Francis Meyers est l’un des rares producteurs luxembourgeois de sapins de Noël. Dans sa ferme, à Bous, il nous a raconté l’art de faire pousser cet incontournable des fêtes. Reportage.
La route Heesberhaff à Bous mène tout droit au cœur de la ferme du même nom, tenue par Francis Meyers et sa famille. Nous y sommes accueillis par Ophelia, le labrador marron de la famille. Un grand sapin enguirlandé, plus haut que la maison attenante, semble veiller sur ses semblables plus petits, posés à son pied. Un feu brûle dans un brasero, parfumant les lieux d’une odeur de bois. Et des musiques de Noël s’échappent d’une enceinte, apportant un air festif au lieu. Pas de doute, c’est bien ici que nous pouvons nous fournir en sapins de Noël luxembourgeois.
L’histoire de ces sapins de Noël «made in Luxembourg» a commencé en 1991. «C’est un ami de mon père qui lui a dit d’en planter, comme nous avions des terrains avec des surfaces mouillées et de la pente, pas idéals pour l’agriculture. Nous nous disions que ce serait une façon de produire différemment», se remémore Francis Meyers. Après avoir planté les premiers sapins cette année-là, il a fallu attendre sept ans pour faire les premières ventes au détail. Aujourd’hui, la production s’étale sur cinq hectares et la vente s’opère à quatre emplacements différents, en plus de la vente directe à la ferme. Dans les champs, des sapins de toutes les tailles sont rangés les uns à côté des autres, avec des rubans de couleur accrochés à leur sommet.
Pour proposer aux clients des sapins à leur goût, cela demande des années de patience et de travail. Les nouveaux arbres sont plantés en septembre-octobre. «Les deux premières années, ils ne poussent pas du tout, ils font des racines», explique Francis. Une fois ce délai passé, les sapins se mettent enfin à pousser : «Ils prennent 40 à 70 cm par an et font des pointes assez longues, ce que nous n’aimons pas trop.» Entre mai et juin, lorsque de nouvelles pousses apparaissent, les sapins sont taillés pour leur donner la bonne forme. «Il faut compter six ans d’attente pour sortir les premiers sapins, et dix ans pour un sapin même pas très grand.» Lorsqu’ils sont à la bonne taille, ils sont récoltés durant les mois de novembre et de décembre, puis sont proposés à la vente.
Durant ces années d’attente et de nettoyage, les cultures sont exposées à beaucoup de problèmes : sécheresse ou temps trop humide, chevreuils, insectes… Les causes de dégâts sont nombreuses. «Ce n’est pas une culture morte, des oiseaux et des lapins y vivent et s’occupent des insectes, et une clôture la protège des chevreuils», explique Francis. Mais contre les aléas du temps, il n’y a malheureusement pas grand-chose à faire : «Il y a quatre ans, à cause de la sécheresse, nous avons replanté toute une surface…» Mais l’agriculteur rassure : les pénuries de sapins, ça n’existe pas. «Il faut aussi savoir qu’il y a toujours une perte assez importante. Tous les sapins plantés ne sont pas vendables. Si nous travaillons bien, nous pouvons avoir 80 % de réussite. Mais il y a aussi des moments où on est à 60 %, ça dépend du temps!»
Le sapin idéal pour chaque client
Ce qui est sûr, c’est que chaque sapin vendu chez les Meyers est un sapin luxembourgeois. Et ça, ça plaît aux clients. «Il n’y a pas vraiment de différence entre mes sapins et les sapins de supermarché… Mais les clients préfèrent quand même acheter local, c’est à la mode», analyse Francis. À l’instar de De Jong et de son mari, qui achètent leur sapin de Noël ici depuis vingt ans. «Nous venons ici parce que c’est régional. Les sapins poussent ici, ils sont locaux et de bonne qualité», explique-t-elle. Mais ce n’est pas la seule chose qui la fait venir : «L’atmosphère y est quand même différente par rapport à un supermarché.»
«Ici, on ne vend pas qu’un sapin, on vend un service», confirme Francis. Chaque mois de décembre, la ferme ouvre ses portes aux clients pour qu’ils choisissent leur sapin. Francis et sa famille se chargent de l’emballer et de le charger dans la voiture. Ils fournissent également un support spécial pour qu’il tienne correctement. La visite se termine autour d’un vin chaud, le meilleur selon De Jong, dans le petit chalet installé pour l’occasion. «Nous avons une clientèle fidèle qui revient, avec le temps. Avant, nous avions les parents, aujourd’hui nous avons leurs enfants», se réjouit l’agriculteur.
Les clients déambulent entre les arbres, tâtonnent les épines, analysent les moindres détails… Mais une fois au milieu de tous ces sapins, comment choisir le sien? «C’est le sapin qui nous parle», blague De Jong. «Non, c’est plutôt une question de dimension, de proportion, de densité et de régularité… C’est toute une liste de critères.» Alors que, pour d’autres, le choix devient un vrai débat… À l’image de ce couple qui n’est pas d’accord sur l’arbre à choisir et qui, pendant de longues minutes, argumente pour se convaincre l’un l’autre. «Je suis là pour les aider à trancher», sourit Jos Meyers, le père de Francis. Ils repartent finalement avec le sapin le plus touffu des deux.
«Nous essayons toujours de trouver le sapin qui correspond au client», dit Francis. Et quand on lui demande le sapin idéal pour lui : «Je préfère un sapin qui est très dense et bien fourni. Si je devais l’arranger à la maison, je ne mettrais que des guirlandes, pas de boules. Pour moi, le plus important, c’est le sapin.» Cette année, le sapin qu’il a gardé pour sa famille fait presque 2,5 m : «Il rentre tout juste dans la maison!» Il est bien plus grand que les sapins les plus achetés par les clients, puisqu’ils choisissent en général des arbres mesurant entre 1,80 et 2 m. «Ils aiment bien les sapins qui font leur taille», s’amuse l’agriculteur. Et les sapins les plus grands de l’exploitation sont, eux, coupés en branche et fournis à une clientèle communale pour ses décorations.