Partie civile et défense se renvoient la responsabilité de l’accident de la route qui a cloué la victime dans un fauteuil roulant. Elle traversait en dehors des clous et il était ivre.
La victime présumée traversait la rue du Pont à Remich avec sa fille quand elle a été fauchée de plein fouet entre deux passages pour piétons par la voiture de Robert. Il était peu après minuit dans la nuit du 14 au 15 janvier 2023.
Il pleuvait et l’automobiliste conduisait en état d’ivresse. Selon un expert technique, l’accident n’a pas été causé par un défaut technique de la voiture. Il a en outre découvert les traces typiques d’une collision avec une personne sur l’aile avant gauche.
Robert ne s’est pas arrêté. Il a poursuivi sa route en direction de l’Allemagne. «Nous avons juste trouvé un rétroviseur sur les lieux et une boucle d’oreille de la victime», a indiqué un commissaire de police hier face à la 9e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg.
Un appel à témoin a été lancé auquel le prévenu, chauffeur de camion de profession, a répondu le lendemain de l’accident. Pendant ce temps, sa victime présumée luttait pour la vie aux soins intensifs.
«Il n’avait pas l’air de réaliser ce qui lui était arrivé. Ses propos étaient contradictoires. Il nous a dit avoir vu une femme passer devant sa voiture, mais aussi avoir pensé avoir percuté un trottoir ou un animal. Il aurait compris en entendant l’appel à témoins à la radio», a rapporté le policier qui s’étonne que le prévenu n’ait rien remarqué. «Sur les images de vidéosurveillance, on entend la fille de la victime pousser un cri strident et la vitre de sa voiture était fendue.»
Ce n’est pas la seule incohérence dans son récit de l’accident. Robert avait prétendu aux policiers avoir dîné avec son père et bu deux bières, mais ils ont découvert qu’il avait passé la soirée dans un café situé à proximité. Il y aurait consommé au moins cinq bières et neuf coupes de crémant, selon leurs calculs.
«Dans mon souvenir, je n’ai pas vu de voiture arriver», a indiqué la fille de la victime présumée qui précédait sa maman sur la rue du Pont. «Maman l’a vue avant moi et m’a dit de faire attention.»
La voiture se serait arrêtée un court instant avant de repartir quand la jeune fille de 17 ans au moment des faits s’est dirigée vers elle.
Responsabilité partagée
«J’ai paniqué», reconnaît le chauffard. «J’ai entendu crier. Je voulais juste fuir.» Il explique qu’il pleuvait à sceaux cette nuit-là et que les phares des voitures arrivant en sens inverse l’éblouissaient. «J’étais paralysé par la peur», a-t-il répondu à la juge qui lui a demandé pourquoi il avait cherché à maquiller la vérité des faits. «J’espère que ma victime pourra me pardonner un jour.»
La victime est clouée dans un fauteuil roulant. Son mari a été «obligé d’arrêter de travailler pour s’occuper de son épouse au quotidien», a annoncé l’avocate de la partie civile. «La famille n’a plus la même vie.» Elle a réclamé 850 000 euros de dommages et intérêts pour la victime, 60 000 euros pour ses quatre enfants, dont trois sont mineurs.
Des demandes contestées par la défense de Robert ainsi que par son assureur. L’avocate de ce dernier a conclu à un partage des responsabilités entre les deux parties étant donné que la victime et sa fille «ont traversé de manière hasardeuse et imprudente» «en dehors des deux passages pour piétons» alors que les conditions de visibilité étaient «fortement réduites» et que «la victime portait des vêtements de couleurs sombres». Par son comportement, «elle a contribué à la genèse de l’accident pour une part prépondérante».
La victime a, selon le code de la route, commis une infraction, cite l’avocate qui a rappelé que Robert, lui, circulait à 50 kilomètres à l’heure avec les phares allumés, selon les conclusions de l’expert.
Elle a demandé à ce que les trois quarts des responsabilités incombent à la victime présumée et que les autres demandes soient rejetées. «Il aurait dû pouvoir s’arrêter. Quel que soit l’endroit où les gens traversent, il doit rester maître de son véhicule. La vitesse excessive est à l’origine de l’accident», insiste l’avocate de la partie civile.
«Mon client n’a pas commis d’erreur en relation causale avec l’accident», a avancé son avocat en se basant sur le rapport d’expertise. «Il était inévitable.» Il a demandé à la chambre correctionnelle d’acquitter Robert sur toute la ligne, sauf du délit de fuite, et a plaidé en faveur du sursis intégral dans le cas contraire. «Il a pris la responsabilité de son acte en se rendant à la police.»
Les deux parties s’affrontent et se contredisent. Le parquet penche du côté de la victime présumée. Robert a bien commis des coups et blessures involontaires et un délit de fuite ainsi que conduit en état d’ivresse, selon sa représentante.
«Les séquelles sont dramatiques. La victime a été dans le coma pendant de longues semaines», a rappelé sa représentante. «Les faits sont à imputer à la négligence et à l’imprudence du prévenu.»
Le fait que les deux femmes ont traversé en dehors des clous «ne l’exonère pas de sa responsabilité». Elle a requis une peine de prison de 6 mois ainsi que des interdictions de conduire de 24 et 18 mois.
Le prononcé est fixé au 27 mars prochain.