L’actuel entraîneur national, qui est passé durant sa carrière du cyclo-cross à la route, a vécu une belle carrière avec, en point d’orgue un succès d’étape sur la Vuelta 2016.
Le coéquipier le plus fort avec lequel vous avez couru ?
Jempy Drucker : Je pense que c’est Peter Sagan, même s’il n’était plus aussi fort qu’avant. Il dominait la scène. Si on regarde son palmarès, il était impressionnant. Il pouvait même gagner des étapes de montagne.
Le coureur le plus fort contre lequel vous avez couru ?
Là encore, je dirais Peter Sagan. Il y a encore Alberto Contador. C’est difficile de citer un seul coureur. Quand je courais les classiques, c’était l’équipe Quick-Step qui dominait tout avec (Tom) Boonen, (Niki) Terpstra, (Yves) Lampaert. C’était une équipe. Bien sûr, il y avait des individualités, mais c’est surtout leur formation qui était presque imbattable.
La meilleure équipe dans laquelle vous avez couru ?
C’est BMC. C’était une bande de copains avec Greg (Van Avermaet). Une année (en 2017), on avait dominé le printemps, nous avions trouvé la clé pour battre les Quick-Step. Greg en avait beaucoup gagné. C’est un bon souvenir lorsqu’on en parle avec les anciens de l’équipe. On avait choisi de faire notre course et de ne pas axer notre tactique sur les anciens. On savait que Greg était fort. On leur mettait la pression.
Votre meilleur souvenir ?
Personnellement, il y en a deux. Lorsque, en tant qu’équipier, j’ai participé au succès de Greg dans Paris-Roubaix (2017). Nous étions une belle bande de coureurs et chacun était important dans sa victoire. C’était un effort d’équipe. Greg avait crevé avant la tranchée d’Arenberg. Il avait bénéficié de notre soutien dans chaque groupe alors que la course avait explosé. Chacun a pu rouler pour le ramener devant. L’autre meilleur souvenir est personnel, il s’agit de mon succès d’étape dans la Vuelta (2016).
C’est évidemment son succès d’étape, au sprint, à l’issue de la 16e étape de la Vuelta 2016 à Peniscola, qui vient en haut des six succès professionnels. Victorieux également en World Tour de la Prudential RideLondon – Surrey Classic 2015, puis de deux étapes du Tour de Luxembourg et d’une étape du Tour de Wallonie, Jempy Drucker est devenu surtout un éminent coureur de classiques flandriennes. C’était même devenu un spécialiste apprécié de ses leaders. Mais c’est en cyclo-cross qu’il a lancé sa carrière, au sein de l’équipe Fidea (2005-2008). N’y obtenant pas de contrat pro, il a rejoint l’équipe de Differdange (2009 et 2010) avant de signer en 2011 chez Veranda’s Willems – Accent devenu Wanty en 2014. Il signera ensuite chez BMC (2015-2018) avant rejoindre Bora – Hansgrohe (2019-2020). Il finira sa carrière avec Cofidis (2021).
Et en cyclo-cross ?
Je pense que c’est la victoire à Hoogstraten en espoirs dans une manche du Superprestige, alors qu’une semaine avant, j’étais reparti déçu des Mondiaux de Treviso (12e), où j’avais crevé (Niels Albert s’était imposé). C’était une belle revanche. J’ai couru avec une belle génération. Lars Boom, Niels Albert, Zdenek Stybar…
Votre plus grosse déception ?
Je pense qu’on peut revenir à ces Mondiaux espoirs de cyclo-cross. Une semaine plus tôt, je venais de faire deuxième à Hoogerheide en Coupe du monde derrière Niels Albert. Je me sentais fort. À Treviso, je n’étais pas dans un super jour, mais j’étais capable de me battre pour les médailles. Je figurais dans un groupe qui luttait pour la 3e place. Je pensais que j’avais une chance. Prendre une médaille est resté un but que je n’ai jamais atteint.
Votre plus bel exploit sportif ?
Je pense que cela n’est pas une course, mais tout mon chemin. Je suis passé du cyclo-cross à la route, en professionnel. Si, lorsque j’étais junior et que je ne faisais que du cyclo-cross, on m’avait dit que je gagnerais une étape de la Vuelta, je ne l’aurais pas cru. Avec tous les hauts et les bas que j’ai connus pour mener mon chemin et me retrouver dans les meilleures équipes au monde sur la route…
Je ne garde pas un bon souvenir de (Nacer) Bouhanni, qui ne gardait pas sa ligne dans les sprints, mais ne voulait jamais le reconnaître
Le coureur le plus méchant contre lequel vous avez couru ?
(Il rit). Je ne dirais pas méchant, mais dangereux. Bon, je ne garde pas un bon souvenir de (Nacer) Bouhanni, qui ne gardait pas sa ligne dans les sprints, mais ne voulait jamais le reconnaître. Je le trouvais dangereux. Je n’étais pas un bon copain avec lui (il rit à nouveau).
Le coureur le plus gentil ?
C’était Greg Van Avermaet. Parfois, il était même trop gentil…
Il vous avait néanmoins soufflé au sprint un succès d’étape sur le Tour de Luxembourg (la 2e étape arrivant à Walferdange). Ce n’est pas si gentil…
(Il rit) Ça c’est vrai, ça montrait aussi le champion qu’il était. Il voulait toujours gagner. C’est aussi pour ça qu’il est devenu champion olympique à Rio sur un parcours ultradifficile qui ne lui convenait pas. Avec Greg, on s’entendait toujours très bien, il était généreux et respectait le travail de ses coéquipiers.
Le directeur sportif qui vous a le plus marqué ?
Il y en a plusieurs. Je m’entendais bien chez BMC avec Allan Peiper. Il m’a ouvert le chemin dans cette équipe. J’ai beaucoup discuté avec lui.
Le jour où vous avez décidé d’arrêter votre carrière ?
La décision est venue comme ça, progressivement. En fin d’année 2021. En décembre, j’avais dit que si je ne trouvais pas d’équipe, alors j’arrêterais.
Il y a toujours des courses où tu te dis : p…, tu aurais pu faire mieux
Votre plus grosse chute ?
C’est à Waregem, dans le dernier kilomètre d’À Travers la Flandre (NDLR : il avait été victime en 2019 dans la classique belge d’une commotion cérébrale et d’une fracture de la sixième vertèbre cervicale). J’ai eu beaucoup de chance dans la malchance. Heureusement que tout s’est bien passé. Cela fait partie du sport. Dans ces moments-là, on se rend compte qu’on n’est pas Superman. De grosses blessures peuvent arriver très vite. Je ressens encore aujourd’hui des petites douleurs au niveau de la nuque.
Avez-vous des regrets ?
Non, pas vraiment. Il y a toujours des courses où tu te dis : p…, tu aurais pu faire mieux. Mais ça fait partie du sport. Je peux être fier du chemin que j’ai fait.
Votre meilleur vélo ?
Le plus rapide était sans doute le Venge Specialized. C’était un vélo super rapide après 40 km/h. On avait l’impression que ça poussait à l’avant. Surtout pour nous, les sprinteurs et les lanceurs. À un moment de ma carrière, la plupart des sprints, de l’ordre de 80 %, étaient remportés par des coureurs équipés par ce vélo.
Nommé entraîneur national depuis août 2022, Jempy Drucker (38 ans), marié et père de deux enfants, s’épanouit pleinement dans sa mission. Tout au long de la saison, les bons résultats d’ensemble de la sélection nationale espoirs, ont donné raison à la politique sportive de ce coach bienveillant et apprécié par ses qualités humaines.