La figure historique de l’extrême droite française, Jean-Marie Le Pen, continue de diviser le pays après sa mort, qui a provoqué des célébrations dans plusieurs villes de France, condamnées par son parti et le gouvernement.
Le co-fondateur du parti Front national (FN) est mort mardi à l’âge de 96 ans en région parisienne, dans un établissement où il avait été admis il y a plusieurs semaines.
Tribun provocateur et sulfureux obsédé par l’immigration et les juifs, M. Le Pen, qui aimait à être surnommé « le Menhir », a sorti l’extrême droite française de sa marginalité.
Des centaines d’opposants se sont rassemblés mardi soir dans plusieurs villes de France pour célébrer son décès, avec chants, fumigènes et feux d’artifice.
« Ce sale raciste est mort », disait une pancarte brandie dans la foule de quelques centaines de personnes réunies place de la République à Paris, où flottaient quelques drapeaux du Nouveau parti anticapitaliste (NPA).
« La jeunesse emmerde le Front national », scandaient des participants. Ce slogan, né dans les années 1980, avait été largement repris au printemps 2002 quand des manifestations monstres avaient eu lieu en France après la qualification de Jean-Marie Le Pen au second tour de l’élection présidentielle, à 73 ans et pour sa quatrième candidature. Grâce à un « front républicain », le président de droite Jacques Chirac avait été réélu avec 82,21% des voix.
A Lyon, dans le centre-est du pays, 650 personnes se sont rassemblées mardi soir, selon la préfecture. Plusieurs tags injurieux ont été laissés sur les murs, notamment « Mort au con » et « Le Pen, tu dois cramer pour rentrer dans l’urne ».
Sept personnes ont été interpellées à Lyon et trois à Paris en marge de rassemblements, a-t-on appris auprès des autorités.
« Enfin »
À Marseille (sud-est), où entre 200 à 300 personnes se sont retrouvées sur le Vieux Port selon des journalistes de l’AFP, l’ambiance était festive, entre bouteilles de champagne, petits chapeaux de fête et cette pancarte: « Enfin ».
« C’est la mort d’un personnage qu’on déteste, parce qu’il était misogyne, raciste, négationniste, antisémite. Il faut célébrer quand les personnages aussi haineux meurent », a expliqué Louise Delporte, une étudiante en sciences politiques de 20 ans.
Ces manifestations ont été vivement condamnées par le parti Rassemblement national (RN), héritier du FN. Son vice-président, Louis Aliot, a vilipendé « la chienlit, toujours la même, dans la rue, la racaille gauchiste ».
« Rien, absolument rien ne justifie qu’on danse sur un cadavre (…) Ces scènes de liesse sont tout simplement honteuses », a également dénoncé le très conservateur ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau sur le réseau social X.
« Mort, même l’ennemi a droit au respect », a affirmé mercredi la porte-parole du gouvernement, Sophie Primas.
Mais la patronne des députés de la gauche radicale Mathilde Panot a défendu de son côté « l’esprit Charlie » (Hebdo), une référence au célèbre journal satirique dont on commémorait mardi les dix ans de l’attaque l’ayant visé, en soulignant que M. Le Pen était un « ennemi de la République ».
La présidence française avait jugé mardi que M. Le Pen était une « figure historique de l’extrême droite » dont le « rôle dans la vie publique de notre pays pendant près de soixante-dix ans » relevait « désormais du jugement de l’Histoire ».
« Bonne mer Papa !“
Les obsèques de M. Le Pen auront lieu samedi « dans l’intimité familiale » dans sa ville natale de La Trinité-sur-Mer, dans l’ouest de la France, a annoncé mercredi Louis Aliot, ancien compagnon de Marine Le Pen, une des filles de Jean-Marie.
Un cadre qui devrait rester propice au recueillement, a estimé M. Aliot, malgré les manifestations de mardi soir: « Ils ne vont pas venir manifester à un enterrement. Et s’ils le font, je suppose que l’Etat veillera à les maintenir loin ».
M. Aliot a confirmé que Marine Le Pen avait appris le décès de son père par la presse, lors d’une escale à Nairobi, en revenant d’un déplacement sur l’archipel français de Mayotte, dans l’océan Indien, dévasté le 14 décembre par le cyclone Chido.
Celle-ci a rendu hommage mercredi à son père sur X. « Un âge vénérable avait pris le guerrier mais nous avait rendu notre père », a-t-elle souligné. « Beaucoup de gens qu’il aime l’attendent là-haut. Beaucoup de gens qui l’aiment le pleurent ici-bas. Bon vent, bonne mer Papa ! »
Les relations entre Jean-Marie et Marine Le Pen s’étaient fortement dégradées au fil des ans après l’accession en 2011 de sa fille à la tête du FN. Les liens avaient toutefois été renoués en juin 2018 à l’occasion du 90e anniversaire du patriarche.