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Prise en charge des sans-abri : «Un statu quo insupportable»


Le Luxembourg compterait bien plus de personnes vivant dans la rue que les 500 recensées officiellement, avancent les signataires d’une lettre ouverte. (Photo : archives lq/fabrizio pizzolante)

Des travailleurs sociaux et des professionnels de santé montent de nouveau au créneau pour dénoncer des «dysfonctionnements du secteur social». La passivité des responsables politiques est fustigée.

À l’heure des fêtes de fin d’année, une réalité plus sombre persiste dans nos rues : celle de femmes et d’hommes qui luttent quotidiennement pour survivre sans la sécurité d’un toit et pour préserver leur dignité en tant qu’êtres humains.» Tels sont les mots choisis en introduction d’une lettre ouverte publiée vendredi, signée par des travailleurs sociaux et professionnels de santé intervenant dans le domaine de la grande précarité au Luxembourg. Ils requièrent l’anonymat, comme en juillet dernier, où ils étaient montés une première fois au créneau pour dénoncer le manque de places dans les centres d’hébergement d’urgence pour sans-abri.

La nouvelle missive – encore diffusée par l’intermédiaire de l’association Solidaritéit mat den Heescherten (Solidarité avec les mendiants) – pose le constat que peu de choses ont bougé depuis l’été. En premier lieu, les signataires constatent, «avec un profond regret, mais sans surprise», les tentatives de «décrédibiliser» leur prise de position. Il ne saurait être question de simples «frustrations». Et le choix de l’anonymat ne serait pas «lâche», au vu des «répercussions graves» que risquent ceux qui s’expriment ouvertement. Par contre, les réactions de certains responsables politiques «mépriseraient» le travail des professionnels engagés sur le terrain.

«Une politique fragmentaire et injuste»

Sur le fond, les travailleurs sociaux se posent la question de savoir combien de sans-abris «doivent encore rester invisibles avant qu’on ne prenne la pleine mesure de cette situation épouvantable?». Le Luxembourg compterait bien plus de personnes vivant dans la rue que les 500 recensées officiellement. Pourtant, les autorités se contenteraient de mettre en avant l’Action Hiver (WAK) comme solution satisfaisante.

Le choix de réserver l’accès à ceux qui peuvent prouver qu’ils sont présents depuis trois mois au Luxembourg est sévèrement blâmé par les signataires de la lettre. Il s’agirait du «parfait reflet d’une politique fragmentaire et injuste». Sachant que l’accès à la WAK n’est pas lié à cette condition préalable en cas de température négative, les travailleurs sociaux s’interrogent : «La rue serait-elle moins éprouvante aux alentours de 5 degrés?»

Ils rappellent aussi le tragique accident d’un sans-abri, mort après avoir été percuté par une voiture aux abords du bâtiment hébergeant l’Action Hiver. «Une vie perdue au moment où il était censé passer de la violence des rues à la sécurité des structures», déplore la lettre.

«Des vies se brisent, des corps s’exténuent»

Ces structures d’urgence, en dehors de la WAK, feraient d’ailleurs toujours défaut au Luxembourg. «Sur le terrain, les listes d’attente dans les foyers d’hébergement s’allongent et s’éternisent (…) Chaque jour, des personnes perdent un peu plus espoir face à un système qui maintient leur vie en suspens», rapportent les signataires. Les communes manqueraient à leur devoir de proposer des solutions «décentralisées et à taille humaine».

Une autre inquiétude majeure, la santé mentale des sans-abri, conduit les auteurs de la lettre à formuler cette revendication : «Les professionnels de la santé mentale doivent impérativement être valorisés et intégrés dans les équipes socio-éducatives de manière cohérente» afin de soutenir les concernés.

En attendant, les annonces d’augmentation budgétaire et la création de postes supplémentaires dans le domaine social seraient à «saluer». «Plus que des chiffres», les signataires de la lettre demandent «des actions concrètes, réfléchies et adaptées aux personnes qui vivent dans la rue». Car, au fil des mois, «des vies (…) se brisent, des corps s’exténuent, des esprits se perdent».

Face à ces «injustices», le collectif refuse «de rester silencieux». «Nous rejetons un système qui continue de perpétuer la souffrance d’êtres humains (…) Nous dénonçons ces institutions qui acceptent ce statu quo insupportable», conclut la lettre.