David a été lardé de coups de couteau par son père un matin de novembre 2022. Il n’a pas survécu. Amnésique sur le moment, André prétend pourtant que son fils « s’est jeté sur lui ».
«Pourquoi avoir poignardé votre fils à neuf reprises?» André, 72 ans, ne répond pas. Le président de la 12e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, réunie hier après-midi, insiste. «Vous vouliez le tuer depuis le début.»
«C’est la théorie de l’enquêteur. Je n’avais rien planifié, je voulais aller voir les animaux, comme souvent», répond le prévenu. Il est accusé d’avoir assassiné son fils de 29 ans le 29 novembre 2022 à 5 h 30 rue d’Athus à Pétange.
Avant de s’effondrer et d’être transporté au CHEM où il est décédé le lendemain, David a eu le temps de glisser aux témoins venus à son secours et aux policiers : «C’était mon père, ce salaud!» André avait déjà quitté le lieu du crime et avait erré en bus jusqu’à Esch-sur-Alzette, où il s’est rendu à la police après avoir cherché de l’aide auprès d’un psychiatre.
Une dispute aurait éclaté entre le père, qui se promenait avec deux couteaux, dont un à cran d’arrêt, et le fils. «Je voulais juste lui faire peur. Il s’est jeté sur moi», avance André pour sa défense.
Au moment des faits, le prévenu vivait chez son fils aîné à Dudelange depuis une expulsion du domicile conjugal après une plainte pour viol déposée par son ancienne épouse, qui avait demandé le divorce. «Elle essayait de monter David contre son frère aîné pour qu’il lui fasse perdre la garde de ses enfants parce qu’il m’hébergeait», a expliqué André hier après-midi. La victime travaillait au tribunal de la jeunesse à Luxembourg.
«Tuer le fils pour toucher la mère»
«Sa sœur était convaincue que le prévenu avait tué David parce qu’il était le préféré de sa maman», indique l’enquêteur de la section homicide de la police judiciaire. «La date des faits n’était pas un hasard pour elle. Son père et sa mère avaient rendez-vous au tribunal le lendemain pour conclure la procédure de divorce.»
Une théorie notamment partagée par la mère de la victime et un expert psychiatre qui a exclu toute altération ou abolition du discernement qui aurait pu le conduire au filicide. «Il a pu tuer le fils pour toucher la mère.»
André prétend ne plus se souvenir de son crime. Il raconte avoir été réveillé dans un bus par les pleurs d’un bébé avec l’impression que quelque chose n’allait pas.
Le septuagénaire apparaît comme un petit homme étrange dont la personnalité divise ses enfants survivants quand ils acceptent d’évoquer sa personne. Suicidaire, insomniaque, parfois violent… Il prétend avoir eu l’habitude de croiser David qui partait travailler quand il allait «regarder les animaux» dans la bande de verdure bordant la rue d’Athus.
L’enquêteur ne croit pas que sa présence sur les lieux le jour du crime était fortuite. Les indices d’une préméditation s’accumulent. À commencer par les armes qu’il portait, les consignes concernant la maison familiale, son bateau et sa voiture donnés à ses deux autres fils dans des e-mails jamais envoyés, ses recherches internet sur l’artère fémorale ou les horaires des trains entre Pétange et Luxembourg ainsi que, plus étrange encore, l’appel à son avocat après son interpellation. «Sa secrétaire paraissait bien savoir ce qui se tramait», fait remarquer le policier.
«André connaissait les habitudes de son fils», répète le policier. «Son téléphone a borné à Dudelange toute la nuit jusqu’à 3 h 21, ce qui prouve au moins qu’il était insomniaque, et à Pétange à partir de 4 h 17.»
Depuis 5 h du matin au moins, André tournait autour de la maison de son fils, selon les constatations de l’enquête, notamment grâce aux repérages téléphoniques et aux images de vidéosurveillance du Chalet Langwiss et d’une station-service à proximité.
Le doute quant à la culpabilité du prévenu et ses intentions ne serait pas permis, l’enquêteur en est convaincu. Reste son mobile. La vente de la maison familiale pourrait en être un. «David voulait l’acheter avec sa maman.
Son père lui avait également fait une offre, mais celle de sa mère lui convenait mieux», explique le policier après avoir reconstitué les faits. André aurait attendu son fils caché derrière une haute haie à l’orée du Giele Wee.
Un chien policier a pisté sa trace. C’est là que le crime aurait eu lieu. Les lunettes de la victime ainsi qu’un couteau et le smartphone du prévenu y ont été retrouvés par les policiers.
La suite du procès cet après-midi.