Nouvelle série Netflix, Zero Day coche toutes les cases du divertissement aux lignes bien définies mais reste néanmoins piégée par le contexte dans lequel elle sort.
Dans cette jungle de nouveautés que représente le catalogue Netflix, Zero Day promettait d’être le gros morceau du premier trimestre 2025 en streaming. Créée notamment par Eric Newman – le chef d’orchestre derrière la série Narcos, titre emblématique de la plateforme – et offrant à nul autre que Robert De Niro son premier rôle principal à la télévision, la minisérie possédait aussi comme argument de vente de proposer un vertige au cœur des complots, des cyberattaques et de toutes ces menaces terroristes, petites ou grandes, qui terrifient à raison l’Amérique d’aujourd’hui – et, en fait, le monde entier. Soit. Zero Day en a sans doute convaincu plus d’un à «complot» et «De Niro» (les personnes concernées : on vous comprend). Mais, ramené au contexte mondial dans lequel ont été mis en ligne, jeudi, ses six épisodes, ce thriller qui s’assume en miroir déformant d’une actualité brûlante ne tombe, en fait, qu’à moitié à pic, coiffé au poteau dans son propos par des dirigeants politiques bien réels qui prennent le monde pour leur propre fiction à gros budget.
Air grave, sourcils constamment froncés, par opposition aux grimaces autoparodiques qui caractérisent nombre des rôles qu’il endosse depuis une vingtaine d’années – en gros, depuis Analyze This (Harold Ramis, 1999) et Meet the Parents (Jay Roach, 2000) –, Robert De Niro incarne George Mullen, ancien président des États-Unis respecté, voire adoré, qui préserve sa belle aura en vivant loin de l’œil public.
Mais une cyberattaque sans précédent, qui paralyse tout le pays (transports publics, feux tricolores, téléphones portables, comptes bancaires, bref, tout ce qui fonctionne numériquement – donc… tout) et fait plusieurs milliers de victimes, le force à sortir de sa retraite : Mullen accepte de diriger la commission d’enquête aux pouvoirs exceptionnels mise sur pied par la présidente du pays pour traquer les responsables derrière le «Zero Day». Ce faisant, dans un pays qui, depuis son passage à la Maison-Blanche, a complètement changé dans le fonctionnement des pouvoirs publics et des médias, de même que le rapport de la population à la notion de vérité, Mullen se risque à une tâche qui, plus que risquée, a tout du coupe-gorge.
Une mise en scène solide mais peu inventive
Ce que Zero Day demande au spectateur est, en réalité, bien peu de choses. La minisérie coche toutes les cases du divertissement Netflix aux lignes bien définies; dans cette optique, elle peut se targuer de faire partie de la poignée de projets blockbusters les plus respectables du géant du streaming. Sans forcément briller par sa finesse – la faute à une paire de sous-intrigues, nécessaires à la recette-type de Netflix mais dont même le scénario semble vite se désintéresser, dont une obscure histoire d’arme neurologique – ni par sa mise en scène, certes solide mais peu inventive (la réalisation des six épisodes est confiée à Lesli Linka Glatter, vétérane de la télé qui a officié sur The West Wing, Mad Men ou Homeland), Zero Day profite surtout d’un casting en forme, à commencer par Robert De Niro, aussi impliqué dans son rôle qu’il l’est, hors caméras, à invectiver Donald Trump de façon plus ou moins fleurie.
Idem pour les personnages qui épaulent ou qui déjouent l’ex-président Mullen. On se doute facilement que le tout-Hollywood répondrait présent à tel projet aux contours politiques, qui plus est porté par une légende du cinéma dont l’engagement n’est plus à prouver; avec Jesse Plemons (dans le rôle du bras droit de Mullen avec sa grosse part d’ombre), Connie Britton (la conseillère, qui partage avec Mullen un passé trouble), Joan Allen (l’ex-première dame, déterminée) ou Angela Bassett (l’actuelle présidente des États-Unis), le contrat est largement rempli.
Un respectable divertissement qui ne s’excuse jamais de l’être, néanmoins piégé par le contexte dans lequel il sort
Au-delà du simple divertissement, que Zero Day ne s’excuse jamais d’être – et c’est tout à son honneur –, reste néanmoins piégé par le contexte dans lequel il sort. Le scénario, auquel a contribué, entre autres, le cocréateur Michael Schmidt (journaliste du New York Times lauréat de deux prix Pulitzer) et d’autres journalistes politiques spécialistes de la chose politique, multiplie les renvois à la «vraie vie», à travers les personnages d’Evan Green (Dan Stevens), éditorialiste de l’ultradroite calqué sur Carlson Tucker, Ben Shapiro, Alex Jones et consorts, de Monica Kidder (Gabi Hoffmann), magnate de la tech qui rappelle à tous points de vue un certain Elon Musk, ou de Robert Lyndon (Clark Gregg), qui partage avec Jeffrey Epstein la richesse et les déviances sexuelles.
Tous jouent, de (très) près ou de loin, un rôle dans l’attaque cyberterroriste du «Zero Day», de la même manière que leurs modèles pèsent ou ont pesé dans la situation politique américaine actuelle. Sur une note moins pertinente, les problèmes de mémoire dont souffre George Mullen (on pense inévitablement à Joe Biden) ou le hasard qui a amené les créateurs à imaginer une femme noire présidente (la série a été écrite et tournée avant la course à la présidentielle de 2024) résonnent plus bizarrement avec la réalité.
Car, au final, c’est bien de la recherche de la vérité qu’il s’agit dans cette minisérie – celle, du moins, à laquelle le spectateur lambda peut se raccrocher. C’est là, finalement, que pèche Zero Day. Gentils, méchants ou entre les deux, les personnages, tous au sommet du pouvoir, parlent, agissent et réagissent selon les codes en vigueur dans nos démocraties occidentales… à l’exception que ceux-ci, aujourd’hui complètement dynamités par les dirigeants américains actuels, ne semblent malheureusement plus qu’un lointain souvenir, ou, à juste titre, un fantasme de fiction. Le réalisme de la menace d’une cyberattaque de telle ampleur, elle, reste malgré tout bien réelle.
Zero Day d’Eric Newman, Noah Oppenheim et Michael Schmidt Avec Robert De Niro, Connie Britton, Jesse Plemons… Genre thriller. Durée 6 x 50 minutes