Le Mali observe à partir de lundi trois jours de deuil en mémoire des victimes de l’attaque jihadiste qui a fait vendredi au moins 19 morts dans un grand hôtel de Bamako, deuil auquel se sont joints par solidarité le Sénégal, la Mauritanie et la Guinée.
L’enquête s’oriente vers «plusieurs pistes», sans certitude sur le nombre et la nationalité des auteurs de l’attaque, revendiquée successivement par deux groupes jihadistes distincts.
L’hôtel Radisson Blu a été attaqué vendredi matin par des hommes armés qui y ont retenu quelque 170 clients et employés. Les forces maliennes, appuyées par les forces spéciales françaises et par des agents des Etats-Unis et de la Mission de l’ONU au Mali (Minusma), sont intervenues pour libérer plusieurs dizaines d’otages.
Selon un bilan «définitif» du gouvernement malien, l’attaque a fait 19 morts – 18 clients (dont 14 étrangers identifiés par leurs pays respectifs) et un gendarme malien, outre deux assaillants tués. La Minusma a évoqué «22 personnes tuées, dont deux assaillants».
Le président sénégalais Macky Sall, dont un compatriote a péri dans l’attaque, a effectué dimanche une brève visite à Bamako pour signifier au Mali le soutien de son pays, et de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), qu’il préside.
«Le Mali ne sera jamais seul dans ce combat, nous sommes tous engagés parce que nous sommes tous concernés», a-t-il dit, annonçant que trois des pays voisins – Sénégal, Mauritanie et Guinée – observeraient trois jours de deuil national en même temps que les Maliens.
L’attaque a été revendiquée dès vendredi par le groupe jihadiste de l’Algérien Mokhtar Belmokhtar, Al-Mourabitoune, «avec la participation» d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Le groupe a affirmé dimanche que les assaillants étaient uniquement au nombre de deux, laissant entendre qu’ils étaient maliens.
Dans un enregistrement en arabe diffusé par la chaîne de télévision qatarie Al-Jazeera, un porte-parole d’Al-Mourabitoune les a identifiés comme Abdelhakim al-Ansari et Moez al-Ansari, le qualificatif «al-Ansari» désignant dans la terminologie jihadiste des combattants autochtones.
Un groupe jihadiste du centre du Mali, le Front de libération du Macina (FLM), a revendiqué à son tour dimanche l’attentat, dans un communiqué adressé à l’AFP, assurant qu’il a été perpétré par un commando de cinq membres dont «trois sont sortis sains et saufs» de l’attaque.
Complicités locales ?
Trois personnes soupçonnées d’implication dans l’attentat sont «activement» recherchées, selon une source de sécurité malienne.
Une autre source au sein du renseignement malien a parlé de «trois à quatre complices» locaux qui auraient aidé les assaillants, «des étrangers» à la peau noire – de nationalité indéterminée – à se fondre dans la population avant de passer à l’acte.
De même source, «tout porte à croire que les deux étrangers sont allés de bar en bar pour ne pas être remarqués, et à l’aube (du vendredi), des Maliens pourraient les avoir guidés dans l’attaque du Radisson», fréquenté par une clientèle étrangère et des hommes d’affaires.
Selon des sources de sécurité et des employés, les enquêteurs, qui passent au peigne fin depuis plus de 48 heure l’hôtel, toujours sous forte surveillance des forces maliennes, dont des tireurs d’élite sur les toits, y ont récupéré de nombreuses douilles de balles.
«Nous sommes sur plusieurs pistes», a déclaré à l’AFP une source policière malienne, ajoutant que «des objets récupérés» au Radisson «donnent des indications», sans en révéler davantage.
Des rescapés, dont le chanteur guinéen Sékouba Bambino Diabaté, ont affirmé avoir entendu sans les voir les assaillants se parler en anglais, sans pouvoir identifier leur accent.
Selon le ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian, Mokhtar Belmokhtar, recherché et plusieurs fois donné pour mort, est toujours vivant. «Il circule», a-t-il dit au sujet du jihadiste algérien réputé séjourner en Libye.
Des mesures de sécurité ont été renforcées aux abords des grands hôtels. Un rehaussement de sécurité plus discret était également visible devant des mairies d’arrondissement et des banques.
Dès samedi, les rues de Bamako avaient retrouvé leur activité habituelle. Et dimanche, les bruyants cortèges de mariage étaient visibles dans la capitale, en dépit de l’état d’urgence en vigueur depuis vendredi soir interdisant théoriquement tout rassemblement.
Plusieurs ressortissants étrangers à Bamako ont confié avoir décidé d’éviter provisoirement les lieux pouvant être des cibles potentielles.
Le nord du Mali était tombé en mars-avril 2012 sous la coupe de groupes jihadistes liés à Al-Qaïda. Ils en ont été en grande partie chassés par l’intervention militaire internationale lancée en janvier 2013 à l’initiative de la France, qui se poursuit.
Mais des zones entières échappent encore au contrôle des forces maliennes et étrangères. Les attaques jihadistes se sont étendues depuis le début de l’année vers le centre, puis le sud du pays.
AFP/M.R.