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Une artisane d’art verrier flamboyante


Aurélie Adam utilise la technique du filage de verre pour créer des bijoux. (photos Julien Garroy)

Aurélie Adam est artiste verrier. Elle nous raconte son parcours et son savoir-faire, qui mélangent passion et connaissances techniques.

Le 1535° Creative Hub à Differdange regorge d’artistes et de créateurs en tout genre. Parmi eux, Aurélie Adam donne vie au verre grâce au filage de verre et la pâte de verre. Dans son petit studio situé au premier étage de l’un des bâtiments, le matériau transparent y est omniprésent. Sur son atelier, il s’y présente en baguettes de plein de couleurs différentes. Et dans une vitrine joliment décorée, des bijoux délicats trônent fièrement. «Je suis artisane d’art verrier depuis 2012, mais je préfère dire que je suis artiste verrier», se présente Aurélie.

Son histoire d’amour avec le verre a commencé bien avant, lorsqu’elle a quinze ans et qu’elle réalise son stage de découverte en soufflage. «Mais à l’époque, on m’a dit qu’on ne pouvait pas vivre de ça», souffle l’artiste. Elle suit d’abord un cursus classique en s’inscrivant en licence d’histoire dans le but de devenir enseignante. «Mais cette vie bridée ne me plaisait pas.» Elle se réoriente donc vers un CAP peinture et architecture d’intérieur et décide de partir en voyage en Nouvelle-Calédonie, au Vanuatu et en Nouvelle-Zélande, où elle vit en tribu. «C’est quand j’étais en exil que l’idée m’a sautée dans la tête… J’ai eu envie de passer à l’objet», se remémore Aurélie. Elle postule alors au Centre européen de recherches et de formation aux arts verriers (Cerfav) pour se former aux savoir-faire du verre.

Elle est artisane d’art verrier depuis 2012.

C’est comme ça qu’elle se lance en 2015. Quelques années plus tard, en 2018, elle fonde sa marque, «L’hermine flamboyante». Pourquoi ce nom? «Parce que l’hermine est un animal peu connu, rigolo et que je trouve proche du verre avec son pelage qui change de couleur au fil des saisons», explique Aurélie. La flamboyance renvoie évidemment à la flamme utilisée pour façonner le verre, mais pas seulement : «Le gothique flamboyant est un courant artistique de la fin du Moyen Âge qui a permis au verre, notamment pour les vitraux, d’aller plus loin dans son ornementation.»

L’artiste originaire de l’ouest de la France est arrivée en Lorraine pour se former. Et il y a un an, alors qu’elle cherche un lieu pour se lancer à son compte, elle entend parler du 1535°. Elle décide d’y poser ses baguettes et son chalumeau pour s’y installer. «Je suis contente d’avoir trouvé ce lieu, il permet l’échange entre artistes et créateurs.» Dans l’avenir, elle souhaite y développer des ateliers à destination des enfants, une activité qu’elle offre déjà. En plus de ces prestations en gravure de verre pour des grandes maisons de parfum.

«Un matériau magique»

Si Aurélie est passionnée par le verre depuis qu’elle est toute jeune, c’est parce qu’elle aime sa «dualité». «C’est un matériau ensorcelant et magique, mais aussi effrayant», appuie-t-elle. Alors que le verre est mou lorsqu’il chauffe, il est inerte une fois froid. Il devient imputrescible et immortel, mais il n’en reste pas moins fragile. «Et puis c’est aussi un fantôme… Il est transparent, alors il n’existe que par les reflets et la lumière», s’émerveille l’artiste.

C’est donc un matériau aux nombreux paradoxes, qui demande beaucoup de travail et de formation pour savoir le maîtriser. «Chaque verre a sa propre température de recuisson et ses propriétés, c’est beaucoup de chimie et de mathématique.» D’autant plus qu’il existe de nombreux types de verre, et qu’ils sont tous bien différents les uns des autres. Même une seule et unique matière, comme le cristal, peut présenter des disparités selon sa provenance. Ce côté perfectionniste plaît à Aurélie. «C’est ça qui est génial, le verre, c’est infini, on continue toujours à en apprendre.»

Le secret d’une création réussie est de tourner continuellement le verre dans la flamme et de maîtriser la chaleur.

Pour le travailler, Aurélie allume son four, sa bonbonne de gaz et son chalumeau. Et une fois ses lunettes aux verres violets enfilées pour voir la flamme en bleu et non en jaune, il ne reste plus qu’à se lancer. Elle prend deux baguettes de verre et commence à les tourner dans la flamme pour mélanger les couleurs et créer une perle. Elle étire ensuite une autre baguette pour ajouter un décor en spiral. Elle termine sa création par une couche transparente. La dernière étape est la recuisson au four. Le secret pour réussir tout cela : «Toujours rester en mouvement et maîtriser la chaleur.»

Et pour créer ses bijoux et ses créations, Aurélie s’inspire du monde végétal et animal, qu’elle affectionne tout particulièrement. «On retrouve souvent une touche maritime inspirée de mes voyages et de mes origines vendéennes», souligne l’artiste. Et puisqu’elle est autant attachée aux savoir-faire artisanaux qu’au côté artistique et philosophique, elle amène de la réflexion même dans ses plus petites pièces. «Nous ne sommes pas que des mains, nous sommes aussi des têtes à penser», estime Aurélie. Dans ses créations, la transmission intergénérationnelle, la mémoire collective et les questions écologiques sont donc souvent représentées.

La dernière étape est de cuire le verre dans un four spécial.