L’adaptation de l’école à la grande hétérogénéité des élèves est bien entamée. Par contre, les mesures prises ne profitent qu’à un nombre réduit d’enfants, conclut le rapport national sur l’éducation.
Le constat n’est pas nouveau : l’hétérogénéité toujours plus grande des élèves, liée au contexte migratoire, linguistique et au statut socio-économique, grève lourdement les chances de réussite scolaire des enfants scolarisés au Luxembourg.
«Cette grande diversité et les inégalités qui en résultent se répercutent sur le système d’éducation. Les enfants et les jeunes issus de milieux défavorisés, souvent issus de familles moins instruites, ne parlant aucune des langues du système éducatif à la maison ou qui appartiennent à des familles issues de l’immigration (…) présentent statistiquement parlant de plus mauvaises chances de réussite scolaire que leurs pairs non migrants, socio-économiquement favorisés et pratiquant une des langues véhiculaires», conclut le 4e Rapport national sur l’éducation, présenté hier.
Ces différences socio-économiques se font d’ailleurs toujours fortement ressentir au niveau de l’orientation des élèves de l’école fondamentale vers le secondaire.
L’alphabétisation en français avance
Au fil des dernières années, le ministère de l’Éducation nationale a pris toute une série de mesures pour combler le fossé et augmenter justement les chances de réussite scolaire. La prise en charge multilingue dès le plus jeune âge dans les crèches (1 à 4 ans), le projet pilote d’alphabétisation en français et la création d’écoles européennes publiques sont à mettre en avant. Le fil rouge est de rendre le système éducatif «plus équitable et plus inclusif». Le rapport confirmerait, selon le ministère, des «résultats prometteurs».
Les scientifiques tirent une conclusion un peu plus nuancée. Ils voient bien des «effets positifs» à la diversification de l’offre scolaire. Par contre, il resterait à évaluer si les «groupes d’élèves fortement concernés par les inégalités scolaires profitent vraiment des mesures prises». «De plus, les adaptations du système scolaire ne profitent, pour l’instant, qu’à un nombre réduit d’élèves», ajoutent les auteurs du rapport.
Le ministre de l’Éducation nationale, Claude Meisch, se dit prêt à mettre les bouchées doubles, en renvoyant notamment vers le programme de gouvernement, très ambitieux en la matière.
L’accent sur l’alphabétisation
Dans le domaine de la petite enfance, il est ainsi envisagé d’améliorer dans les crèches le nombre d’éducateurs par enfant afin d’«offrir à chaque enfant les meilleures chances pour démarrer son parcours éducatif». D’autres nouveautés à venir sont une «offre à temps plein pour l’éducation précoce dans toutes les communes». En outre, un intervenant supplémentaire va pouvoir encadrer les élèves du cycle 1 (école maternelle). En collaboration étroite avec l’enseignant titulaire, l’objectif est de mieux adapter l’enseignement aux besoins des enfants.
La deuxième étape clé est l’alphabétisation, qui se fait traditionnellement en allemand. Le projet pilote d’une alphabétisation en français, entamé en 2022 dans quatre écoles fondamentales du pays, pourrait, dès l’année scolaire 2026/2027, être rendu accessible à tous les élèves. «Le groupe d’élèves qui a le français comme langue d’alphabétisation affiche une forte motivation pour apprendre et lire dans la langue d’alphabétisation. Les premières analyses montrent, avec toute la prudence qui s’impose, le potentiel de ce projet pour mieux répondre à la diversité linguistique de la population scolaire», résume un communiqué du ministère.
Le succès des écoles européennes
La création d’écoles européennes publiques est qualifiée de «pas décisif» pour adapter le système scolaire à la diversité des élèves. Le Luxembourg compte six de ces établissements. «Grâce à une approche d’apprentissage des langues plus flexible, ces écoles offrent des chances de réussite plus équitables à la population scolaire très hétérogène, sachant que le profil linguistique est un facteur important du succès scolaire», fait remarquer le ministère.
Le Rapport national sur l’éducation vient confirmer que ces écoles pourraient «effectivement contribuer à réduire les inégalités éducatives existantes». Les élèves présenteraient «moins de retard scolaire que les élèves du système national», notamment au niveau des compétences mathématiques. La conclusion : «Les résultats semblent ainsi confirmer l’avantage pour les élèves d’apprendre une matière dans une langue qu’ils maîtrisent bien.»
Une nouvelle extension des écoles européennes publiques est d’ores et déjà prévue.
Plus d’informations (en allemand) : www.bildungsbericht.lu
La déficience visuelle, un autre obstacle
Les scientifiques se sont aussi penchés sur un autre aspect qui peut affecter la réussite scolaire des enfants. Le Rapport national sur l’éducation montre que «les déficiences de la vue ont un impact significatif sur l’apprentissage et les performances scolaires des élèves». Plus concrètement, ils ont «des résultats nettement inférieurs dans les trois domaines de compétences», à savoir l’alphabétisation précoce, les mathématiques et la compréhension orale.
Afin de remédier à ce déficit, le Luxembourg Centre for Educational Testing (Lucet) et le Centre pour le développement des compétences relatives à la vue (CDV) ont mis en place un dépistage systématique des déficiences de la vue. Les tests sont intégrés aux épreuves standardisées annuelles visant à évaluer la qualité scolaire. «Une détection précoce de déficiences éventuelles est essentielle pour offrir aux enfants concernés un soutien adapté à leurs besoins», conclut le rapport.