Taina Bofferding, la rapportrice de la commission parlementaire censée retracer la gestion politique de l’affaire Caritas, tire un bilan intermédiaire des travaux. Beaucoup de questions resteraient sans réponse.
Mercredi matin, les députés ont pu échanger avec Christian Billon, le président de l’association Hëllef um Terrain (HUT), venue prendre le 1eroctobre le relais de Caritas, coulée par l’affaire de détournement de 61 millions d’euros. Christian Billon était aussi à la tête du comité de crise, constitué pour trouver une solution afin de maintenir l’important travail d’encadrement social presté par la fondation.
L’entrevue avec HUT, dans la foulée de représentants du cabinet d’audit PwC, reçus lundi, confirme l’impression qu’«il n’y a jamais eu de plan ou de volonté de sauver Caritas». Il s’agit de la première conclusion majeure de Taina Bofferding (LSAP), nommée rapportrice des travaux de la commission. «Ni PwC, ni le comité de crise n’avaient la mission ou ont tenté de réunir autour d’une table les principaux concernés – l’Archevêché, les banques, le gouvernement – afin de trouver des solutions pour restructurer Caritas en interne», déplore la députée socialiste.
Christian Billon renvoie vers un «dialogue de sourds» et le refus de potentiels donateurs d’injecter des fonds dans Caritas. La création d’une nouvelle entité aurait été la seule issue possible. Une explication qui ne satisfait pas forcément les députés de l’opposition. Les élus de la majorité se montrent plus compréhensifs, dont le nouveau président Charles Weiler (CSV).
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«Dès que l’on commence à creuser, des milliers d’autres questions surgissent», poursuit la rapportrice. Ce fut également le cas lors des échanges avec les autres interlocuteurs qui se sont présentés depuis fin octobre face aux députés : parquet, cellule de renseignement financier, ministères ayant conclu des conventions avec HUT, Commission de surveillance du secteur financier (CSSF) et comité de crise.
«Nous connaissons les limites de notre rayon d’action. On n’est pas des enquêteurs qui font le même travail que la justice. Néanmoins, en tant que Chambre, nous avons le devoir de retracer la gestion politique de l’affaire», souligne Taina Bofferding, fustigeant le fait que PwC ait tenté d’imposer un catalogue de questions précis et restrictif ou que la Fondation Caritas ait remis en question la raison d’être de la commission.
«Nous avons perdu beaucoup de temps»
Afin de «compléter le puzzle», il serait toutefois primordial d’échanger avec les responsables de Caritas. La réunion est fixée au 26 février. «On a tenu à inviter aussi Marie-Josée Jacobs, l’ancienne présidente du conseil d’administration, et l’ex-directeur Marc Crochet», avance Taina Bofferding. Deux jours plus tôt, la délégation du personnel, où l’OGBL est majoritaire, sera entendue.
Plus globalement, la mise sur pied de la commission spéciale aurait été la bonne décision. «Sans cette commission, on ne parlerait plus trop de l’affaire, avec le risque que des choses tombent sous le tapis», juge l’élue du LSAP. Par contre, le jeu de chaises musicales à la tête de la commission serait «vraiment pénible». «On aurait pu l’éviter. Cela a compliqué les travaux de la commission. Nous avons perdu beaucoup de temps, déplore-t-elle.
Pour rappel : le premier président Laurent Zeimet (CSV) a rapidement démissionné en raison d’un potentiel conflit d’intérêts. La semaine écoulée, le même couac a contraint Stéphanie Weydert (CSV) à se retirer.
Taina Bofferding évoque aussi des tentatives «de jouer la montre» : «Nous avons dès le départ demandé à obtenir les conventions que l’État a conclues avec HUT. La lettre n’a été expédiée que ce mercredi…»
Après les entrevues à venir fin février, une décision sera à prendre sur la suite des travaux. Il est envisagé d’inviter le Premier ministre, Luc Frieden, «pour clarifier les questions politiques qui restent en suspens» et la ministre de la Justice, Elisabeth Margue, «pour vérifier des explications qui nous ont été fournies sur le cadre légal des fondations et des ASBL». Le cas échéant, la commission pourrait décider de prolonger ses travaux, au-delà de la mi-avril.