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Cancers chez les anciens mineurs : «Nous avons été exposés à des poisons toute notre carrière»


Roland Muller, 76 ans, d’Ippling, ancien mineur de la chaufferie du Puits Vouters à Freyming-Merlebach, cumule un cancer du rein, du colon et du poumon. (Photo : Stéphane Mazzucotelli)

Selon les syndicats, les anciens mineurs sont 25 fois plus victimes de maladies professionnelles, en moyenne, que le reste de la population. Les cancers liés au travail explosent dans la corporation.

À Freyming-Merlebach en Moselle-Est, les syndicats CFDT, CGT, CFTC, FO et CFE-CGC ont établi, en épluchant les statistiques des caisses d’assurance maladie, que les anciens mineurs de plus de 60 ans sont victimes d’un important surrisque de développer une maladie liée au travail : en moyenne, les retraités de la mine sont 25 fois plus exposés aux maladies respiratoires et aux cancers d’origine professionnelle que le reste de la population. L’exposition à un cocktail de produits toxiques et cancérogènes lors de leur carrière au fond, mais aussi sur les installations de jour, explique ce triste constat.

Les syndicats ont même été surpris par l’ampleur prise par les maladies provoquées par l’amiante chez les mineurs retraités. Il y a désormais plus de maladies de l’amiante que de maladies de la silice chez les anciennes gueules noires. Sur la période 2017-2023, 2 773 maladies de l’amiante ont été reconnues comme d’origine professionnelle chez les anciens mineurs de Lorraine et du Nord contre 2 176 maladies provoquées par la silice.

L’étude des fédérations de mineurs évalue les surrisques maladie par maladie. Ainsi, pour les mineurs retraités , le surrisque de développer un cancer du rein professionnel est 40 fois supérieur par rapport au reste de la population. Cancer de la peau : surrisque 39 fois supérieur. Cancer de la vessie : 14 fois supérieur. Leucémie : 42 fois supérieur.

Roland Muller lutte contre trois cancers

Roland Muller, 76 ans, d’Ippling, ancien de la chaufferie du Puits Vouters à Freyming-Merlebach, cumule un cancer du rein, du colon et du poumon. Durant sa carrière, il a essentiellement croisé deux produits ultra-dangereux : l’amiante et le trichloroéthylène, solvant dégraissant cancérogène avéré pour l’homme et son rein. «L’amiante était partout dans les chaudières, sur les conduites pour l’isolation et sur les joints. J’étais mécanicien d’entretien. Quand on meulait des joints ou qu’on reparait une fuite, on respirait forcément des fibres d’amiante. Personne ne portait le masque. Il n’était pas obligatoire avant 1995. Le trychlo, on se lavait même les mains avec. On ne savait pas que c’était dangereux. Nous n’étions pas prévenus des risques».

Calogero Liduino, 67 ans, d’Œting près de Forbach, ancien mineur de fond des Puits de Marienau et de Reumaux à Freyming-Merlebach, est reconnu comme malade de la silicose et d’un cancer de la peau. «À la taille, il y avait les poussières mais on manipulait aussi des huiles, des goudrons, des produits chimiques… On portait sur l’épaule des traverses métalliques badigeonnées de goudron sans aucune protection, en Marcel. On n’imaginait pas que cela pouvait provoquer un cancer. C’était le boulot, on le faisait. L’amiante, on ne savait pas qu’il y avait partout. Nous avons été exposés à des poisons toute notre carrière».

Les deux retraités malades, comme des centaines d’autres de leur corporation, se battent depuis plusieurs années pour faire reconnaître la faute inexcusable de leur ancien employeur, Charbonnages de France (CdF). Mais l’État, qui représente aujourd’hui CdF, conteste toutes les procédures avec zèle dans les tribunaux. Face à l‘évidence des maladies professionnelles chez les anciennes gueules noires, les syndicats de mineurs CFDT, CGT, CFTC, FO et CFE-CGC appellent l’État à cesser les manœuvres qui entravent les démarches des mineurs malades.

Stéphane Mazzucotelli
(Le Républicain Lorrain)

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