Les services d’urgences craquent. Débordés, saturés, épuisés. En manque de tout, et face aux pathologies hivernales, les urgentistes ne peuvent plus faire face à l’afflux de patients, en Moselle-Nord et Meurthe-et-Moselle. Ces derniers livrent leurs témoignages, comme à l’hôpital Bel-Air de Thionville.
Les services d’urgences des Vosges qui arrivent à saturation, obligés d’activer le plan blanc pour adapter leurs activités. Ceux de l’hôpital Maillot, à Val de Briey, qui ferment durant les vacances de Noël, faute de personnel, et qui renvoient les malades vers Metz ou Thionville, plan blanc au CHR Metz – Thionville… Partout ça craque.
Avec toujours le même constat : pas assez de moyens, pas assez de soignants, pas assez de lits en aval, pas assez de médecins de ville. Les équipes médicales hospitalières sont à bout de souffle, épuisées et incapables de faire correctement face à l’afflux de malades venus consulter en première urgence. Leur prise en charge est devenue un véritable défi, avec parfois de dramatiques conséquences.
Comme partout ailleurs, les urgences de l’hôpital Bel-Air de Thionville font au mieux pour soigner, mais elles sont dépassées. Et le mécontentement des patients et de leurs familles gronde. C’est le cas de Jacques, dont un membre de la famille a été admis dans le service en début de semaine.
Orientée par la régulation du 15, sa belle-fille s’est présentée à 14 h à Bel-Air : «Elle a patienté jusqu’à minuit dans une salle d’attente bondée. À ses côtés, une jeune maman en sanglots qui tient son bébé dans ses bras est allongée sur deux sièges, une autre patiente sur un brancard depuis la veille, une dizaine d’ambulances en file indienne devant l’entrée des urgences, un père de famille qui hurle pour qu’on s’occupe de son proche… Un vrai cauchemar! Et tout le monde court. On ne sait plus qui est malade, le personnel ou le patient!»
Infirmière au centre hospitalier thionvillois, la fille de Jacques confie : «Récemment, à 22 h, on comptait soixante-dix-sept personnes dans la salle d’attente des urgences.»
La file d’attente des ambulances
Tout comme Jacques, Émilie s’interroge : comment le système de santé français a-t-il pu se dégrader à ce point en quelques années? La Rombasienne ne décolère pas. Elle raconte «l’enfer» vécu par sa maman, une Thionvilloise de 65 ans vivant seule : «Le 30 décembre, se sentant mal, elle fait un malaise dans sa salle de bains, chute sur le carrelage et hurle de douleur. Elle ne peut plus bouger. L’appel au centre 15 est enregistré à 13 h 28. L’opérateur explique envoyer une ambulance qui arrive à… 17 h 30!»
Pourquoi un tel délai? Parce que les ambulanciers sont coincés au Sas des urgences de l’hôpital. À la file indienne. La sexagénaire demeure dans le véhicule de secours jusqu’à 19 h 55, sans aucun remède pour calmer sa douleur. À 21 h 15, des soignants s’occupent d’elle : prise de sang, perfusion, test Covid…
Émilie poursuit : «À 7 h, le lendemain, maman m’envoie un message, elle attend de passer une radio depuis quatre heures. Ce qu’elle fera à 13 h 30, en même temps qu’un scanner. Elle est toujours au service des urgences. Son dossier est alors envoyé en neurochirurgie du CHRU de Nancy qui demande une IRM pour une confirmation de diagnostic. Les résultats tombent à 19 h : elle a deux vertèbres cassées.» La Thionvilloise est alors transférée à l’hôpital central de Nancy et elle sera opérée le 4 janvier. Et invitée à quitter l’établissement le 6 janvier, faute de lits disponibles…
Ludovic Behrlé
(Le Républicain lorrain)