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À l’église de Bonnevoie, du pain et de la charité pour tous


(De g. à d.) Chaque mardi et jeudi, Théo Péporté, Jij Linster-Besch, ainsi que Luis Oliveira et les autres bénévoles de la «Sozialéquipe» de l’église de Bonnevoie organisent une distribution alimentaire. (Photo : editpress/hervé montaigu)

Quelles que soient leur situation et leur confession, plus de 150 personnes viennent chaque semaine à l’église de Bonnevoie afin de bénéficier de distributions alimentaires gratuites.

Ils sont des dizaines à constituer une longue queue devant l’église Marie-Reine-de-la-Paix de Bonnevoie qui, pourtant, ne s’apprête pas à organiser un quelconque office. Dans le froid et sous quelques gouttes, ceux qui attendent patiemment sur le parvis répondent à l’appel de la faim. Hier, comme chaque mardi matin, la «Sozialéquipe» de l’association des Amis de la communauté catholique de Bonnevoie (ACCB) dirigeait de 9 h 30 à 11 h 30 une distribution alimentaire. Et chaque semaine, ses fidèles sont au rendez-vous.

«Le mardi matin, nous recevons près de 150 personnes», fait savoir Jij Linster-Besch, coordonnatrice de l’équipe sociale de l’ACCB qui organise également des distributions, avec un créneau horaire plus réduit, les mardis et jeudis en soirée (lire ci-contre). Comme à l’accoutumée, le profil des bénéficiaires est hétéroclite : »«Ce sont des gens qui sont à la rue, des toxicomanes, des réfugiés ou des mamans seules.» «Il y a aussi des familles qui ont des logements, qui travaillent mais qui sont dans des situations précaires depuis la pandémie», complète Luis Oliveira, bénévole. Parmi les personnes présentes, les membres de l’ASBL estiment qu’une centaine d’entre elles sont des visages connus à force de venir régulièrement à l’église afin d’avoir gratuitement des pâtes, de l’huile, des conserves et autres denrées alimentaires de base.

Du sud à Troisvierges

Lorsqu’elle distribue, la «Sozialéquipe» n’accorde aucune importance à la situation de son prochain. «On ne lui demande pas sa carte d’identité, on ne le juge pas et peu importe s’il est ou non chrétien. Ce sont des gens dans le besoin qui nous sollicitent et nous les aidons», martèle Jij Linster-Besch. Parmi la soixantaine de bénévoles que compte l’ACCB, certains ne sont d’ailleurs pas membres de la paroisse. Sur place, force est de constater que derrière la main tendue ne se cache aucun prosélytisme.

Dans la salle à côté de la crypte de l’église où se déroulent les distributions, seule une croix accrochée au mur rappelle la dimension religieuse du lieu. Le reste de cette ancienne salle de réunion est composé d’un frigo imposant et de larges placards en inox. Munis de leur ticket et d’un petit panier, les bénéficiaires descendent au sous-sol afin de recevoir au maximum cinq produits disposés sur les tables, mais pas seulement.

Des bénévoles mobilisés toute la semaine

Le plus important des projets de la «Sozialéquipe» est la distribution alimentaire qui a lieu le mardi, en deux temps, de 9 h 30 à 11 h 30 et de 19 h 30 à 21 h ainsi que le jeudi soir, de 19 h à 20 h 15. Outre la distribution, des bénévoles sont aussi mobilisés chaque mardi afin de gérer le vestiaire et offrir des vêtements (de 9 h 30 à 11 h 30) et pour servir thé et café sur le parvis de l’église (de 10 h à 11 h  30). En accord avec l’Abrigado, des rencontres auprès des toxicomanes ont aussi lieu près de la salle de shoot le mardi et mercredi soir, de 19 h 30 à 21 h 30, afin de leur offrir une oreille bienveillante.

«Il y a des gens qui viennent de très loin pour cinq articles alimentaires» constate Luis Oliveira qui, lors des distributions de tickets, recense des venues de tout le pays, du sud jusqu’à Troisvierges. Le bénévole en déduit donc qu’«outre ces aliments que l’on reçoit, je crois que c’est aussi très important qu’il y ait quelqu’un qui les écoute».

Les membres de l’équipe sociale sont donc au diapason afin de faire régner la bonne humeur et la bienveillance. Outre les discussions, bien que parfois rapides, de petites attentions sont aussi réservées aux bénéficiaires. À l’approche de Noël, des décorations, des jouets et des Saint-Nicolas en chocolat sont distribués. «Le fond de notre action est d’accepter la dignité de chaque personne, donc on les accueille avec respect» témoigne Théo Péporté, membre fondateur et président du conseil d’administration de l’association.

«Elle nous dit toujours « Alléluia!“»

Dans ce contexte chaleureux, des liens se créent à l’image de cette embrassade entre Jij Linster-Besch et une bénéficiaire. Cette dernière est d’origine ukrainienne et «dès qu’elle arrive, elle nous dit toujours “Alléluia !“», en plus de distribuer parfois des gâteaux de son pays aux bénévoles. Des histoires similaires, le sous-sol de l’église en regorge, telle que «cette dame qui apportait toujours une pomme et qui l’a donnée au bénévole qui la servait».

Devant la porte menant au sous-sol de l’église, des bénéficiaires de tout âge et de toute origine font la queue chaque mardi matin. Photo: editpress/hervé montaigu

Dans la capitale, l’église Marie-Reine-de-la-Paix est la seule à proposer une telle initiative solidaire. «C’est sûrement parce qu’il y a pas mal d’institutions dans notre quartier», explique Théo Péporté. Ce dernier cite par exemple «la Stëmm vun der Strooss qui était ici, Médecins du Monde, le foyer Ulysse, le café Courage ou l’Abrigado» dont la présence confirme qu’«il y a toujours eu des personnes vulnérables dans nos rues».

La situation de cette population autour de la gare n’a pas laissé indifférent l’abbé Laurent Fackelstein lors de son arrivée en 2014 en qualité de curé de Bonnevoie. «C’est lui qui a ouvert les portes de l’église en demandant à un couple de commencer cette distribution les mardis, et au départ, il n’y avait que 25 personnes», raconte la coordonnatrice. Apprécié bien au-delà de sa paroisse, le curé «a un don pour parler à tout le monde et pour motiver les gens à devenir bénévoles», salue Théo Péporté. «Mais il n’aime pas être mis sur le devant de la scène.» Bien qu’accessible, l’intéressé refuse les photos et préfère laisser la parole aux autres. À l’image de la distribution, l’essentiel se trouve pour lui dans la charité.

Des dons mais pas de subventions

Afin d’assurer ses distributions, l’ACCB compte sur les dons. Parmi ses donateurs, se trouvent les particuliers qui font acte de générosité en espèces ou en nature, en donnant aussi bien des denrées alimentaires que de la vaisselle ou des objets de décoration. L’ASBL est également en contact avec la banque alimentaire et la Stëmm vun der Strooss, qui leur redistribuent les invendus de certains magasins. Pour compléter le tout, des entreprises privées adressent également des chèques.

Grâce à ces dons divers, l’association finance ses actions et peut se priver d’éventuelles subventions. «Nous n’avons pas de subvention et c’est une priorité que d’essayer de faire cela sans aide étatique, car la priorité est de dire aux gens : « C’est votre projet ». C’est une manière d’inclure les donateurs» déclare Théo Péporté. «Et cela fonctionne très bien.»