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[En coulisses] Ils œuvrent dans l’ombre ​​​​​​​du Palais grand-ducal


Le Palais a accueilli, mercredi 15 janvier, la traditionnelle réception des vœux du Nouvel An. (Photos : alain rischard)

Pour assurer le bon fonctionnement de la Cour, une centaine de personnes travaillent chaque jour en coulisses au service du chef de l’État luxembourgeois. Quatre d’entre elles nous ont partagé leur quotidien peu banal.

C’est ce que l’on pourrait dire une vraie passionnée. Voilà huit ans qu’Éléonore*, une Française de 43 ans, travaille à la Cour grand-ducale. Elle, qui a commencé en tant qu’assistante personnelle de la Grande-Duchesse Maria-Teresa, est aujourd’hui responsable des services protocole et courrier. Un rôle essentiel et exigeant qu’elle occupe depuis un an.

«La majeure partie de mon travail réside dans l’organisation et la coordination en amont d’évènements officiels auxquelles Leurs Altesses Royales vont participer, que ce soit au Luxembourg ou à l’étranger. Mes journées s’articulent autour de leur agenda», explique-t-elle.

Une mission très variée qui demande aussi beaucoup de rigueur. «C’est un rôle qui réclame une grande attention aux détails liés au protocole. J’encadre au quotidien plusieurs équipes qui ont des responsabilités multiples. Cela va de l’accueil téléphonique, aux courriers officiels ou encore aux demandes pour devenir fournisseurs de la Cour.

Ce sont des rôles très larges et assez différents. Je n’ai pas vraiment de routine», sourit Éléonore. Une mission qui ne se limite pas aux frontières du Luxembourg. «J’accompagne Leurs Altesses Royales lors des déplacements à l’étranger», précise-t-elle.

Assistante de la Grande-Duchesse pendant six ans

Éléonore a commencé sa carrière à la Cour en tant qu’assistante de la Grande-Duchesse, Maria-Teresa. Une fonction qu’elle a occupée pendant six ans. «La Grande-Duchesse et moi-même, avons lié une relation empreinte de respect et de considération mutuelle», confie-t-elle.

En tant qu’assistante, son rôle avait pour objectif d’aider et de soutenir une altesse royale dans ses fonctions officielles. «Par exemple, cela peut être l’accompagnement dans le code vestimentaire. C’est très varié.»

Rigueur et adaptation

Information sur les us et coutumes des pays invités à la Cour, plan de table des dîners officiels, dress code particulier à respecter… Éléonore réalise des tâches protocolaires très diverses. Mais justement, comment se définit le protocole à la Cour? «C’est un outil diplomatique dont le but est d’aider à la promotion du pays sur la scène internationale.

Mais ces règles du jeu sont différentes s’il s’agit d’une monarchie ou d’une présidence», explique-t-elle avant de poursuivre : «On travaille beaucoup en relation avec les différents ministères, les ambassades, les institutions européennes ou internationales.»

Que ce soient pour les entrevues à la Cour ou les rendez-vous à l’étranger, le rôle d’Éléonore demande beaucoup de préparation en amont. Et cela, en particulier pour certains évènements, comme la visite du pape François qui s’est déroulée en septembre dernier. «On a beaucoup travaillé avec le Vatican pour tout planifier.

C’est une institution qui a son propre protocole», précise la quadragénaire. Des évènements millimétrés aux détails près où parfois des imprévus s’ajoutent à l’organisation. «J’ai quelques anecdotes à raconter à ce propos. À une heure de l’arrivée des invités pour une réception importante, on reçoit le coup fil d’une personnalité de premier plan qui ne devait pas venir.

Dans ce cas-là, il n’y a pas de refus possible. Il a fallu réagir très vite et réorganiser le plan de table avec l’aide des valets», se souvient Éléonore.

Une routine bien spécifique dont elle a appris les bases grâce à son ancienne profession dans l’hôtellerie de luxe. «Il y a beaucoup de similitudes entre ces deux milieux : le savoir-vivre, la politesse, la recherche de l’excellence.»

Des plans de table bien spécifiques

Lors des dîners officiels, des règles bien établies existent pour dresser les tables. «Par exemple, le chef d’État du pays invité est toujours placé en face du Grand-Duc. Pour la délégation luxembourgeoise, on met la personne la plus importante à droite du Grand-Duc, la suivante à sa gauche. Pour les repas plus conviviaux, ces règles peuvent changer», explique-t-elle.

