Mercredi, un rapport de suivi concernant l’Unisec, la prison pour mineurs, a été présenté par l’Ombudsman qui félicite la structure pour ses progrès, a contrario de la situation législative qui stagne.
«On part du principe que si l’on fait des critiques et qu’il y a des modifications dans le bon sens, il faut aussi dire ce qu’il y a de bien», commence l’Ombudsman, Claudia Monti, en sa qualité de contrôleur externe des lieux privatifs de liberté (CELPL). Une fois n’est pas coutume, c’est de la prison pour mineurs de l’Unisec, à Dreiborn, dont il est question.
Deux ans et demi après un premier rapport alarmant sur des dysfonctionnements, la publication d’un suivi réalisé par le CELPL et l’Ombudsman fir Kanner a Jugendlecher (Okaju) a eu lieu mercredi et l’heure est à la satisfaction : «Nous avons été là-bas en mai 2024 et nous avons constaté qu’effectivement, pas mal de nos recommandations ont été mises en pratique.»
Réalisé à la demande du CSEE (Centre socio-éducatif de l’État), ce suivi permet au gouvernement de montrer patte blanche, l’Unisec ayant défrayé la chronique ces dernières années. Les 8 et 28 janvier 2022, deux incidents y ont lieu, le premier faisant état de quatre éducateurs, trois policiers et autant de mineurs blessés.
Puis, en août 2023, des témoignages dévoilés par RTL évoquant des relations sexuelles entre personnel et pensionnaires, de la consommation de drogues et de la violence répétée ébranlaient la structure.
L’état des lieux après les polémiques et les critiques s’avère donc «très positif» et visible à travers une amélioration de l’atmosphère générale, une baisse des tensions et des retours encourageants du personnel et des jeunes sur les efforts fournis.
Meilleure ambiance à Dreiborn
Grâce à une réorganisation interne, «l’ambiance de travail serait devenue excellente et une vraie cohésion se serait installée», indique le rapport. Le CELPL et l’Okaju se réjouissent aussi de l’accessibilité accrue à l’infirmerie, de la mise en place d’un plan de gestion de crise, d’un fonctionnement participatif pour décider des activités avec les pensionnaires, de la création d’une salle de musique ou encore de l’effet du catalogue des récompenses.
«Globalement, on peut dire qu’ils ont eu une bonne note», sourit Claudia Monti, qui ne s’emballe pas pour autant. Le livret des sanctions, la place accordée à la médiation et la séparation physique entre garçons et filles sont notamment à revoir. «Il y a encore des choses à faire, c’est certain. Mais certaines ne peuvent être faites à cause du lieu, des moyens ou de la loi», précise-t-elle. Le rapport de suivi dédouane par exemple l’Unisec pour le manque persistant de prise en charge psychiatrique qui «dépend d’une ouverture de poste» imputée et réclamée à l’État.
Ce dernier n’est d’ailleurs pas exempt de tout reproche puisque le contenu de ce nouveau rapport est largement dédié au cœur du problème concernant l’emprisonnement des mineurs : l’absence de droit pénal.
L’attente sans fin d’un cadre légal
Pour y remédier, l’Okaju Charel Schmit interpelle donc le gouvernement et les législateurs afin, «d’adopter un cadre légal qui permette d’éviter le placement dans un centre pénitentiaire pour mineurs et la privation de liberté d’un côté, et deuxièmement, de garantir toutes les procédures et de tenir compte des obligations internationales et européennes».
Ce reproche fait notamment écho au placement d’un mineur à la prison pour adultes de Schrassig, soupçonné d’avoir tué un homme à Esch-sur-Alzette le 1er janvier dernier. Bien que les textes internationaux condamnent l’incarcération d’un mineur parmi des adultes, la situation est loin d’être unique, puisque 27 cas antérieurs existent. Claudia Monti se garde de commenter cette décision résultant d’une instruction en cours, mais déplore tout de même le fait que «les magistrats soient mis à mal, car ils doivent décider à tâtons».
«Il n’y a pas de loi, il n’y a que de la protection de la jeunesse», fustige-t-elle, se mettant à la place des magistrats laissés seuls et qui «doivent décider en bon père de famille». L’absence de cadre légal afin de trancher rapidement et justement en faveur d’un placement à l’Unisec ou d’une liberté provisoire irrite depuis de longues années les défenseurs des droits des enfants.
Une réforme de la protection de la jeunesse est en cours afin d’introduire trois lois : le droit pénal pour mineurs, la prise en charge des mineurs victimes et témoins, ainsi qu’une révision fondamentale de la loi de 2008 portant sur l’aide, le soutien et la protection des mineurs, des jeunes et des familles.
«Fermer une plaie ouverte»
«Cela fait 25 ans que j’attends», souffle Claudia Monti, qui n’en reste pas moins optimiste, comme son homologue. «Si ces fameuses trois lois aboutissent, nous aurons enfin un cadre», rêve Charel Schmit, avec l’espoir d’y parvenir cette année. Cela permettrait de «fermer une plaie ouverte au Luxembourg pour le droit de l’enfant». Malgré tout, cette réforme doit également s’accompagner d’un changement de mentalité, selon lui.
«Ce n’est pas qu’il y a des enfants que la privation de liberté c’est quelque chose de moins grave, de moins difficile, de moins pénible, bien au contraire.» Au fil des échanges avec les mineurs à l’Unisec, il conclut que «cette institution, ils la ressentent comme une prison – même s’ils s’y considèrent bien encadrés –, parce qu’ils sont punis par la société, mais pas avec les règles des adultes». Pour cause, les rapporteurs déplorent notamment l’absence d’une durée claire et limitée d’enfermement à Dreiborn.
«Le fait d’y voir des jeunes qui ne savent pas combien de temps ils seront enfermés, c’est dur. Je ne suis pas claustrophobe, mais c’est un soulagement quand j’en sors, donc imaginez pour eux», constate tristement Claudia Monti.
L’Unisec bis pose question
Les travaux de l’Ombudsman ont aussi offert l’occasion d’évoquer le projet de construction d’un nouveau centre de détention pour mineurs. Cet Unisec bis pose de nombreuses questions, comme le résume Charel Schmit : «Ses conceptions infrastructurelle et pédagogique restent une énigme pour nous tous.»
Concernant sa capacité d’accueil, sur le site de l’Unisec, «parfois on parle de 24, parfois de 30, on ne sait pas», illustre Claudia Monti. Cette dernière déplore le fait de «ne voir les plans qu’une fois qu’ils sont faits» et l’absence de suivi après avoir été concertée.
«On a l’impression que tous les débats et consultations antérieurs à cette construction, comme pour une école, ne se font pas ou alors à huis clos» regrette l’Okaju, qui alerte sur l’impact de la future réforme de la protection de l’enfance qui pourrait rendre inadaptée la future structure. «Il y a un dicton qui dit qu’un bon âne ne se prend qu’une fois le mur», prévient Claudia Monti, en référence aux conséquences visibles des dysfonctionnements de l’Unisec en janvier 2022.