La Chambre des salariés dit non à la décision unilatérale d’étendre les heures d’ouverture dans le secteur du commerce de détail. Elle pose un certain nombre de questions et attend des réponses.
La Chambre des salariés n’avait pas traîné pour rendre son avis sur le projet de loi relatif au travail du dimanche. C’était un refus clair et net du texte déposé par le ministre du Travail, Georges Mischo en novembre dernier. La CSL émet les mêmes reproches pour le texte élargissant les heures d’ouverture dans le secteur du commerce.
Elle se dit «outrée de cette décision unilatérale d’étendre les heures de travail», notamment le dimanche et les soirs en semaine, dans le secteur du commerce de détail, «dont les salariés comptent déjà parmi les plus vulnérables sur le marché du travail, ce sans réelle discussion avec leurs représentants et donc au mépris du dialogue social.»
Si le gouvernement compte réellement moderniser le temps de travail, «cela doit se faire dans le sens d’une meilleure conciliation entre vie professionnelle et familiale des salariés» et privilégier une approche cohérente et globale, prenant en compte les intérêts des salariés. Comme le projet concernant le travail du dimanche, ce projet de loi «bafoue donc le rôle des syndicats». Il n’y a eu aucun avant-projet de loi proposé pour être discuté au Comité permanent du travail et de l’emploi (CPTE), en dépit d’une promesse faite par le ministre Georges Mischo.
Des divergences depuis des années
Un ministre qui ne se préoccupe pas du désaccord que les syndicats n’ont eu de cesse de manifester dès le premier échange de vues dans le cadre du CPTE. En effet, de profondes divergences entre le patronat et les syndicats concernant le sujet du travail dominical existent depuis des années. La CSL met en avant l’argument de l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée, de la qualité de vie, de la santé, même si elle est consciente que dans certains secteurs, travailler en soirée et les dimanches est indispensable.
Ce n’est pas le cas pour le secteur de la vente de détail. «Les salaires dans ce secteur sont déjà très bas et de nombreux salariés souhaitent passer leurs soirées et leurs dimanches avec leurs familles.» Une négociation avec les syndicats aurait permis de préserver l’intérêt des salariés concernés. «Ainsi, encadrer le travail en soirée et dominical n’est ni banalisé par les employeurs, ni subi par les salariés du secteur, mais choisi en connaissance de cause et compensé par des majorations appréciables».
Le prolongement des heures d’ouverture constitue-t-il vraiment une demande des consommateurs? interroge la CSL. Même parmi les commerçants, les avis ne sont pas unanimes, fait remarquer la chambre des salariés. Elle pose une série de questions. Quel a été l’impact du régime dérogatoire actuel sur le chiffre d’affaires du secteur du commerce? Quel a été l’impact pour les petites et moyennes entreprises? Quel a été l’impact pour les grands centres commerciaux? combien de et quels magasins (en termes d’emploi, de chiffre d’affaires, de la situation géographique, etc.) ont profité du régime dérogatoire actuel? quel a été l’impact du régime dérogatoire sur le nombre d’emplois dans le secteur du commerce? quel a été l’impact sur les conditions de travail des salariés concernés? Sur leur vie familiale?
Plutôt réduire qu’augmenter
Différentes enquêtes démontrent que ce projet va à l’encontre de la volonté des salariés. L’enquête Quality of Work Index 2023 démontre que pour répondre au souhait d’un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée des salariés et maintenir ainsi l’attractivité des entreprises luxembourgeoises pour les ces derniers, il faut prendre en considération que la majorité des salariés sont demandeurs d’une réduction du temps de travail à salaire égal.
La CSL invite les auteurs du projet de loi à lire son analyse plus détaillée portant sur l’impact des horaires atypiques sur l’être humain. Elle rappelle qu’en mars 2018, le ministère de l’Économie et le LISER (Luxembourg Institute of Socio-Economic Research) avaient lancé une enquête sur «l’organisation du travail et les heures d’ouverture dans le commerce de détail». Le principal objectif de cette enquête était d’alimenter la réflexion politique et de proposer de nouvelles actions pour améliorer les conditions de travail et les heures d’ouverture dans le secteur du commerce. Au vu des conclusions, rien n’avait été modifié. «Pourquoi le faire aujourd’hui? sur base de quelle étude? quelle enquête auprès des protagonistes du secteur, en particulier les salariés, premiers concernés? », questionne la CSL.
Elle s’oppose donc à ce projet de loi et demande le maintien des règles actuelles.