ses ouvrages. «Cette cagnotte que j’ai lancée depuis la publication de mon premier tome en 2019 m’aide beaucoup, notamment lorsque je suis en phase de production, car c’est une période où nous n’avons pas de rémunération», précise-t-elle. Et cette période demande aussi beaucoup de travail à l’illustratrice. «Il y a souvent plus de six mois de travail pour réaliser les dessins. Par exemple, j’ai procrastiné pendant près d’un an à propos d’une page. Après, il y a la phase marketing et vente qui prend aussi du temps», détaille-t-elle.

Après plus de quinze ans à crayonner et à imaginer des univers toujours plus créatifs, pour la jeune femme d’origine coréenne, l’arrêt de la publication de ses mangas a été une décision difficile à prendre. «Je suis partagée entre deux sentiments. D’un côté, je suis peinée, car l’édition était le grand amour de ma vie. Mais d’un autre côté, après dix ans de festivals, je me dis que c’est le moment de se renouveler. Il y a de nombreuses possibilités qui s’ouvrent à moi», s’enthousiasme-t-elle.

Dans ses projets futurs, la jeune femme ne compte pas arrêter le dessin, mais souhaite se concentrer sur d’autres univers. «Je compte développer encore davantage ma chaîne YouTube sur le métier d’artiste indépendante. Dessus, j’explique les coulisses de mon métier et je donne des conseils en business aux entrepreneurs. À côté, je continue mes cours de manga et les différentes collaborations que je peux avoir», explique la mangaka. Une page qui se tourne donc, mais de nouvelles sont à venir.

Un premier manga à 14 ans

La mangaka, dont la réputation n’est plus à faire au Luxembourg et dans les pays voisins, a publié son premier manga à l’âge de 14 ans. «Depuis mon plus jeune âge, j’ai toujours aimé l’univers de Disney, d’Harry Potter et, plus tard, de Naruto. J’ai commencé à faire mes premiers dessins quand j’avais huit ans. À l’époque, mon objectif était d’écrire un best-seller (elle rit). Alors, jusqu’à mon adolescence, dans ma chambre, j’ai travaillé dessus. Un jour, j’ai réussi à le terminer. Je me souviens que j’étais très fière de le montrer à mes professeurs. Et, petit à petit, j’ai vu que ça plaisait à d’autres personnes que mes parents. J’ai continué jusqu’à réussir à en faire mon métier», confie la jeune femme.

L’illustratrice a décidé de consacrer son prochain tome aux contes sombres. Photo : sabrina kaufmann

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