La moitié des salariés interrogés pour établir le «Quality of Work Index 2024», ressent une importante souffrance psychique au travail. Le risque d’abus d’alcool est un autre phénomène qui inquiète.
Depuis 11 ans, la Chambre des salariés (CSL), en coopération avec l’université du Luxembourg, publie annuellement son «Quality of Work Index». Cette enquête permet d’évaluer la qualité de vie et le bien-être au travail. «La tendance sur 10 ans reste négative et s’accélère», constatent les auteurs.
Depuis 2014, l’indice global est ainsi passé de 56,2 points sur 100 à 54,3 points en 2024, après avoir chuté jusqu’à 53,9 points en 2020. Le bien-être général s’est, lui, rétabli en 2022 après avoir atteint son niveau le plus bas en 2021, mais est de nouveau en baisse en 2024 (de 56,8 points en 2023 à 55,5 points en 2024). L’élan postpandémie s’est estompé à plusieurs niveaux.
L’intensification des cadences et la complexité accrue des tâches figurent parmi les raisons expliquant la dégradation continue de la satisfaction au travail. Les cadres, les fonctionnaires, les professions intellectuelles, les salariés du secteur financier et d’assurance tout comme les télétravailleurs s’en sortent mieux que les personnes travaillant à des heures atypiques, ou celles qui sont employées dans l’industrie, la construction, les services ou dans la vente (commerce, horeca, etc.).
En découlent des problèmes de santé physique et mentale. «Alors que certains problèmes, tels que les troubles du sommeil (27 %) et le risque d’épuisement professionnel (25 %), sont en baisse en 2024, les tendances à long terme indiquent une augmentation générale de ces problèmes, ainsi qu’une stabilité inquiétante des problèmes d’articulations (21 %) et de dos (30 %) et une augmentation de la proportion de personnes présentant un risque élevé de dépression (15 %)», constatent les auteurs de l’étude. Les pensées suicidaires diminuent de 7,4 % à 5,4 %.
Ils sont 17 % à boire de l’alcool au travail
Plus globalement, la moitié des salariés interrogés ressentent une importante souffrance psychique au travail. «Selon les résultats, 51 % indiquent un niveau de souffrance psychique accru (23 %) ou élevé (26 %)», note l’étude.
Cette souffrance est plus marquée chez les femmes (35 %) que chez les hommes (24 %). Les célibataires avec enfants sont particulièrement vulnérables (37 %). De plus, les jeunes adultes, notamment ceux âgés de 25 à 44 ans (environ 30 %), présentent des niveaux de souffrance plus élevés que les salariés plus âgés.
Le niveau de souffrance est très élevé parmi les commerçants, les vendeurs et les professions élémentaires (nettoyage, agriculture, bâtiment, transports, horeca, etc.). Parmi les secteurs les plus touchés, on retrouve la santé et l’action sociale.
Un autre phénomène inquiétant est mis en avant. Parmi l’ensemble des salariés, ils sont 49 % à présenter un risque élevé ou modéré d’abus d’alcool. Les hommes sont plus souvent à risque que les femmes. Parmi les professions, les dirigeants, cadres de direction et gérants sont les plus touchés.
L’alcool est la substance la plus consommée sur le lieu de travail, avec 17 % des salariés déclarant avoir observé des cas de consommation chez leurs collègues et 14 % déclarant avoir eux-mêmes bu de l’alcool. Le secteur financier affiche le taux le plus élevé (22 %). Le taux pointe toujours à 14,5 dans le transport de personnes.
L’usage abusif de médicaments (8 % et 5 % respectivement) – en priorité dans le secteur de la santé – la consommation de cannabis (5 % et 0,5 % respectivement) et les autres drogues (2 % et 0,3 % respectivement) complètement le tableau.
La CSL recommande d’accroître l’accès à des mesures de prévention afin d’améliorer de manière générale le bien-être au travail.
Le télétravail se stabilise, le temps de trajet augmente
Après avoir connu une hausse durant la pandémie (de 21 % en 2017 à 40 % en 2021), le télétravail s’est stabilisé à 32 %, après avoir baissé à 29 % en 2023.
Les frontaliers voient leur taux baisser après la fin des dérogations fiscales et sociales : de 38 % en 2021 à 24 % en 2024 pour les frontaliers français, de 37 % à 22 % pour les belges et de 33 % à 19 % pour les allemands. Le taux des résidents reste stable à 40 %.
Entre 2014 et 2024, le temps de trajet moyen pour se rendre au travail a globalement augmenté, passant de 39,6 à 44,8 minutes. En 2024, seulement 31 % des salariés mettaient moins de 30 minutes pour arriver à bon port (contre 56 % en 2014), tandis que 40 % ont besoin de plus de 46 minutes.
Avec 9,7 heures par semaine pour l’aller-retour, les frontaliers passent le plus de temps en voiture ou en train pour aller travailler (5,5 heures pour les résidents).