Le porte-avions appareillera jeudi pour aller attaquer l’Etat islamique. Quelques heures avant les attentats parisiens, nous étions à bord, pour les derniers préparatifs.
«Vendredi 13, briefing Daech, 19 h 30. » L’inscription au feutre apparaît sur le tableau du centre météo du Charles-de-Gaulle.
En ce vendredi matin, le porte-avions croise à vingt-huit nautiques des côtes toulonnaises et Paris ignore encore tout du drame qui l’attend. Mais le fleuron de la Marine nationale et ses 1900 militaires sont déjà en configuration guerre. Sur le pont, dans un souffle brûlant à l’odeur âcre de kérosène et de pneumatiques brûlés, catapultages et appontages s’enchaînent en un temps record.
Depuis le poste de commandement du pont d’envol, le lieutenant de vaisseau* Bruno dirige le ballet : « En l’espace de sept à huit minutes, on est capables de projeter 14 avions. Pour le retour, c’est un par minute de jour et un toutes les deux minutes de nuit. »
Tout est millimétré
Dix-huit pilotes de chasse en terminent avec une dizaine de jours de qualifications. Le confinement des lieux ne laisse aucune place à l’approximation. Le capitaine de frégate* Youri, responsable de la formation, veille au grain : « Nous sommes dans un environnement où se concentre ce que notre société a de plus dangereux : deux centrales nucléaires, des soutes à munitions, une base aéronautique, une tour de contrôle. Tout ici est millimétré. C’est comme franchir à 250 km/h une barrière de péage. »
À plusieurs reprises, les Rafale ou Super Étendard se posent trop loin et ratent les brins d’acier censés les stopper. En une fraction de seconde, les gaz sont remis. C’est reparti pour un tour : « Il vaut mieux être trop long que trop court car il y a un risque de taper le bateau avant le pont. Quelqu’un qui nous fait peur, on lui dit stop aussitôt », confie l’officier supérieur, impitoyable. « Cette qualification permet de préparer la montée en puissance en vue du déploiement décidé par François Hollande », explique depuis la passerelle le capitaine de vaisseau* Eric Malbrunot, commandant du porte-avions.
Puissance de feu triplée
Jeudi, le Charles-de-Gaulle appareille de sa base navale de Toulon. À son bord 26 chasseurs (18 Rafale, 8 Super Étendard) 2 Hawkeye, avions bourrés de technologie et jouant les tours de contrôle aéroportées et 4 hélicoptères. Un renfort qui va plus que tripler la puissance de feu du dispositif français de l’opération Chammal en Irak et Syrie. Il s’ajoutera aux douze chasseurs basés en Jordanie et aux Émirats Arabes Unis depuis le 19 septembre 2014.
Ceux qui ont sévi la nuit dernière en bombardant Raqqa, fief de l’État islamique en Syrie. « En plus du surcroît de chasseurs que nous allons apporter, le porte-avions permet une souplesse dans le positionnement qui est toujours précieuse », confie le pacha (commandant). Le contre-amiral Bruno Thouvenin, commandant de la force aéronautique navale (Alavia) détaille la feuille de route : « Nous allons remplir le contrat demandé par la coalition. Cela passe par de la reconnaissance, du renseignement et des actions en fonction des objectifs au sol. Notre mission est de déstabiliser une menace terroriste. Il faut trouver ses centres de commandement, ses réserves de carburant et de munitions, afin de casser sa dynamique. Si des troupes au sol demandent de l’appui, le porte-avions sera aussi en mesure d’apporter sa réactivité. »