«Un vrai attachement à Leurs Altesses Royales»

Outre le protocole, Éléonore est aussi responsable du service courrier et des appels téléphoniques du Palais. Là aussi, des règles bien spécifiques existent. «Nous comptons en moyenne 60 appels par jour et une cinquantaine de courriers journaliers. Quand il y a un évènement particulier, comme le mariage ou l’anniversaire d’un membre de la famille royale, les chiffres peuvent facilement doubler, voire parfois tripler.

Les gens sont vraiment très impliqués et on sent vraiment un attachement à Leurs Altesses Royales. Il y a beaucoup de sollicitations de la part des Luxembourgeois, mais pas que. Nous avons beaucoup de courriers d’Allemands, de Néerlandais, d’Espagnols, de Sud-Américains, d’Américains ou d’Asiatiques», détaille-t-elle.

Nous comptons en moyenne 60 appels par jour et une cinquantaine de courriers journaliers

Mais que contiennent ces courriers? «Cela peut être des vœux de mariage, d’anniversaire, des félicitations, des remerciements, des demandes d’audience, des photos dédicacées, des lettres de citoyens qui souhaitent partager leurs idées ou leurs préoccupations.»

Ces lettres, qui reçoivent toutes une réponse, sont triées en fonction de la catégorie des demandes, si elles sont publiques ou privées. «Nous enregistrons, classifions et mettons en ordre les courriers en amont des réunions décisionnelles», précise la responsable du service. Pour elle, ce métier qu’elle exerce depuis huit ans reste une véritable passion, voire un honneur. «On contribue à certains évènements historiques du pays, donc il y a quelque chose de l’ordre de l’extraordinaire.»

* Pour des raisons de discrétion, les noms de famille des employés de la Maison du Grand-Duc n’ont pas été dévoilés.

Éléonore est responsable des services protocole et courrier depuis un an.
«Nous travaillons selon les mêmes règles que toute autre administration publique»

Depuis plusieurs années, Charlotte et Julie* travaillent au bureau du conseiller du Grand-Duc. Une fonction essentielle dans la bonne organisation de la Maison du Grand-Duc, dont elles nous parlent plus en détail.

Les deux collègues accompagnent au quotidien le conseiller du Grand-Duc.

Pouvez-vous présenter votre parcours professionnel jusqu’à votre arrivée à la Cour?

Charlotte : Je travaille à la Maison du Grand-Duc depuis presque deux ans. Avant, après avoir obtenu mon master en relations internationales, j’ai travaillé à la représentation de la Commission européenne au Luxembourg dans le domaine de la communication politique pendant près de quatre ans.

Julie : Je suis à ce poste depuis six ans. Avant de travailler au Luxembourg, j’ai vécu pendant quelques années au Japon au cours de mes études de master en politique. Là-bas, j’ai eu l’opportunité de travailler pour l’ambassade du Luxembourg à Tokyo. C’est dans le cadre de la visite d’État en 2017 que j’ai rencontré les responsables de la Cour grand-ducale.

Quelle est votre profession au Palais?

J. : Nous aidons le conseiller du Grand-Duc à préparer les dossiers pour le chef d’État. Cela comprend la rédaction de notes et de recherches ainsi que le suivi des actualités politiques, économiques, sociales et culturelles. Nous préparons des notes de fond en amont des visites et audiences officielles du souverain, des visites d’État au Luxembourg ou à l’étranger, ainsi que les dossiers pour les accréditations des nouveaux ambassadeurs au Luxembourg. En étroite collaboration avec nos collègues du ministère d’État, nous préparons les arrêtés grand-ducaux pour signature du Grand-Duc, ou actuellement du lieutenant-représentant.

C. : Nous assurons aussi un suivi des actualités nationales et internationales en préparant des briefings politiques, ainsi que des dossiers de recherche ponctuels en lien avec des développements politiques.

Vous vous occupez également de la communication officielle entre le Grand-Duc et les autres chefs d’État.

J. : Le Grand-Duc est en correspondance régulière avec les autres chefs d’État autour du monde entier : des présidents, des rois et reines, des empereurs. Il envoie des félicitations pour les fêtes nationales, les anniversaires, les vœux de Nouvel An, ainsi que des lettres pour des occasions spéciales comme la nomination d’un nouveau chef d’État, ou encore des condoléances pour un évènement tragique tel qu’une catastrophe naturelle.

