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Fin du travail de nuit à la Sovab : la maman solo contrainte de démissionner?


À la Sovab, les commandes ne sont pas à la hauteur des prévisions et l’usine meurthe-et-mosellane qui devait concevoir 740 véhicules/jour a revu ses ambitions à la baisse pour passer à 440 Master/jour.

Faute de commandes suffisantes du nouveau Renault Master, la direction de l’usine Sovab de Batilly a décidé de mettre fin à 737 contrats intérimaires ainsi qu’aux tâches nocturnes. Les conséquences ont un impact direct sur la vie des salariés. À l’image de Nicole, 30 ans, qui grâce au travail de nuit pouvait jusqu’alors assumer, sans trop de difficultés, son rôle de maman solo d’une fillette de 3 ans.

Il y a de la fatigue dans la voix, mais aussi de la détermination, pour toujours offrir le meilleur à sa fille âgée de trois ans. Monique* est agent de production à l’usine Renault Sovab de Batilly. Il y a un an et demi, après quelques mois de travail intérimaire, la maman solo a pu signer un contrat en CDI dans l’équipe de nuit, ce qui lui permettait de jongler entre son emploi et l’éducation de son enfant.

«C’était une organisation rêvée», avoue l’habitante de Homécourt. «La nuit, mon ex-mari se charge de notre fille et il me la dépose très tôt le matin, lorsque je quitte et qu’il part au travail. Avant d’entrer à la Sovab, j’étais employée les week-ends dans une grosse société. Mais les conditions étaient difficiles et le salaire ne me permettait pas de joindre les deux bouts».

Une carrière qu’elle pensait toute tracée

Jusqu’à la fin 2024 et les premières mesures de fermetures temporaires des chaînes de production du nouveau Renault Master , Monique pensait que sa carrière était toute tracée. «C’était un mode de fonctionnement idéal pour moi. D’autant que je gagne plutôt bien ma vie (2 000 euros nets par mois) et que le rythme de mon enfant est préservé». Mais ça a été la douche froide pour elle et bon nombre d’autres «nuiteux», lorsque les mesures de réorganisation des ateliers ont été dévoilées au cours d’une réunion du Comité social et économique. Mesures prises pour pallier le peu d’engouement – pour l’heure – que suscite le fourgon.

Prévisions revues à la baisse

Comme l’affirmait la direction à cette occasion, les commandes ne sont pas à la hauteur des prévisions et l’usine meurthe-et-mosellane qui devait concevoir 740 véhicules/jour a revu ses ambitions à la baisse pour passer à 440 Master/jour. Un lancement en demi-teinte car pour l’heure toutes les versions de l’utilitaire n’ont pas été mises sur le marché, des versions pourtant prisées par les professionnels comme les modèles à propulsion, surélevés, à transmission automatique… Sans oublier les normes européennes en matière d’émission de carbone revues à la baisse et générant de lourdes pénalités pour les constructeurs. Et les modèles électriques dont l’autonomie ne correspond pas aux réalités de la ruralité.

Situations exceptionnelles

Pour faire face à cette «crise», la direction de Renault a donc décidé de mettre fin à 737 contrats intérimaires et au travail de nuit à partir du 1er mars. «Je suis allée frapper à la porte de l’assistante sociale de la Sovab, elle n’a eu aucune solution à m’apporter et m’a laissé sous-entendre que je n’avais pas d’autre choix que de démissionner». Nicole espère que la direction de la Sovab de Batilly prendra en compte ces situations exceptionnelles dans sa nouvelle organisation. «Bien sûr, j’ai la possibilité d’intégrer les équipes de jour. Mais, c’est impossible, car je n’ai pas les moyens de payer une nourrice. Ma mère est malade et ne peut m’aider. Ma sœur m’a dépanné à Noël, je lui avais fait un contrat en bonne et due forme. Ça m’a coûté plus de 800 euros pour moins de trois semaines»

Préserver les emplois

La seule solution pour Nicole : une reprise d’activité. Comme le rappelait la direction lors du CSE du 30 janvier dernier. «Notre objectif est de préserver l’emploi et ces mesures sont provisoires. Notre but est de produire à plein régime.» Seize milliards d’euros ont été investis à Batilly par Renault pour produire ce nouveau Renault Master prévue pour quinze ans.

*le prénom a été modifié

Romuald Ponzoni
(Le Républicain lorrain)