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Allemagne : l’AfD rêve de gouverner avec Merz


Alice Weidel a salué un «score historique», au milieu de militants en liesse agitant des drapeaux tricolores noir, rouge et or et des cœurs bleus (la couleur de l'AfD). (Photo AFP)

Le parti d’extrême-droite a réalisé une grande performance électorale hier. Désormais, il entrevoit la possibilité d’être maître de l’Allemagne.

L’extrême droite allemande a enregistré un score record dimanche aux élections législatives. Elle s’installe comme une force incontournable dans le paysage politique et affiche sa volonté d’être dans le prochain gouvernement avec les conservateurs. «Nous n’avons jamais été aussi forts au niveau national», a jubilé à Berlin la candidate à la chancellerie de l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), Alice Weidel, figure dominante de toute la campagne électorale. Elle a salué un «score historique», au milieu de militants en liesse agitant des drapeaux tricolores noir, rouge et or et des cœurs bleus (la couleur de l’AfD) avec l’inscription «Alice für Deutschland» (Alice pour l’Allemagne). Les détracteurs du parti voient dans ce slogan une proximité dangereuse avec un autre, interdit, de la milice nazie SA, «Alles für Deutschland» (Tout pour l’Allemagne) et dénoncent ce qu’ils perçoivent comme un signal envoyé par Alice Weidel à l’aile révisionniste la plus radicale du mouvement.

Soutenue par l’entourage de Trump, l’AfD a récolté entre 19,5 et 20 %, selon les estimations des chaînes de télévision. Le mouvement double son score par rapport aux élections de 2021, confirmant son implantation dans un pays jusqu’ici moins enclin au nationalisme identitaire que ses voisins européens, en raison de son passé nazi. Mais le mouvement ne veut désormais pas s’arrêter là. Alice Weidel a aussitôt affiché son ambition de faire partie du prochain gouvernement, aux côtés des démocrates-chrétiens de Friedrich Merz, arrivés en tête avec près de 30% des voix, mais qui eux excluent toute alliance. «Notre main sera toujours tendue pour participer à un gouvernement et pour remplir la volonté du peuple», a déclaré Alice Weidel, disant vouloir notamment «fermer les frontières» aux étrangers, et baisser les impôts.

Une radicalisation au fil des ans

Fondée en 2013 par des eurosceptiques, l’AfD s’est profondément radicalisée au fil des ans pour devenir un parti anti- migrants, prorusse et climatosceptique. Certains de ses responsables n’hésitent pas à banaliser le nazisme. Cette remise en cause de la culture de repentance du pays a été récemment encouragée par le milliardaire américain Elon Musk : «Les enfants ne devraient pas être coupables pour les péchés de leurs grands-parents», avait lancé le proche conseiller de Donald Trump lors d’un meeting de l’AfD fin janvier. Il y a dix jours, lors du Davos de la défense à Munich, le vice-président américain J.D. Vance a accordé un entretien à Alice Weidel, alors qu’il avait snobé le chancelier allemand Olaf Scholz. Et surtout, il a exhorté les partis politiques allemands à ne plus ostraciser l’extrême droite dans les gouvernements. L’AfD a vu ses thèmes de prédilection, immigration et insécurité, propulsés au premier plan de la campagne électorale après une série d’attaques meurtrières commises par des étrangers en Allemagne.

«Les gens en ont assez. Ils ne sont pas contents de la politique pratiquée par les partis traditionnels parce que les prix augmentent toujours plus (…) et les gens ont vraiment peur après la série d’attentats», a déclaré Karin Kuschy, retraitée de 63 ans et électrice de l’AfD à Berlin. Cette situation a poussé le chef des conservateurs, Friedrich Merz, à unir les voix de son parti à celles de l’AfD fin janvier pour faire voter une résolution non contraignante limitant l’immigration. Une alliance jamais vue dans l’histoire allemande d’après-guerre.

Cette rupture du «cordon sanitaire» établi jusqu’alors par les partis traditionnels à l’égard de l’extrême droite, a fait descendre dans la rue des centaines de milliers de personnes, «montrant combien la résistance à l’AfD est encore forte», souligne le professeur Wolfgang Schroeder de l’Université de Cassel. Néanmoins, la campagne électorale allemande a acté un processus de «normalisation» de l’extrême droite, illustré notamment par la participation d’Alice Weidel à différents débats télévisés avec les autres grands partis. Avec un temps de retard par rapport à ses voisins européens, la France, l’Italie, l’Autriche ou les Pays-Bas notamment, l’Allemagne doit désormais compter sur une extrême droite de plus en plus puissante. Alice Weidel a également rompu son isolement au niveau européen en s’affichant à Budapest le 12 février dernier avec le Premier ministre hongrois Viktor Orban.

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