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Au Portugal, la morue «obligatoire» à Noël


Dans le restaurant de Lisbonne D’Bacalhau, l'on cuisine un minimum de huit tonnes de morue par mois. (photos AFP)

Rôtie, en beignet, en salade ou à la crème… Selon l’adage populaire portugais, il existe autant de recettes de morue séchée que de jours dans l’année et le pays ibérique, premier consommateur mondial de « bacalhau », en a fait son plat traditionnel de Noël.

«Quand on me demande de réfléchir à un menu pour Noël, c’est obligatoire de proposer une recette de morue !», assure le chef Ricardo Simoes, du restaurant Federico situé dans un hôtel de luxe du centre de Lisbonne.

«Nous avons une culture incroyable» autour de ce poisson, ajoute ce chef de 42 ans au long tablier vert, qui «aime jouer» avec les recettes traditionnelles pour leur donner une touche de sophistication.

Pour cette année, il a conçu un filet de morue confit, accompagné d’une traditionnelle purée à base de pain accommodée aux crevettes, et arrosé par un jus de coriandre.

Avec des variations de recette selon les régions et les familles, ce plat figure invariablement à la table des foyers portugais, où l’on répète à l’envie qu’il n’y a «pas de Noël sans morue».

Introduite dans la gastronomie portugaise à l’époque des grandes découvertes du XVIe siècle, la morue salée présentait l’avantage d’être un aliment non périssable qui alimentait les marins portugais dans leurs longs périples à travers le monde.

«La viande du pauvre»

L’histoire de la morue et du cabillaud, nom du poisson frais pêché surtout dans l’Atlantique nord, est donc étroitement liée à celle du pays, où elle est même surnommée «l’amie fidèle».

D’abord dégustée surtout chez les élites, sa consommation a connu un grand essor au XXe siècle, sous l’impulsion du dictateur Antonio Salazar.

Le régime fasciste renversé il y a 50 ans avait soutenu «les grandes campagnes de pêche à la morue», en Terre Neuve et au Groenland, afin de promouvoir l’autonomie alimentaire du pays, explique Claudia Gomes, directrice d’un musée consacré à l’histoire de la morue à Lisbonne.

Le «bacalhau» s’est ainsi popularisé au point de devenir «la viande du pauvre» et a fini par s’imposer dans la gastronomie portugaise.

«Venir au Portugal et ne pas goûter la morue, c’est comme aller au Brésil sans visiter Rio de Janeiro», lance Jessica Baptista, une touriste brésilienne de 33 ans, en quittant le restaurant D’Bacalhau à Lisbonne.

Spécialisé dans les recettes traditionnelles à base de morue, cet établissement en cuisine «un minimum de huit tonnes tous les mois», se vante son patron Julio Fernandes, 68 ans, connu comme «chef Julio».

«Toucher les jeunes»

L’année dernière, le pays en a consommé près de 55 000 tonnes, soit une moyenne d’environ 6 kilos par habitant par an, selon l’Association des industriels de la morue (AIB).

Le Portugal représente près de 20 % de la consommation mondiale de ce poisson, pêché principalement en Islande et en Norvège. Et, 32 ans après son interdiction, la pêche à la morue pourra reprendre au large du Canada en 2025, a récemment annoncé le gouvernement portugais.

Le secteur emploie plus de 2 500 personnes, affichant un chiffre d’affaires de quelque 500 millions d’euros en 2023, dont un tiers est réalisé autour de Noël, toujours d’après des données de l’AIB.

Mais la filière est actuellement confrontée à une baisse de la consommation provoquée par une hausse des prix, qui ont augmenté de près de 15 % sur un an, à près de 14 euros par kilo en 2024.

Les producteurs constatent aussi une désaffection des jeunes générations, découragées par le temps qu’il faut pour dessaler la morue avant de la préparer.

«Toucher les jeunes, c’est notre grand défi», relève Vera Xavier, responsable de la production de l’usine Riberalves, spécialiste de la transformation de la morue qui en produit près de 30 000 tonnes par an, avec notamment des plats surgelés aux filets déjà prêts à cuisiner.