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Schizophrène et convaincu d’être espionné, il s’en est pris à ses collègues


« Il n’était pas dans un état normal », a poursuivi sa représentante. « Sa maladie a affecté sa liberté d’action et le contrôle de ses actes. » (Photo : sophie kieffer)

Malade, il aurait terrorisé deux de ses collègues et atteint à la réputation de son employeur, Post Luxembourg. Son avocate fait valoir l’altération partielle de son discernement.

Le 4 janvier 2022 vers 5 h 30 du matin, Simona terminait son service de nuit à la poste quand elle a reçu une vidéo du prévenu. Il se filmait devant le bâtiment de l’entreprise avec un rap très violent aux paroles menaçantes en fond sonore. David venait d’être licencié. La jeune femme, qui le connaissait bien, a pris peur et a signalé l’incident à la police. «Mon cousin est schizophrène. J’ai pensé que David aussi. Je voulais qu’il obtienne de l’aide.»

«J’avais commencé à réaliser qu’il n’allait pas bien au mois de décembre 2021», a indiqué la jeune femme à la 9e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg. «Il était persuadé que j’étais de mèche avec la direction et que nous l’espionnions. Sur le moment, il me croyait quand je lui disait que ce n’était pas le cas, mais après, il me renvoyait des messages en m’accusant à nouveau.»

Trois mois plus tard, le 16 avril 2022, Julien, l’ancien responsable du prévenu, retrouve sa boîte à lettres inondée de soda, trois des pneus de sa voiture crevés et six pilules contre la schizophrénie sur le capot de cette dernière. «J’ai tout de suite pensé à lui. La veille, je m’étais justement dit que cela faisait longtemps qu’il n’avait plus fait parler que lui», a expliqué le témoin.

«Il connaissait mon adresse !»

Julien a porté plainte contre x trois mois après. «Le soir de mon dépôt de plainte, David s’est présenté à la porte de mon domicile. Il connaissait mon adresse ! C’était une confirmation. J’ai commencé à avoir peur», poursuit le témoin. Son employeur, Post Luxembourg, engage une société de gardiennage jour et nuit pendant une semaine pour garantir la sécurité du domicile de Julien.

Le prévenu n’en est pas resté là. Le 21 août 2022, David s’est connecté aux plateformes informatiques de la poste et a supprimé une vingtaine de rendez-vous de techniciens auprès de clients. Son ancien employeur lui avait permis de ne pas prester son préavis et ne l’avait pas encore privé d’accès au système informatique. Post Télécom et Post Luxembourg se sont portées parties civiles pour l’euro symbolique, ainsi que pour les frais de gardiennage.

« Une menace trop abstraite »

Son état de santé mentale a empêché David de se présenter au tribunal face à ses anciens collègues hier après-midi, pour y répondre de menaces d’attentat et de fraude informatique. Diagnostiqué schizophrène, et en traitement depuis les faits, il souffre encore de troubles délirants. Comme d’autres personnes atteintes de problèmes psychiatriques, il a commis «des actes déviants». Mais, a conclu la représentante du parquet, «le prévenu aurait pu s’en abstenir».

Sa maladie ne l’exonérerait pas entièrement. Son discernement n’aurait été que partiellement altéré, a relevé la magistrate, qui se base sur un rapport d’expert. Soulignant une «intention de nuire» de la part du primodélinquant, elle a requis une peine de 3 mois de prison à son encontre, assortie du sursis probatoire avec obligation de suivi psychiatrique.

L’avocate de David a plaidé l’acquittement, ainsi que l’application de l’article 71-1 en sa faveur. Ce dernier stipule que le prévenu atteint de troubles mentaux au moment des faits qui lui sont reprochés, reste punissable, mais le tribunal doit tenir compte de cette circonstance au moment de déterminer la peine.

Le prévenu reconnaît avoir commis les faits, mais pas dans l’intention qu’on lui attribue, a confié l’avocate. La vidéo envoyée à Simona aurait été un test destiné à sa direction qui, il en était convaincu, l’avait mis sur écoute et interceptait toutes ses communications. «Une menace trop abstraite» pour être retenue, selon l’avocate, d’autant plus que le titre en fond sonore était un des tubes en vogue à l’époque.

Quant à l’attentat sur la voiture de son ancien supérieur, il ne faudrait pas non plus y voir une menace, mais plutôt une destruction de bien entrainée par la colère de ne pas avoir de réponse de sa direction «à ses coups de téléphone». «Il n’était pas dans un état normal», a poursuivi sa représentante. «Sa maladie a affecté sa liberté d’action et le contrôle de ses actes.»

Malgré ce qu’elle affirme, les témoins ne seraient toujours pas rassurés et craindraient encore, plus de deux ans après les faits, de voir David réapparaitre à leur porte. «Les actions commises par le prévenu étaient faites pour impressionner. On ne peut nier qu’elles aient pu éveiller une crainte subjective», a conclu la représentante du ministère public.

Le prononcé est fixé au 23 janvier prochain.

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