Un collectif de chauffeurs de bus sonne l’alerte et affirme que la détresse leur fait quitter le métier. Le LCGB, qui a négocié une nouvelle convention collective, est conscient du problème.
Depuis la nouvelle convention collective négociée par le LCGB, syndicat majoritaire dans le secteur, le Luxembourg souffre un peu moins de la pénurie de chauffeurs de bus. Même si les conditions salariales ont été améliorées, certains chauffeurs se plaignent encore de leur quotidien et mettent en cause l’amplitude horaire spécifique au métier.
«Malgré nos nombreuses tentatives pour alerter nos directions ainsi que le ministère des Transports, aucune solution n’a été apportée aux conditions de travail dégradantes qui mettent en péril la sécurité des usagers et des travailleurs», écrit un collectif de chauffeurs de bus, inconnu du LCGB. D’après ce collectif qui alerte les médias, l’augmentation «inquiétante» des accidents impliquant des bus «réside dans les conditions de travail éprouvantes des chauffeurs, qui exercent leur métier dans un cadre inéquitable et épuisant».
Le communiqué livre surtout des revendications salariales et parle d’un «système de rémunération injuste», précisant que «le métier de chauffeur de bus est aujourd’hui le seul où un employé peut travailler 12 heures tout en étant rémunéré pour seulement 5 à 7 heures». Paul Glouchitski, secrétaire syndical au LCGB-ACAP (Association des chauffeurs d’autobus privés), est bien conscient du problème de l’amplitude horaire, mais fait remarquer que cet aspect du métier est régi par des règlements européens. «Nous sommes le seul pays à avoir mis des garde-fous si les amplitudes sont dépassées», observe-t-il, mentionnant la dernière convention collective négociée l’année dernière. «Nous avons fait passer l’employeur à la caisse», ajoute-t-il.
Depuis janvier 2024, date d’entrée en vigueur de la convention collective, les chauffeurs ont obtenu une revalorisation salariale de 16 %. «Un chauffeur de bus gagne aujourd’hui 3 724 euros à l’embauche avec un 13e mois, auxquels viennent s’ajouter les primes diverses pour travail du dimanche, et jour férié, plus les heures supplémentaires, le travail de nuit.» «Quand l’amplitude dépasse 11 heures, le chauffeur a droit à une prime et quand elle dépasse les 12 heures, il a droit à dix euros en plus chaque jour», précise encore le secrétaire syndical. Si le chauffeur cumule six jours de travail, il a droit également à 80 euros en plus sur son salaire. «C’est historique ce que le LCGB a négocié», juge Paul Glouchitski qui ne manque de rappeler l’obtention de chèques-repas pour les personnels, mais conscient, malgré tout, qu’il reste des choses à améliorer. «On sait que c’est un métier particulier avec des contraintes au niveau de l’amplitude, mais si un chauffeur travaille ne serait-ce qu’une heure dans le mois, son salaire reste le même», explique-t-il.
Il y a des sociétés qui arrivent à jongler pour les amplitudes et pour d’autres, c’est plus compliqué à cause des congés ou des arrêts maladie. «On ne nie pas le problème, mais il est au niveau européen.»
Mieux lotis qu’ailleurs
Concernant le 13e mois introduit l’année dernière, le collectif se plaint de sa mensualisation qui aurait entraîné des augmentations d’impôts et regrette l’ancien système. Or le LCGB a fait ses calculs et estime que ce n’est pas parce que les chauffeurs reçoivent un douzième chaque mois que cela change quoi que ce soit pour les impôts. «Avec ce 13e mois, les chauffeurs gagnent 4 000 euros brut à la base, dès la première année, sans les différentes primes», insiste le secrétaire syndical. Un salaire qui atteint 4 700 euros après 25 ans d’ancienneté. Sans les primes.
«Le manque de reconnaissance et la fatigue accumulée ont conduit de nombreux chauffeurs à quitter le métier, créant une pénurie de personnel. Aujourd’hui, les entreprises de transport doivent se prêter des chauffeurs entre elles pour assurer leurs obligations contractuelles», se lamente le collectif qui veut rester anonyme. Il estime que cette pression supplémentaire aggrave la détresse des chauffeurs encore en poste, «avec une augmentation significative des arrêts maladie et des cas de dépression».
Il est vrai que certaines sociétés qui ont des filiales, puisent dans la réserve de chauffeurs en cas d’absentéisme. «Les sociétés ont une obligation et elles ont des pénalités si elles n’assurent pas le roulement.»
«Par rapport à d’autres pays, on est mieux lotis. Et on va continuer, d’ici deux ans, d’améliorer les conditions salariales et de travail», assure le secrétaire syndical. Pour le collectif en colère, pas sûr que cela suffise à calmer les esprits. «Face à l’inaction des autorités et du ministère des Transports, nous nous voyons contraints d’envisager des actions plus marquantes pour nous faire entendre», prévient-il. Pas question de faire grève pour «éviter une perturbation nationale des transports», écrit-il, mais il espère une réaction face à la détresse de nombreux chauffeurs.