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12 000 véhicules par jour : la stratégie perdante du contournement d’Audun-le-Tiche


Il y a dix ans, les embouteillages avaient surtout lieu aux heures de pointe. Désormais, le centre-ville est congestionné durant une grande partie de la journée. (Photo Philippe Neu)

Huit ans après sa mise en service, le contournement d’Audun-le-Tiche suscite toujours de vives réprobations parmi la population. L’objectif de désengorger le centre-ville n’est pas atteint, avec 12 000 véhicules par jour en 2023, après un pic à 16 000 en 2021. La stratégie du tout routier montre ses limites. 56 millions d’euros pour ça ?

Les invités s’en souviennent encore. Dans le froid humide de ce début d’hiver 2016, le président du Département, Patrick Weiten, inaugurait ce projet déjà contesté par une partie de la population. Repris par Le Républicain Lorrainqui ne manquait pas de souligner « les incohérences » d’un projet à 56 millions d’euros (dont 12,5 M€ cofinancés par le Luxembourg), leurs arguments laissaient poindre la désillusion à venir.

N’en déplaisaient aux défenseurs d’une route censée désengorger le centre-ville, le peu de crédit accordé à celle qui se faisait appeler « la liaison de Micheville », n’était pas totalement injustifié. Huit ans plus tard, les données chiffrées fournies par le Département le prouvent : les objectifs du contournement ne sont pas atteints.

Un centre-ville toujours encombré

En moyenne, plus de 12 500 véhicules par jour traversent la frontière à Terres Rouges. C’est certes 12 % de moins qu’en 2018 (14 206), mais un constat s’impose : la rue Foch et la rue Napoléon sont toujours saturées. En 2021, un pic a été atteint avec 16 533 véhicules/jour. La baisse, observée depuis, peut en partie être attribuable à l’essor du télétravail mais pas au contournement, qui ne dévie pas le flux. En témoigne le trafic sur la D16… lui aussi en hausse.

Un trafic qui stagne sur la D16

Le président Weiten le martelait en 2016 : l’objectif du contournement n’était pas de supprimer les dessertes locales, mais de dévier les flux régionaux. Là encore, l’objectif n’est pas atteint. La D16 absorbe toujours les grands flux sud-nord. Certes, le nombre de poids lourds a diminué de 5,5 % entre 2018 et 2023 (489), mais c’est d’abord parce que la Ville d’Audun-le-Tiche en a interdit la traversée, en 2019. Quant au trafic, il a augmenté de 0,1 % en cinq ans, avec plus de 18 500 véhicules/jour comptabilisés au niveau de la ferme de Hirps.

Les axes secondaires saturés

Non seulement le contournement n’a pas eu l’effet escompté, mais il a en plus un effet délétère sur les axes secondaires. Sans nier la hausse du nombre de travailleurs frontaliers, qui augmente mécaniquement le trafic, un constat s’impose : le contournement agit comme un aimant pour les automobilistes provenant de Meurthe-et-Moselle. Ils sont 12 902 (+9,2 %) à emprunter le giratoire de la salle Jean-Moulin, à Villerupt. 9 773 (+11,8 %) à prendre la D616 en direction du giratoire du Moulin. 9 515 (+61,8 %) à traverser Tiercelet (600 habitants) !

À Audun-le-Tiche, le nombre de véhicules qui empruntent la rue Clemenceau est également en hausse : 11 300/jour (+8 % en cinq ans). Seule la rue Salvador-Allende tire son épingle du jeu, grâce à un déport du flux vers la D616.

L’axe Tiercelet-Micheville boudé

Du projet initial A30/Belval, il ne manque qu’un tronçon et ce tronçon manque fatalement aux automobilistes pour que le contournement soit véritablement efficient. Celui qui doit relier l’A30 à Tiercelet n’a jamais été réalisé. Résultat : seuls 4 780 véhicules empruntent quotidiennement la longue route sinueuse entre Tiercelet et Micheville (+21,5 %). Peu, trop peu pour délester Villerupt.

+8 % sur le contournement

En deux ans, entre 2021 et 2023, le trafic a augmenté de 7,9 % sur le contournement. Plus de 10 000 véhicules l’empruntent chaque jour. Autant de voitures en moins dans Audun-le-Tiche ? La conclusion est hâtive : pour de nombreux usagers, la RD616 profite principalement aux voitures provenant de Meurthe-et-Moselle… Une impression corroborée par les chiffres du trafic.

Stratégie perdante

C’est un exemple dont devront se servir les décideurs à l’avenir : créer une nouvelle route ne permet pas de dévier les flux. Cela revient simplement à attirer davantage de voitures. Plus que jamais, les voix s’élèvent pour accélérer le développement du ferroviaire entre Fontoy et Esch-sur-Alzette, pour celui des mobilités douces et des transports collectifs (BHNS). Pour certains, leur coût est dissuasif. Pour rappel, le contournement a coûté 30 millions d’euros aux collectivités françaises.

Le Département fait ses calculs

Contacté, le conseil départemental de la Moselle n’a pas pu donner suite à nos sollicitations dans les délais impartis. Nous aurions souhaité laisser la collectivité s’exprimer au sujet des chiffres du trafic, de l’utilité de la RD616, de son coût, de son tracé, des solutions alternatives pour une mobilité efficiente.

À l’heure de mettre sous presse, le Département indiquait que ses services se donnaient le temps de la réflexion pour analyser l’évolution du trafic sur cette route et les routes annexes. Nous n’avons pas souhaité attendre leur retour (estimé à plusieurs jours, voire plusieurs semaines) pour publier ce dossier.