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[Critique Cinéma] «Parthenope» : le chant de la sirène


En 1950, une petite fille naît dans la mer, elle s’appelle Parthenope, comme la sirène grecque qui n’est autre qu’une allégorie de la ville de Naples. Mais plus encore, Parthenope, en grandissant, est une hyperbole de la vie, au sens où elle fait battre les cœurs, aussi bien celui de son frère Raimondo que celui de son ami d’enfance Sandrino.

C’est un lieu commun, peu importe finalement le lieu où il se déroule, un film est souvent une jolie balade, et Parthenope est celle d’une vie entière. Tous ses pas reflètent le temps qui passe, chaque battement de cœur fait écho à un tic-tac.

C’est le thème du dixième film de Paolo Sorrentino et celui qui définit son œuvre. On peut ici entendre «thème» par «thème musical», en n’oubliant pas que «temps», en italien, se dit «tempo». Au-delà de son sens de la mélodie, Sorrentino a toujours pris comme héros des personnages du «troisième âge», qui portent alors en eux le poids des années et la légèreté de la sagacité, ce qui donne toujours à sa partition une tonalité mélancolique, en plus du fait qu’il y a tant de souvenirs gravés sur leurs visages que ce sont, par définition, des «gueules cinématographiques».

Dans Parthenope, le temps file, le temps s’arrête, le cinéaste alterne les ralentis et les ellipses, les accélérations et les ruptures de ton : une existence, en 2 h 15, c’est court, et le film est une suite de points de suspension qui ressemblent à des notes de musique. Certains reprochent à Sorrentino ses plans «clinquants», voire son maniérisme outrancier, alors que ses films ont toujours été contemplatifs; s’il veut montrer, en effet, qu’il sait faire, dans ses séquences se faufile une grande part d’invisibilité, et sans doute que Parthenope le montre plus que les autres, comme quoi la caméra peut servir à capter l’air du temps, mais aussi à capturer le temps qui lui glisse dessus comme le sable entre les doigts.

Le cinéma de Sorrentino pourrait se résumer par la séquence introductive de La grande bellezza (2013), où, sur la huitième colline de Rome, un touriste japonais fait une crise cardiaque, stupéfait qu’il est par la grande beauté. Avec Paolo, le mieux n’est pas l’ennemi du bien : c’est le bien qui est l’ennemi du mieux. Le réalisateur italien ne fait, au fond, que chercher la grâce. Certains autres, et heureusement, raffolent de ses envolées (de caméra) lyriques, de sa démesure, de son goût pour la tragédie qui presse le cœur comme une éponge, de sa puissance baroque, de tout ce qui, en réalité, cristallise le cinéma transalpin : les fanfarons, la grande bouffe, les monstres ou, allons-y, la dolce vita, sans oublier ses synchros musicales «leonienne», Morricone en moins mais la pop en plus, les figures politiques nationales (Silvio Berlusconi, Giulio Andreotti), puis ses aphorismes chics.

Bon, on pouvait trouver que son livre Hanno tutti ragione (2010) contenait trop de métaphores, trop de bons mots, ça d’accord, mais, en tant que réalisateur, on ne va pas se plaindre du cinéma, car il n’y en a jamais trop. Alors, la «grande beauté»? Dans Parthenope, elle est bien là. Le film réunit en effet tout ce qui constitue l’identité «sorrentinienne», il a le goût amer de la mer et l’éclat du soleil qui s’y noie. Il serait presque malvenu, non pas de raconter l’histoire, mais de dévoiler la somptuosité de certaines scènes. Il s’agirait alors de faire du «spoil» sur la forme. Ce qui est sûr, c’est qu’il y a là de quoi se frotter les yeux et de quoi avoir le cœur qui vibre.

Parthenope concile la beauté d’une ville et celle d’une femme

Incarnée par Celeste Dalla Porta puis Stefania Sandrelli, qui déjà faisait tourner la tête de Vittorio Gassman et Nino Manfredi dans C’eravamo tanto amati (Ettore Scola, 1974), Parthenope permet à Sorrentino de concilier la beauté d’une ville – Parthenope renvoie donc à Naples, en tant que quasi-synonyme – et la beauté d’une femme. Il faut se souvenir. Laura Chiatti était la grâce de L’amico di famiglia (2006), et Rachel Weisz, celle de Youth (2015); leur beauté rivalisait avec celle de Rome dans La grande bellezza ou bien celle de Naples dans La mano di Dio (2021). Parthenope peut se voir comme un portrait de femme, mais à travers son regard autant qu’à travers celui que le monde porte sur elle; il y aurait cet effet miroir qui fait que, plus encore que celle de Naples, elle serait bel et bien l’allégorie même de la beauté de la vie.

Parthenope de Paolo Sorrentino

avec Celeste Dalla Porta, Stefania Sandrelli, Gary Oldman…

Genre drame

Durée 2 h 17

 

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