Ce mardi 14 janvier, l’université du Luxembourg lance son premier satellite. Celui-ci surprend par ses dimensions et ses capacités.
Mardi, le cœur des chercheurs de l’Interdisciplinary Centre for Security, Reliability and Trust (SnT) battra un peu plus fort entre 19 h 49 et 20 h 46. Durant cette tranche horaire, de l’autre côté du globe, sur la base de Vandenberg en Californie, le premier satellite luxembourgeois conçu par l’université du Luxembourg décollera à bord d’une fusée Falcon 9 fabriquée par SpaceX.
À quelques jours de cet événement majeur pour la recherche spatiale au Grand-Duché, Andreas Hein, l’homme à la tête de l’équipe spécialisée en ingénierie des systèmes spatiaux au sein de l’université du Luxembourg raconte point par point ce projet hors norme nommé Poquito.
La conception de Poquito
«Développer des satellites est la raison d’être de notre groupe de recherche. C’est naturel pour nous. Pour ce projet, nous sommes sortis de nos procédés traditionnels. D’habitude, nous avons un processus prédéterminé avec beaucoup d’étapes définies à l’avance. Cela prend beaucoup de temps, généralement entre trois et huit ans.
Pour Poquito, nous avons mis en place un processus plus agile. Celui-ci impliquait le développement de beaucoup de prototypes pour tester très rapidement les différentes technologies, ou le satellite lui-même. Avec l’équipe, cela nous permettait de nous adapter sans cesse à de nouvelles situations, à des défis à résoudre.
C’est à peu près la même approche qui est utilisée par SpaceX pour les fusées. En procédant ainsi, nous sommes arrivés à un développement dans un temps record. Celui-ci a débuté en mai 2023 avec la naissance du projet, pour s’achever en juillet 2024 avec la livraison du satellite à Alba Orbital, la société qui va lancer l’appareil.»
Des milliers de problèmes
«Comme toujours lorsque l’on fait quelque chose pour la première fois, nous avons rencontré beaucoup de difficultés. Parmi celles-ci, l’un des grands défis était d’obtenir l’autorisation de lancer ce satellite. Pour chaque lancement de satellite, il est nécessaire d’avoir une autorisation délivrée par le gouvernement.
Il faut préparer beaucoup de documents, vérifier que toutes les exigences sont satisfaites, etc. À cela s’ajoute tout le stress dû à la date limite fixée pour la fin du projet. Avec la livraison des composants, les vérifications, les tests qui échouent, les problèmes techniques… Nous avons fait face à un millier d’obstacles.»
Ce sont des composants que tout le monde peut acheter
Comment résister dans l’espace ?
«Dans la fusée, Poquito va être confronté à des vibrations vraiment extrêmes. Il faut donc s’assurer que le satellite ne se dévisse pas. Tous les composants que nous avons utilisés sont des composants commerciaux, des composants qu’on trouve dans un portable, que tout le monde peut acheter.
Même s’ils sont bon marché, tous ces composants sont robustes, fixés d’une manière très rigide et solide, et fonctionneront dans l’espace pendant trois ans. Avant le déploiement de Poquito, l’appareil a subi de nombreux tests. Par exemple, nous l’avons confronté à des températures extrêmes dans une chambre à vide.»
Grand comme un rubik’s cube
Poquito est un satellite miniature de cinq centimètres de côté et d’un poids de 185 grammes. Il embarque un second satellite miniature appelé Chipsat. L’objectif de la mission est de réussir à faire communiquer les deux satellites. La miniaturisation des composants électroniques a rendu possible la création d’un si petit engin. Je peux faire une analogie avec les ordinateurs.
Quand on pense aux ordinateurs des années 50, ils faisaient la taille de la pièce. Avec l’évolution de la microélectronique, on a une puissance de calcul plus élevée dans un smartphone. Cette miniaturisation nous permet également de travailler plus vite et de baisser les coûts.
Un satellite comme Poquito, grand comme un rubik’s cube, coûte le prix d’une belle berline. Sur un modèle plus grand, des dimensions d’une boîte à chaussures, les coûts vont jusqu’à plusieurs millions d’euros.»
Les objectifs de cette mission
«L’objectif de cette mission, c’est de tester une nouvelle technologie. Cette nouvelle technologie permettra de transmettre des données en utilisant la lumière. Pour schématiser, c’est un peu comme une lampe de poche qui transmet un code morse.
On allume et on éteint cette lumière pour faire passer un message. Ici, on va utiliser de petites diodes pour transmettre des données entre les deux satellites que sont Chipsat et PocketQube.»
Il va devenir sable et poussière
Un aller sans retour
«Poquito va être lancé dans l’espace à bord d’une fusée Falcon 9 fabriquée par SpaceX, ce 14 janvier. Une fois dans l’espace, la fusée va transporter le satellite sur son orbite cible avant de s’en séparer progressivement, un peu à la manière de poupées russes. Une fois qu’il sera en orbite, nous pourrons commencer à communiquer avec lui.
Nous allons commencer les expérimentations et communiquer avec lui. Aussi, nous pourrons le manipuler grâce aux champs magnétiques de la terre. Puis pendant trois ans, le satellite va descendre petit à petit de son orbite. Il va descendre jusqu’à entrer dans l’atmosphère de la Terre. Là, à une vitesse de plusieurs dizaines de milliers de kilomètres par heure, le satellite va brûler, se désagréger et devenir sable et poussière.»
De nouveaux projets à venir
«Les futurs projets sont encore en discussion et visent aussi à tester de nouvelles technologies dans l’espace. Comme l’espace est un environnement très hostile, il s’agit de projets de courte durée.
Cela permet de vérifier si ces technologies fonctionnent bien, pour ensuite les utiliser pour des applications commerciales, etc. Pour les très petits composants comme ceux que nous testons, cela ne vaut pas le coup de développer un grand satellite.»
Le projet Poquito en chiffres
Taille du satellite : 5x5X5 cm
Poids du satellite : 185 grammes
Orbite : 525 km d’altitude
Durée de la mission : trois ans
Durée de la conception : neuf mois
Composition de l’équipe : huit chercheurs et étudiants