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Cindia, atteinte d’une maladie rare, raconte : «Je me sentais comme un cobaye»


«Si l’on n'est pas soudés, ça ne peut pas avancer», décrit Cindia en parlant du soutien essentiel qu’a apporté sa famille.  (photo Fabrizio Pizzolante)

En cette journée internationale des Maladies rares, Cindia Fernandes, atteinte d’amylose ATTR héréditaire, raconte son combat pour poser un diagnostic sur sa souffrance.

Une inconnue invisible et venimeuse a accompagné Cindia Fernandes pendant dix-sept ans de son existence avant de révéler son nom. Entre 2006 et 2023, aucun médecin ne parvenait à mettre de diagnostic sur la maladie qui ronge, encore aujourd’hui, cette mère de famille. Un mal pourtant bien présent. Un mal qui impacte tout son corps, qui s’immisce dans ses ligaments, ses articulations, tend toutes ses fibres musculaires, assiège le moindre de ses nerfs.

Cela tout en s’attaquant sans relâche à ses organes, notamment à son estomac. De l’espoir tenace aux pensées les plus sombres, de la sensation de folie à la ténacité increvable, cette maladie a fait passer Cindia par tous les états, par sa capacité à se dérober face aux tests de la médecine.

C’est en 2023, après avoir poussé les portes de l’association ALAN – Maladies rares Luxembourg, que cette femme alors âgée de 37 ans a pu faire la lumière sur ce qui la fait tant souffrir : l’amylose ATTR héréditaire. Un mal catégorisé comme «maladie rare», celui-ci ne touchant qu’une infime partie de la population. En Europe, cette dénomination est donnée lorsqu’une maladie concerne moins d’une personne sur 2 000.

Pour une grande partie des patients, dont Cindia, l’amylose ATTR héréditaire se manifeste sous sa forme mixte. C’est-à-dire qu’elle atteint aussi bien les nerfs (neuropathie) que le cœur (cardiopathie) et les autres organes.

Chez Cindia, un variant est dominant, celui s’attaquant aux nerfs. «Dans mon quotidien, j’ai des faiblesses musculaires importantes, des douleurs permanentes, des fatigues. Je vais avoir des fourmillements, des picotements dans les membres, des difficultés à bouger ou à tenir des objets. Lors de grosses crises, mon corps va se raidir tout entier comme s’il était pris d’une puissante crampe extrêmement douloureuse», décrit-elle.

Le second variant, celui touchant les organes, est, pour l’instant, moins vivace. «Il paralyse mon estomac et mon système digestif, les faisant fonctionner au ralenti. Si jamais, il devenait dominant, il s’attaquerait à mon cœur et limiterait gravement ses capacités. Il me resterait environ cinq ans à vivre», souffle cette ex-masseuse. 

Ne pas vouloir voir la douleur

Avant d’arriver à ce diagnostic, c’est un véritable chemin de croix qu’a dû traverser Cindia. Les manifestations de la maladie se sont fait sentir dès son adolescence. À cette période, lorsqu’elle évoque ses douleurs ou ses fatigues, les proches lui répondent : «c’est la croissance», «tu n’es pas sportive», «tu travailles trop».

En grandissant, ces arguments qui font son quotidien, elle les intègre à son tour, jusqu’au jour où, en plein massage d’une de ses clientes, ses membres s’endorment et une sensation de fourmillement vient à parcourir ses pieds et ses mains.

Alors que le médecin lui indique qu’elle s’est «bloquée un nerf», les douleurs persistent, les fatigues ne passent pas, travailler devient de plus en plus compliqué. «J’ai une tolérance à la souffrance assez haute alors je tenais bon et puis un jour, j’ai fait ma première crise, j’avais 20 ans», décrit-elle. Dans un chaos total, une crampe insupportable se saisit de tout son corps. Elle se rend aux urgences et démarre une interminable période durant laquelle elle va tenter, sous les conseils des médecins, de faire passer la douleur.

