Opposants et supporters du projet loi d’extension des horaires d’ouverture des magasins se livrent une guerre d’arguments et de points de vue révélant les avantage et les inconvénients.
Après l’extension prévue du travail du dimanche, c’est au tour de l’extension des heures d’ouverture des magasins de faire débat. Chacun y va de sa rengaine pour appâter le chaland, prêcher pour sa paroisse et faire pencher la balance en sa faveur. Ou plutôt en la faveur des intérêts qu’il défend.
Jeudi dernier, lors de la réunion de la commission parlementaire de l’Économie, le ministre Delles a apporté de l’eau au moulin du gouvernement. Selon lui, 80 % des magasins de détail dans le secteur du commerce fonctionnent actuellement déjà avec des dérogations aux heures de fermeture et d’ouverture, prévues par la législation. Ainsi, la loi ne devrait pas mener à de grands changements. Elle sera juste une adaptation aux pratiques du terrain.
Pour le gouvernement, le projet de loi «reflète les évolutions actuelles d’une société et d’un monde du travail en mutation, en offrant aux salariés l’opportunité d’une meilleure conciliation entre vie privée et vie professionnelle». Il tient en effet compte des nouvelles habitudes d’achat des consommateurs et «du nombre élevé de dérogations aux horaires d’ouverture sollicitées».
Le projet de loi prévoit que les commerces pourront ouvrir entre 5 h et 22 h en semaine, 5 h et 19 h les samedis, dimanches, jours fériés et veilles de jours fériés, à l’exception des 22 juin, 24 et 31 décembre où les rideaux de fer tomberont à 18 h. Seules les activités suivantes ne sont pas concernées par cette exception : boucheries, boulangeries, pâtisseries, traiteurs et salons de consommation.
Si une dérogation s’avérait nécessaire, elle devra être réglée par le biais d’une convention collective et ne serait plus accordée par le ministre.
Un texte pénalisant
De quoi faire bondir les opposants à cette loi qui, dans les grandes lignes, partagent des arguments communs. Les députés de l’opposition ont notamment profité de la commission parlementaire pour souligner que les petits commerces et les petits artisans risquent d’être pénalisés ou mis en danger «puisqu’ils ne pourront très probablement pas rivaliser avec la flexibilité des grands commerces».
L’OGBL et le LCGB, main dans la main, dénoncent «une libéralisation quasi complète» et «une régression sociale d’envergure» qui «détruira toute vie familiale ou privée pour les 50 000 salariés concernés». Les syndicats pointent les risques pour leur santé et leur bien-être. Plus particulièrement ceux des femmes et des frontaliers. «Cette ultralibéralisation des heures de travail aggravera les phénomènes déjà existants de pénurie de personnel et ne va certainement pas augmenter l’attractivité de ces métiers».
La question des jours fériés inquiète également particulièrement les syndicats, car cette réforme «pourrait constituer un premier pas en direction d’une augmentation généralisée du temps de travail de tous les salariés dans l’ensemble des secteurs d’activité».
En outre, les représentants des salariés regrettent que le gouvernement applique «une tactique de saucissonnage» pour faire passer sa réforme. «Au lieu de négocier ces questions en bloc au sein du Comité permanent du travail et de l’emploi (CPTE), le gouvernement contourne activement cette institution tripartite et les usages du dialogue social au Luxembourg et met les partenaires sociaux devant des faits accomplis, tout en adoptant une position purement patronale», indiquent-ils.
Encore trop frileux
L’Union commerciale de la Ville de Luxembourg (UCVL) estime quant à elle que la loi apporterait plus de clarté pour le secteur et donnerait les mêmes droits à toutes les activités commerciales, permettant ainsi d’éviter une forme de concurrence déloyale.
En outre, l’extension des horaires d’ouverture des magasins leur permettrait d’attirer une nouvelle clientèle, de lutter contre les achats en Ville et d’augmenter le sentiment de sécurité dans les rues en soirée. Pourtant, les salariés ne sont pas tous enchantés. Particulièrement ceux dont les commerces se situent dans des quartiers où l’insécurité fait rage.
La Luxembourg Confederation, ex-Confédération luxembourgeoise du commerce, se félicite de la réforme, mais regrette qu’elle n’aille pas encore assez loin à son goût. Soit jusqu’à la flexibilité totale sans besoin de dérogation pour ne pas porter atteinte à la compétitivité. Chaque commerçant devrait pouvoir choisir ses heures d’ouverture et de fermeture.
On le voit, les avis sont mitigés. Une réunion jointe des commissions de l’Économie et du Travail sera organisée ces prochaines semaines à l’occasion de laquelle les députés échangeront tant sur ce projet de loi que sur celui concernant le travail dominical.