Daniel a étranglé son père et maquillé les circonstances de sa mort. Ce délinquant prétend ne pas l’avoir souhaitée. Sa défense repose sur les problèmes pulmonaires du septuagénaire.
La mort de Marcel a paru suspecte aux policiers intervenus à son domicile du boulevard Kennedy à Esch-sur-Alzette le 26 décembre 2022. Daniel avait prévenu les secours après y avoir découvert le corps sans vie de son père de 71 ans. Selon lui, il avait été victime d’un cambriolage. Mais pour les policiers, l’explication ne colle pas. Ils n’ont pas retrouvé les indices habituels d’un cambriolage sur les lieux. Dans le doute, ils ont demandé une autopsie. Le décès s’est avéré avoir été causé par un tiers. Marcel a été étranglé.
Trois mois plus tard, le 22 mars 2023, Daniel et Tatiana ont été appréhendés. Le jeune homme de 36 ans vivait depuis les faits dans une chambre de l’hôtel Ibis à Belval. Sa compagne, qu’il a épousée en prison en novembre 2023, est immédiatement passée aux aveux : Daniel a tué Marcel. «Il avait l’air apaisé. Il a toujours dit qu’il tuerait son père», a indiqué la femme au juge d’instruction. «Elle pensait qu’il avait pu être abusé sexuellement pendant son enfance», a précisé un enquêteur.
«Il avait menacé sa compagne pour qu’elle se taise»
Daniel a, quant à lui, reconnu lors de son audition avoir «peut-être serré un peu trop fort». À la barre de la 13e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg hier matin, il jure ne pas avoir voulu intenter à la vie de son père. «Ce n’était pas mon intention.» Ce soir-là, le ton serait monté entre les deux hommes. Daniel reprochait, entre autres, à son père de ne pas paraître suffisamment peiné par le décès de sa mère l’été précédent. Pour calmer ce dernier, il aurait passé son bras autour du cou de sa victime présumée. Père et fils sont tombés à terre. Marcel ne respirait plus.
Plutôt que d’appeler les secours, Daniel a préféré maquiller les circonstances de la mort de son père. Le lendemain des faits, il lui a téléphoné à plusieurs reprises avant de se rendre dans l’appartement et de prévenir les secours. «Il avait menacé sa compagne pour qu’elle se taise», a précisé un policier que le prévenu avait accueilli en pleurs boulevard Kennedy.
Des larmes de crocodile apparemment si peu sincères qu’elles ont contribué à mettre la puce à l’oreille des forces de l’ordre. Un échange de SMS entre les deux futurs époux datant de novembre 2022 a fini de mettre à mal la thèse, soutenue par la défense assurée par Me Biewer, des coups et blessures ayant entraîné la mort sans l’intention de la donner. Le couple y évoque «une solution à trouver pour le père». «C’est la seule chose à faire», a écrit Daniel sans donner davantage de précisions.
Deux ou trois minutes
Les indices s’accumulent contre le jeune homme au passé judiciaire chargé. Il a passé dix de ces quinze dernières années derrière les barreaux. Les experts psychiatres ont évoqué un complexe d’Œdipe mal résolu – «Il idéalisait sa mère plus permissive et considérait son père comme un rival» – sans constater de maladie mentale, ni d’abolition ou d’altération du discernement qui auraient pu le pousser à agir.
Les trois protagonistes de l’affaire avaient consommé beaucoup d’alcool. Daniel avait en outre acheté de la cocaïne dans l’après-midi des faits. Tatiana cuvait dans une chambre quand la dispute entre père et fils a eu lieu. La caméra de vidéosurveillance de l’immeuble a filmé le couple sortant «complètement bourré» et aucun intrus.
Mort suspecte, accidentelle, préméditée… les juges devront trancher et déterminer quelle était l’intention réelle de Daniel. Une légiste a expliqué que la mort par strangulation intervient après une pression constante de deux ou trois minutes. Privée d’oxygène, la victime perd conscience dans un premier temps avant de décéder. Daniel conteste avoir serré le cou de son père aussi longtemps.
Le processus peut être accéléré quand la victime est en mauvaise santé. Ce qui était le cas de Marcel, qui présentait des problèmes pulmonaires et cardiaques. La légiste n’a pas pu déterminer la durée totale de l’acte dans le cas présent, ce qui ouvre une voie dans laquelle Me Biwer va s’engouffrer lors des prochaines audiences. «Nous contestons énergiquement l’idée d’un acte prémédité. Nous ne manquerons pas de le souligner lors des plaidoiries en fonction des conclusions du parquet», a noté l’avocat.
Le procès se poursuit cet après-midi avec les témoignages de Tatiana et de voisins de Marcel, ainsi qu’avec l’interrogatoire de Daniel.