Tim Roth, Alejandro Amenábar, Albert Serra… Pour ses 15 ans, le LuxFilmFest prend des airs de Cannes, ou d’Hollywood (au choix), sans perdre de vue sa sensibilité politique et son amour pour toutes les formes du cinéma.
Une édition anniversaire doit toujours être un peu plus mémorable que les autres. Et, de fait, entre partenaires (presque) au grand complet, représentants des sociétés de production du cinéma national, journalistes, amis et collègues du Luxembourg et d’ailleurs, l’habituelle conférence de presse du LuxFilmFest, en étant largement plus fréquentée qu’à l’accoutumée pour présenter cette quinzième édition, laissait comprendre avant même de dévoiler le moindre élément de programmation que 2025 devait être l’année de la vitesse supérieure pour l’évènement.
Un bref bilan chiffré de ses quinze ans d’existence (plus de 300 000 visiteurs, quelque 3 200 invités, près de 1 500 séances organisées…) renforçait cette sensation. De même que la création, pour cette nouvelle édition, d’un «comité de sélection professionnel soutenu par un réseau de présélectionneurs» issus du circuit européen des festivals de cinéma, tandis que le programme des quatorze éditions précédentes était concocté par un comité artistique bénévole.
Deux master class
Pour célébrer ce «sweet fifteen», le LuxFilmFest – qui, en termes d’invités, a déjà mis la barre très haut ces dernières années avec Terry Gilliam, Viggo Mortensen, Alejandro Jodorowsky… – fera le point, à travers deux master class, sur les carrières éblouissantes du cinéaste espagnol Alejandro Amenábar (Abre los ojos, 1997; The Others, 2001, Mar adentro, 2004…) et de l’acteur britannique Tim Roth.
Le fidèle de Quentin Tarantino sera aussi présent dans la sélection «Made in/with Luxembourg» du festival pour son rôle dans Poison, drame intimiste signé Désirée Nosbusch qui, avec cette adaptation d’une pièce de théâtre de la dramaturge néerlandaise Lot Vekemans, fait ses premiers pas derrière la caméra. Et prouve ainsi que l’opération d’«optimisation des invités» soulignée par le directeur artistique du festival, Alexis Juncosa, est plus que jamais synonyme de prestige.
Mohammad Rasoulof président du jury
À partager le haut de l’affiche avec Tim Roth dans ce film tourné à l’été 2021 à Vianden, l’actrice danoise Trine Dyrholm foulera d’ailleurs, elle aussi, le tapis rouge du LuxFilmFest, mais au sein du jury de la compétition officielle.
À ses côtés, le scénariste britannique Paul Laverty, éternel collaborateur de Ken Loach, le réalisateur et créateur d’effets spéciaux luxembourgeois Jeff Desom, l’actrice autrichienne Valerie Pachner et le réalisateur espagnol Albert Serra – également en compétition documentaire avec son film Tardes de soledad.
Le jury sera présidé par le cinéaste iranien dissident Mohammad Rasoulof, vainqueur de la Berlinale en 2020 avec There Is No Evil et lauréat du Prix spécial du jury au dernier festival de Cannes pour Les Graines du figuier sauvage. De quoi, aussi, consacrer un peu plus le lien privilégié entre le festival luxembourgeois et ce cinéma iranien qu’il a toujours montré et défendu.

Le cinéaste iranien Mohammad Rasoulof sera président du jury. Photo : afp
Toujours sensible aux questions politiques et sociales d’actualité, le LuxFilmFest veille encore et toujours, dans ses jurys comme dans ses compétitions documentaire et fiction, à obtenir la parité hommes-femmes et à donner de la place aux œuvres qui traduisent un sentiment d’urgence à l’intérieur de notre monde instable.
Le festival abordera les questions du féminisme (Oxana, de Charlène Favier, biopic de l’activiste ukrainienne et cofondatrice des Femen Oksana Chatchko), des guerres actuelles et passées (le thriller ukrainien Honeymoon, le documentaire palestinien A Fidai Film, la plongée intime dans la migration intraeuropéenne Home Game ou encore l’essai Higher than Acidic Clouds, de l’Iranien Ali Asgari, coréalisateur de Terrestrial Verses, film vainqueur de la dernière édition et dont ce nouveau film est coproduit au Luxembourg), de l’humanitaire, de l’écologie ou du genre – sur les écrans, en débats ou lors de conférences.
Séries, VR et jeux vidéo
Tandis que cette 15e édition marquera les au revoir du festival à la Cinémathèque de la Ville, qui subira des travaux de rénovation et d’extension à partir de début 2026 et pour quatre ans – Lydie Polfer confirmait que, pour les prochaines années et jusqu’à la réouverture du temple luxembourgeois du cinéma transformé, les séances du LuxFilmFest habituellement organisées à la Cinémathèque trouveront refuge au théâtre des Capucins –, l’évènement distille dès cette année quelques nouveautés.
Dont une «grande innovation», dixit Alexis Juncosa, celle de faire entrer la série, luxembourgeoise de surcroît, dans les salles obscures, avec une soirée «showcase» présentant les épisodes pilotes de trois nouvelles séries (co)produites au Grand-Duché : la série allemande Dangerous Truth, la minisérie portugaise Finisterra et Hometowns, un projet 100 % luxembourgeois. Une première qui «appelle le concept à grandir avec des oeuvres de plus en plus exclusives», prévient le directeur artistique.
L’habituel pavillon VR à Neimënster, qu’anticipe l’exposition «Entre réflexions et immersion» actuellement au Cercle Cité, montrera dix films-expériences, repoussant toujours plus les limites imposées par le «cinéma plat», comme l’aime à l’appeler Guy Daleiden, directeur du Film Fund.
Pour preuve, Champ de bataille, coproduit au Luxembourg, offre une plongée au milieu des tranchées de la Première Guerre mondiale, tandis qu’Une eau la nuit mélange les disciplines, entre cinéma, danse et art contemporain. Mieux : deux films sont réalisés avec l’IA, dont AI & Me, du duo d’artistes visuels MOTS, qui propose de dresser le portrait du spectateur à travers la simple analyse de son visage…
Le Film Fund, qui fête ses 35 ans – «À nous deux, on célèbre un demi-siècle d’existence!», s’est réjoui le directeur –, veut aussi faire du Luxembourg une place forte du langage cinémat(ograph)ique de demain, et prend les devants en mettant en valeur les jeux vidéo créés par des artistes et des étudiants du pays lors d’une «Game Jam» qui se déroulera lors des deux derniers jours du festival. Il ne manquait que ça pour inaugurer la nouvelle ère du LuxFilmFest.
Du 6 au 16 mars. Plus d’infos sur www.luxfilmfest.lu
Les films en compétition
BOUND IN HEAVEN de Huo Xin (Chine)
HANAMI de Denise Fernandes (Suisse / Portugal / Cap-Vert)
HOLY ELECTRICITY de Tato Kotetishvili (Géorgie)
KONTINENTAL ’25 de Radu Jude (Roumanie / Brésil / Suisse / Royaume-Uni / Luxembourg)
THE NEW YEAR THAT NEVER CAME de Bogdan Mureşanu (Roumanie)
ON FALLING de Laura Carreira (Royaume-Uni / Portugal)
REFLET DANS UN DIAMANT MORT d’Hélène Cattet et Bruno Forzani (Belgique / Luxembourg / France / Italie)
THE VILLAGE NEXT TO PARADISE de Mo Harawe (Somalie / Autriche / France)
VITTORIA d’Alessandro Cassigoli et Casey Kauffmann (Italie)