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Détention et protection des mineurs : «Je crois en la force du droit»


Grégory Fonseca pointe notamment du doigt une opposition du parquet concernant la nouvelle réforme afin d’instaurer un droit pénal pour mineurs. (photo archives LQ)

À l’instar de l’Ombudsman, l’ASBL «Eran, Eraus… an elo ?» et son cofondateur Grégory Fonseca déplorent vivement le flou et les erreurs commises autour de la détention des mineurs.

Dédiée à la détention au Grand-Duché, l’ASBL «Eran, Eraus… an elo ?» ne connaît que trop bien la problématique concernant les mineurs. À l’annonce du placement à Schrassig d’un des deux mineurs arrêtés pour meurtre à Esch-sur-Alzette le 1er janvier dernier, une conférence de presse avait été organisée dans la foulée afin de dénoncer cette «longue série de violations flagrantes des droits fondamentaux de l’enfant dans notre pays».

Le cofondateur de l’ASBL, Grégory Fonseca, a réagi à la conférence de l’Ombudsman mercredi sur l’Unisec, la prison pour mineurs de Dreiborn, et partage l’avis du contrôleur externe des lieux privatifs de liberté (CELPL) et l’Ombudsman fir Kanner a Jugendlecher (OKaJu).

Détention des mineurs : bonne note pour l’Unisec, moins pour l’État

Que pensez-vous du projet de construction d’un Unisec bis ? L’Ombudsman déplore notamment l’absence de concertation pour les plans.

Grégory Fonseca : Jusqu’à présent, au Luxembourg, la tendance générale a été de construire de nouvelles prisons dès qu’un problème surgit, plutôt que de s’attaquer aux causes profondes. Cette fois-ci, la situation est quelque peu différente, car une nouvelle loi sur les mineurs est en discussion. Après 30 ans de critiques internationales, cette réforme semble enfin aller dans la bonne direction en matière de droits de l’enfant.

Cependant, comme l’a justement souligné l’Ombudsman, nous risquons de répéter les erreurs commises avec l’Unisec. Une fois encore, les professionnels du secteur ne sont pas consultés, et les bonnes pratiques déjà éprouvées à l’étranger ne sont pas prises en compte. Je me demande ce que l’administration des Bâtiments publics sait des droits de l’enfant ou des besoins pédagogiques des mineurs.

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Nous risquons de répéter les erreurs commises avec l’Unisec

Si l’on prend l’exemple de la construction de l’Unisec, où plus de 100 millions d’euros d’argent public ont été investis, le résultat a été un véritable échec. D’ailleurs, le représentant du parquet, David Lentz, a déclaré dans la presse que des « Gutmenschen«  («bien-pensants») avaient fait du lobbying, justifiant ainsi la construction d’une nouvelle prison pour mineurs. En réalité, les experts n’ont pas été écoutés, et l’établissement actuel ne répond pas aux besoins des enfants qui y sont incarcérés.

À votre avis, pourquoi est-il si dur d’aboutir à l’existence d’un droit pénal pour mineurs au Luxembourg ?

Tout le monde le dit à voix basse, mais personne n’ose l’affirmer publiquement. Moi, je vous le dis : avec cette réforme, le parquet perd une partie de son pouvoir institutionnel. C’est une réalité, et il est mécontent de ce fait, ce qui le rend très actif dans sa critique de la nouvelle loi.

Avec cette réforme, le parquet perd une partie de son pouvoir

Bien sûr, d’autres facteurs entrent en jeu. L’attribution des mesures alternatives passera de la compétence du parquet à l’Office national de l’enfance (ONE), ce qui est un changement majeur qu’il faut préparer. Toutefois, je vois aussi un avantage pour le parquet, qui se plaint régulièrement du manque d’effectifs : cette réforme lui permettra de se concentrer sur les véritables criminels.

Néanmoins, je ne comprends pas pourquoi ce processus prend autant de temps. Le gouvernement précédent avait déjà accompli une grande partie du travail. J’espère qu’après plus de 30 ans d’insuffisance en matière de droits de l’enfant, ce gouvernement mettra enfin un terme à cette injustice dans un délai raisonnable.

Comment améliorer la situation des mineurs selon vous ?

Je crois en la force du droit, et je pense que la meilleure façon d’améliorer la situation des droits de l’enfant est de renforcer la doctrine, notamment par des études sur les droits des mineurs au Luxembourg.

Cela peut se faire à travers l’analyse de la jurisprudence. Pour une recherche en cours, j’ai demandé la transmission de tous les jugements en matière de protection de la jeunesse de 1991 à aujourd’hui, mais le parquet refuse jusqu’à présent de me les communiquer.

L’esprit éducatif et la prévention doivent être renforcés

Toujours est-il que de beaux projets existent à l’étranger, comme le programme allemand « Strafe in freien Formen«  (« Punition sous des formes libres« ). Il est également essentiel de développer davantage les mesures de diversion et d’améliorer la coopération entre les services concernés. Pour cela, la transparence est primordiale. Une meilleure coordination entre le parquet, les juges, l’ONE, les services psychosociaux et les pédagogues est possible et nécessaire. L’esprit éducatif et la prévention doivent être renforcés.

Selon moi, l’élément le plus important pour un enfant est d’avoir une personne de confiance à qui il peut se confier en cas de détresse ou de problème. Une personne qu’il ne veut pas décevoir et qui le soutient. Il est essentiel que les institutions soient établies dans cette philosophie. Pour les enfants en difficulté, nous avons besoin de structures capables de remplacer la famille, des lieux où ils se sentent chez eux et peuvent se développer comme tous les autres enfants qui ont la chance de grandir dans un environnement stable.

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