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Cancer des ovaires d’une ouvrière mosellane : «J’étais constamment exposée aux poussières d’amiante»


La maladie de Paola B. est liée à l’inhalation de poussières d’amiante lorsqu’elle travaillait aux faïenceries de Sarreguemines puis chez France Ceram à Forbach. (Photo : Gaëlle Krähenbühl)

Paola B. a travaillé comme ouvrière aux faïenceries de Sarreguemines puis au sein d’une usine de carrelages à Forbach. Durant 31 ans, elle fut exposée aux poussières d’amiante issues des fours industriels. Son cancer des ovaires, apparu en 2017, vient d’être reconnu d’origine professionnelle, avec le soutien de la CFDT mineurs de Freyming-Merlebach. Une première dans le Grand Est.

« Je suis en sursis, je vis avec la peur et une épée de Damoclès au-dessus de la tête. » Paola B.* a déclaré un cancer des ovaires en 2017. « Cette maladie a changé ma vie pour toujours », souffle la Forbachoise, retraitée de 68 ans. « J’ai suivi une lourde chimiothérapie et subi deux opérations. J’ai aussi pris beaucoup de poids et je suis toujours très fatiguée.

Certaines tâches du quotidien sont impossibles pour moi. » En juillet dernier, l’origine professionnelle de son cancer a été reconnue par l’assurance maladie. L’indemnisation vient tout juste d’être validée.

Tableau depuis 2023

Cette reconnaissance est le fruit des démarches menées par le comité interpermanences et la section CFDT mineurs de Freyming-Merlebach. Il s’agit d’une première dans le Grand Est. « Paola B. a fait appel à nous après la parution d’un article de presse en octobre 2023. Il parlait de la création du tableau de maladie professionnelle au code de la sécurité sociale pour les cancers du larynx et des ovaires. Nous militions en ce sens depuis vingt ans », résume Brigitte Clément, secrétaire régionale de la CFDT mineurs.

Le tableau n°30 ter concerne désormais tous les travailleurs exposés à l’amiante. « Avant cela, je n’avais jamais imaginé un lien entre ma maladie et mon travail », souffle la concernée. « Quand j’en ai pris conscience, j’ai contacté le syndicat. »

Nettoyage à la balayette

Paola B. a travaillé durant 31 ans comme ouvrière. D’abord aux faïenceries de Sarreguemines entre 1976 et 1982 puis chez France Ceram, fabricant de carrelage sur le technopôle de Forbach jusqu’en 2007. « Mon travail consistait surtout au nettoyage des fours industriels, ces immenses fours où les céramiques étaient cuites à 1200°C », décrit-elle. « On devait balayer les déchets au sol après les opérations d’entretien et de maintenance des machines, à l’aide de balayettes et de soufflettes alimentaires. Il s’agissait de poussières très volatiles que l’on respirait sans protection. Nous ne portions pas de masques. C’était quasi quotidien. »

Les poussières inhalées contiennent de l’amiante, utilisé dans les matériaux d’isolation des fours. « La poussière était constamment présente dans les ateliers, elle se déposait sur les machines, les sols et tous les objets. » Une collègue de Paola, contactée par la CDFT pour monter le dossier, témoigne : « Nous rentrions pleines de poussière chez nous, même nos sous-vêtements en étaient pleins. À midi, nous mangions au service de tri. À peine posée sur la table, nos aliments en étaient recouverts. »

Utilisation massive d’amiante

« Dans les années soixante-dix, l’utilisation de l’amiante dans le secteur des terres et pierres à feux était massive », note Brigitte Clément. À partir de 1977, un décret impose un usage contrôlé de l’amiante. En 1996, elle est carrément interdite. Dans les usines, les installations sont changées progressivement. Chez France Ceram, les travailleurs, maçons fumistes, mécaniciens, équipes de nettoyage, y seront exposés jusqu’au début des années 2000.

« Aujourd’hui, j’aimerais que mon témoignage puisse servir à d’autres femmes qui ont travaillé dans les mêmes conditions et développé un cancer des ovaires », appuie Paola B. « Au-delà de l’indemnisation reçue, c’est important de comprendre pourquoi cette maladie nous est tombée dessus. Il est essentiel de se manifester. »

* Par souci d’anonymat, le prénom a été modifié.

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