Des années de survie

Pendant deux ans, de 2006 à 2008, Cindia va vivre dans une bulle créée par la morphine. «Je n’avais plus de pensée claire, j’avais des problèmes de mémoire… Je ne sentais plus la souffrance, mais la morphine soulage sans soigner», appuie la Luxembourgeoise. Quand elle décide de mettre le holà, son généraliste lui indique froidement qu’elle va devoir «apprendre à vivre avec la douleur». Dans sa tête, celle qui a alors 21 ans répond «impossible, je ne peux pas entendre ça». 

S’ensuit une phase qu’elle décrit comme de «la survie». Travailler se transforme en défi, les Nurofen sont ses béquilles et cacher sa maladie devient son quotidien. Le corps est à cran et glisse à toute vitesse vers une nouvelle crise. «Cette fois-ci, j’ai cru mourir. J’ai appelé ma belle-sœur qui est infirmière pour qu’elle prévienne les secours. Je lui ai aussi demandé de dire à mon fils que sa maman l’a toujours aimé très fort.»

Une partie des médecins ne me croyait pas

Hôpital de jour, examens médicaux à répétition, rendez-vous chez le psy, médecins perdus face à son cas, diagnostics similaires à des girouettes et la douleur plus présente que jamais… après cette crise, l’errance va continuer jusqu’en 2023 pour Cindia, chez qui la maladie gagne, chaque jour, un peu plus de terrain. «Je n’arrivais plus à tenir une cuillère», se souvient-elle. «Une partie des médecins ne me croyait pas, j’étais obligée de me justifier en permanence, je ne pouvais plus exercer ce métier que j’adorais, je ne pouvais plus bouger. Je me sentais seule face à ça, je me sentais folle. Je me sentais comme un cobaye.»

Mettre un nom sur la maladie

Elle finit par se remémorer l’une de ses clientes du salon de massage qui, un jour, lui avait parlé de l’association ALAN – Maladies rares Luxembourg. Elle parvient à obtenir un rendez-vous auquel elle se rend avec ce qu’elle appelle «sa valise», soit l’ensemble des documents concernant sa maladie. Elle rencontre une médecin qui lui demande «où se trouve son test génétique ?»Le seul papier qu’elle ne possède pas et le test qui va mettre la lumière sur ce qui la fait souffrir depuis plus de quinze ans. «Ça a changé ma vie.»

Je n’ai plus à me justifier

Deux années après avoir franchi la porte d’ALAN et après avoir enclenché une longue procédure d’analyse, le diagnostic de l’amylose ATTR héréditaire est posé. «On m’a annoncé ça et j’étais limite contente», avoue Cindia. Mettre un nom sur sa maladie lui fait franchir une étape cruciale. La mère de famille y gagne la paix. «Il reste le processus d’acceptation mais avant tout, je n’ai plus à me justifier.»

À l’aube de ses 39 ans, les douleurs sont toujours là mais la maladie est ébranlée par un médicament spécifique et des séances régulières chez le kinésithérapeute. Cindia a repris un travail au sein de la Cour d’appel et vient de commencer le yoga. Dans son quotidien, elle s’autorise des pauses, se permet de demander de l’aide ou ose dire «j’ai mal» sans se sentir dévaloriser.  

ALAN – Maladies rares Luxembourg,
un soutien indispensable pour les malades

Fondée en 1998 et reconnue d’utilité publique depuis 2000, ALAN – Maladies rares Luxembourg a pour objectifs de soutenir et de défendre les intérêts de toutes les personnes concernées par une maladie rare et de leur permettre d’améliorer leur qualité de vie.

ALAN fournit des informations et propose un suivi psychologique, ainsi qu’un soutien administratif et social pour soutenir les personnes vivant avec une maladie rare. Ses services de consultation sont gratuits et spécifiquement adaptés aux besoins de chacun. Toute personne directement ou indirectement touchée par une maladie rare peut bénéficier de ces consultations.

En 2023, l’ASBL a reçu 669 demandes de soutien et a fourni 1 312 prestations de suivi psychosocial. Au total, 263 maladies différentes ont été recensées par le service de téléconsultation.

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