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Manipulations criminelles

Longtemps, le Mali était le pays de l’islam tolérant, de l’islam savant dont témoignaient les précieux écrits de Tombouctou. Mais les voix des sages et hospitaliers érudits musulmans se sont tues.

En janvier 2012, les Touaregs, éternels laissés pour compte, déclenchent une rébellion dans le nord de ce vaste pays sahélien. Des groupes salafistes liés à Al-Qaïda se greffent sur le conflit. Leur présence au Mali doit beaucoup aux États-Unis et à la France qui ont négocié leur rupture avec Kadhafi, dont ils étaient les mercenaires. Et c’est à bord d’un avion de l’OTAN que certains rejoignent le Mali avec armes et bagages !

Armement performant, puisé dans les stocks libyens, avec lequel ils mettent aisément en déroute une armée malienne indigente. En janvier 2013, les islamistes contrôlent le nord du pays et menacent la capitale. François Hollande envoie, avec la bénédiction de l’ONU, des troupes pour les stopper. Enfin, en mai 2015, quelques acteurs du conflit signent un «accord de paix et de réconciliation». Pour l’opposition malienne, il est porteur des «germes de la désintégration» future du pays et consacre la mise sous tutelle politique, économique et militaire du Mali par la France.

Grand classique de la politique néocoloniale menée par Paris dans son pré-carré africain depuis les années 60 et dans lequel les islamistes remplacent désormais les marxistes : on met le feu, on l’éteint et on prend le contrôle effectif du pays. En jouant au pompier-pyromane, la France porte une responsabilité prépondérante dans ce qui arrive au Mali depuis 2012, et de ce qui y est survenu vendredi. En toile de fond, l’influence régionale de Paris, mais aussi des promesses de mirifiques réserves pétrolières. Un peu comme en Syrie et en Irak.

Le tour dramatique que prennent les évènements après les attentats de Bamako et de Paris impose de briser l’hypocrisie. Pas plus que George W. Bush hier, Obama, Hollande ou Poutine ne bombardent pas aujourd’hui le Moyen-Orient pour la démocratie, les droits de l’homme ou un mode de vie libéral. Pas même sûr que les tireurs de ficelles des épouvantails État islamique et Al-Qaïda gobent les fables pseudo religieuses qu’ils distillent à leurs kamikazes.

Seuls ces derniers semblent croire fermement à la guerre des civilisations que nous vendent Daech et, en creux, nos dirigeants. Des jeunes français multiplient les attaques contre leur propre pays. Ils sont autant d’enfants perdus par l’abandon et le mépris dans lequel les politiciens tiennent les habitants des cités de banlieue depuis 30 ans. Il y a dix ans, les gosses de ces quartiers mettaient le feu aux bagnoles; aujourd’hui, adultes, ils tirent sur des innocents au nom d’une idéologie mortifère.

L’histoire nous enseigne que les vagues d’attentats islamistes ayant frappé la France dans les années 80 et 90 étaient motivées par des contentieux commerciaux et politiques, sans aucun rapport avec la religion. Et pourtant, nos gouvernants et ennemis, déjà, faisaient retentir à nos oreilles la même petite musique de la religion des valeurs. Que de criminelles manipulations.

Fabien Grasser (fgrasser@lequotidien.lu)