C. : Même si nous travaillons dans un contexte très particulier et que nous devons rester flexibles en fonction de l’agenda du chef de l’État, la Maison du Grand-Duc travaille selon les mêmes règles que toute autre administration publique. Lorsque l’agenda est plus calme durant la période estivale, nous en profitons pour nous occuper des dossiers et courriers qui n’ont pas pu être traités dans l’immédiat.

Quel est le rôle du conseiller du Grand-Duc?

J. : Il a plusieurs rôles. Il s’occupe notamment de la rédaction des discours que le Grand-Duc prononce aux occasions de la fête nationale ou à Noël.

C. : Oui, et nous contribuons aussi à d’autres discours lors des visites d’État ou d’évènements ponctuels. Nous nous répartissons aussi les traductions de textes en français, allemand, anglais et luxembourgeois. Le conseiller accompagne souvent le Grand-Duc dans ses déplacements officiels, tandis que nous restons la plupart du temps dans les coulisses.

Préparez-vous déjà le changement de trône?

J. : Nous travaillons déjà en collaboration avec le conseiller du Grand-Duc héritier. Depuis qu’il est lieutenant-représentant, le Grand-Duc héritier est notamment en charge de la signature des arrêtés grand-ducaux et des séances d’accréditation des ambassadeurs.

C. : Tout se met en place naturellement. On connaît déjà l’équipe du Grand-Duc héritier, ce qui facilite les choses pour les préparations du changement de trône.

«Au fil des années, nous sommes devenus de plus en plus proches»

Marc est l’officiant officiel du Grand-Duc Henri depuis quatre ans.

Rencontre avec Marc, officiant du Grand-Duc Henri.

Au Palais grand-ducal, en ce jour de réception des vœux du Nouvel An, c’est l’effervescence. À l’entrée de l’édifice, les voitures défilent, tandis qu’à l’intérieur, tout le monde s’active pour préparer cette cérémonie annuelle. Dans la salle de réception, on a déjà dressé les verres et les fleurs majestueuses. Marc*, l’officiant du Grand-Duc Henri s’est rendu, ce jour-là, au Palais pour accompagner le souverain. Car, habituellement, il occupe sa fonction au château de Berg.

Marc a déjà tout préparé pour organiser au mieux l’une des premières réceptions de l’année. «Je me suis occupé de la tenue de gala du Grand-Duc qui s’appelle la tenue de Nassau. J’étais en charge de l’entretien, d’accrocher les médailles et de cirer les chaussures», détaille-t-il. En tant qu’officiant, le rôle de Marc, 34 ans, est d’accompagner le Grand-Duc Henri dans ses fonctions de chef d’État. «Ma journée est rythmée en fonction de l’agenda du souverain. Il n’y a pas une journée qui ressemble à une autre (…). Je l’accompagne aussi pendant les visites d’État», confie-t-il.

«C’est un privilège»

Avant de devenir l’officiant du Grand-Duc Henri, il y a quatre ans, Marc a été valet pendant une dizaine d’années à la Cour. Un rôle central, mais quelque peu différent de celui qu’il mène actuellement. «Le valet s’occupe de l’accueil, par exemple des personnes qui se rendent en audience avec le Grand-Duc. Certains préparent les déjeuners, le service, les réunions. L’officiant, lui, s’occupe uniquement du souverain», explique-t-il. Une mission essentielle dans la vie d’une Cour royale qui requiert également certains critères. «Un bon officiant est quelqu’un de discret, flexible et rigoureux», précise-t-il.

En quatre ans, Marc a pu nouer une relation de confiance avec le Grand-Duc Henri. «Au fil des années, nous sommes devenus de plus en plus proches. On se connaît assez bien. C’est toujours une fierté en tant que Luxembourgeois de pouvoir occuper ce rôle (…). C’est parfois assez impressionnant de côtoyer certains personnages que beaucoup de personnes ne pourront pas croiser dans leur vie. On peut dire que c’est un privilège.» Et cette année s’annonce particulière. «L’annonce de l’abdication m’a touchée. Je suis partagé par un sentiment de joie et de tristesse, mais très content que le Prince Guillaume reprenne la suite, après 25 ans de règne du Grand-Duc Henri», confie-t-il.

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