Début décembre, Vincent Thill a rejoué après dix mois à soigner sa blessure au genou. L’épreuve l’a fait beaucoup cogiter. Et donc revenir plus fort ?
Blessé le 11 février contre Qarabag, vous avez rejoué le 7 décembre contre le même club. Les sentiments ont dû se bousculer, il y a trois semaines, non ?
Vincent Thill : Cela fait du bien, il y avait de l’excitation mais aussi quand même de la peur. C’est justement contre eux que je m’étais blessé. Un peu avant le match, j’en ai discuté avec ma femme. Et je lui ai dit, parce que je suis assez transparent dans ma relation : «J’ai peur.» Alors elle fait bien le boulot, elle essaye de me rassurer. C’est une bonne psychologue. Elle a fait du golf à très haut niveau. Elle sait ce que je vis. On se comprend bien.
Dix mois d’absence, cela ne se digère pas juste avec la perspective de remonter sur un terrain, alors ?
Je me suis fait les croisés, le ménisque et presque le ligament interne. J’ai failli me faire trois blessures en une seule fois et le docteur qui m’a opéré m’a dit «2024, tu peux oublier, tu ne rejoueras plus.» Voilà, je suis un peu en avance sur les prévisions mais la vérité, c’est que j’ai tellement souffert que j’ai peur que ça m’arrive de nouveau. Pourtant j’ai fait des tests. Tout est nickel, équilibré, j’ai reçu le feu vert. Mais quand j’ai revu les images de la scène, j’ai bien vu que je m’étais fait ça tout seul en sautant par-dessus le défenseur. Au début, je croyais que c’était lui qui m’avait tapé le genou tellement c’était violent, mais non… Donc pourquoi ça ne pourrait pas encore arriver? C’est déjà ma deuxième grosse blessure et je ne veux surtout pas me précipiter.
En plus, j’ai dû rester six semaines allongé, seulement au lit. Je n’avais envie de voir personne. J’étais vraiment dans une petite dépression
Quels ont été les moments les plus durs, sur ces dix mois ?
Le tout début, après l’opération. Il y a énormément de douleurs. Je ne dormais pas la nuit, je n’y arrivais pas et je me rattrapais le jour. En plus, j’ai dû rester six semaines allongé, seulement au lit. Je n’avais envie de voir personne. J’étais vraiment dans une petite dépression.
Comment est-ce qu’on s’en sort ?
J’ai beaucoup eu recours au coach mental avec lequel je travaille depuis ma période avec l’AIK Solna (NDLR : 2022-2023) et qui bosse avec pas mal de sportifs différents, dont des tennismen. Je l’ai vraiment beaucoup sollicité avant de reprendre. Il fonctionne beaucoup sur la sophrologie et la visualisation de pensées positives. L’idée, c’est de croire en soi. Des trucs basiques, mais finalement pas tant que ça. Tes proches peuvent t’aider à faire ça, mais eux n’ont pas les bons mots.
Je suis quand même heureux : je parviens à faire vivre ma famille avec mon métier. Mais sincèrement, ce n’est pas le chemin que j’aurais aimé prendre
Presque au même moment de votre blessure, votre frère, Olivier, a décidé de retourner jouer en Ukraine, malgré la guerre. Cela vous a-t-il un peu affecté, vous qui aviez fui le pays avec lui au déclenchement des hostilités ?
Je ne sais pas quelles conditions il a là-bas, mais moi, j’ai bien aimé le Vorskla Poltava. Si moi on me l’avait proposé, j’y serais retourné aussi. J’ai aimé les gens là-bas, humbles, simples. Oui, j’aurais sûrement fait pareil. On est tous pareils : on s’accroche à notre rêve de rester pros.
Votre rêve en Azerbaïdjan prend pour l’instant fin au 30 juin 2025. La suite ?
On est bien ici. On aime la ville, le club est bien. Mais personne n’est encore venu aux nouvelles pour prolonger le contrat. On verra. Si ce n’est pas ici, ce sera ailleurs.
Justement, vous allez avoir 25 ans en février. Quel est le bilan, quand vous regardez dans le rétroviseur ?
Je suis quand même heureux : je parviens à faire vivre ma famille avec mon métier. Mais sincèrement, ce n’est pas le chemin que j’aurais aimé prendre. Après, les circonstances font que les gens autour de moi ne m’ont peut-être pas toujours bien conseillé. Bon, c’est moi qui ai choisi les gens avec qui je voulais travailler. Alors avec des «si»… Mais que je sois content ne veut pas dire que je m’en satisfais : l’objectif, sans dénigrer l’Azebaïdjan, c’est de revenir vers un championnat plus coté.