La conteuse luxembourgeoise Betsy Dentzer va ouvrir, samedi après-midi à Neimënster, la cinquième édition du festival Contes sans frontières.
Après des études d’assistante sociale et de pédagogie de théâtre, Betsy Dentzer découvre le monde magique du conte. Depuis 2011, les contes, les mythes, les légendes et autres farces sont devenus son métier. Et avec elle, cet art pour le moins oublié a fait un retour fracassant dans le milieu culturel grand-ducal. Rencontre.
Comment êtes-vous devenue conteuse ?
Betsy Dentzer : En fait, j’ai découvert le monde du conte assez tard, grâce à une prof qui proposait un cours de littérature orale. C’est avec elle que j’ai découvert le métier de conteur. J’ai ensuite suivi des formations avec plusieurs conteuses pour perfectionner mes connaissances, le placement de la voix, les mimiques, la relation avec les spectateurs… et découvrir aussi différents répertoires. Lorsque je suis revenue au Luxembourg, j’ai voulu voir si ça pouvait marcher. La réponse a été vraiment surprenante et depuis, j’ai tellement de demandes qu’à 95% du temps je travaille désormais en tant que conteuse.
Que représente le conte pour vous ? Qu’est-ce qui vous a donné, à ce point, envie de devenir conteuse ?
Le fait de raconter une histoire devant un public est déjà quelque chose de super intéressant. Actuellement, il y a plein de choses qui nous entourent, des images, des informations, etc. Mais pendant qu’on raconte, on crée une ambiance différente, intimiste. C’est vraiment un moment privilégié d’échange entre le public et le conteur. Une familiarité que j’aime profondément. Le conte est comme un cadeau que le conteur fait au public. Et voir sur les visages le reflet de ce qu’on est en train de raconter, c’est vraiment fascinant.
Et puis, j’adore creuser dans le répertoire international, gigantesque, de contes et voir comment des histoires provenant de zones très différentes du monde contiennent tout un tas d’éléments qui se ressemblent. C’est surprenant de trouver de telles ressemblances entre des contes africains ou japonais, par exemple ! Pour moi, ça prouve que, malgré les différences des différentes cultures, il y a surtout beaucoup de choses qui nous relient. Le conte est un trésor ! Ça reste toujours actuel. Et ça raconte beaucoup sur l’humanité, sur les cultures, sur les migrations, etc.
Il y a un véritable succès ces dernières années au Luxembourg de l’art du conte. Comment expliquer ce retour ?
Je pense que les gens recherchent ces moments d’intimité dont je parlais tout à l’heure. Ce sont des moments de partage, de calme, de simplicité. Là, on ralentit un peu : on s’installe, on écoute et on fait travailler son imagination. Et effectivement, on a l’impression que de plus en plus de gens recherchent ça. Ça leur permet de créer une petite bulle dans laquelle ils peuvent se relaxer.
Comment choisissez-vous les contes que vous présentez ?
Je lis beaucoup, j’ai plein de bouquins, je fouille dans des brocantes, sur internet, je vais à des festivals internationaux, etc. Quand je trouve un conte qui me plaît, je le lis plusieurs fois et puis, au lieu d’essayer de l’apprendre par cœur, j’essaye de me le raconter à moi-même avec mes propres mots. Comme ça, petit à petit, je développe mon langage, mes gestes, ma présence scénique, etc. Après, à chaque fois que je raconte une histoire, ça change un peu, car il faut garder un côté improvisation.
Quand on raconte aux adultes, par exemple, il faut garder un ton plus ironique et on peut aller plus rapidement que si on raconte la même chose à des enfants. D’ailleurs, pour casser les idées reçues, je voudrais dire que, pour moi, le conte est avant tout un art pour les adultes, qui, parfois, peut aussi être adapté également pour les enfants. Mais il faut arrêter de dire que les contes, ce n’est que pour les enfants !
Vous contez en luxembourgeois…
Oui, mais quand j’ai été invitée à un festival en Allemagne, j’ai conté en allemand, quand j’étais à un festival en France, en français. Mais c’est vrai que j’adore raconter en luxembourgeois parce que c’est une langue très brute, et je trouve super intéressant de chercher et trouver les bons mots luxembourgeois pour raconter les histoires. J’aime rester dans la tradition de cette langue luxembourgeoise et utiliser prioritairement des mots anciens.
Entretien avec Pablo Chimienti