Les écolos voulaient que le gouvernement exige le respect des normes européennes et des accords de Paris et empêche tout encouragement à la déforestation. Des arguments partagés, mais une motion rejetée.
La députée déi gréng Sam Tanson n’a pas bien compris pourquoi sa motion relative à l’accord de libre-échange avec le Mercosur a été rejetée par la majorité. La semaine dernière, lors d’une séance plénière, la motion déposée par les verts invitait le gouvernement à ne pas donner son accord à la signature de l’accord si les pays du Mercosur ne s’engageaient pas à respecter les engagements pris dans le cadre de l’accord de Paris et si le plein respect de toutes les normes européennes pour tous les produits importés dans l’Union européenne n’était pas garanti.
Le gouvernement devait également s’engager auprès de la Commission afin que des mesures soient prises pour empêcher que la signature de l’accord encourage la déforestation dans les pays du Mercosur. Les verts ne se disent pas pour autant opposés à un accord de libre-échange avec les pays d’Amérique latine, mais posent un certain nombre de conditions.
Les députés, dans leur ensemble, partagent les arguments des écolos, mais comme le dit Laurent Zeimet (CSV), à l’heure où le protectionnisme bat des records dans le monde, il est capital pour l’Union européenne de signer cet accord. Pour lui, la motion est prématurée alors que personne ne sait avec précision ce qu’il contient. Même son de cloche du côté du DP. Le député Luc Emering, pourtant agriculteur, rappelle qu’il s’agit du plus important accord de libre-échange conclu par l’UE et qu’il prévoit une réduction non négligeable des barrières tarifaires. «On a besoin d’une clause miroir. Il est important d’avoir un accord qu’aucun accord du tout.» Le député libéral souligne que les pertes éventuelles pour les agriculteurs devront être compensées.
Le socialiste Yves Cruchten rappelle que le ministre des Affaires étrangères et du Commerce extérieur, Xavier Bettel, avait assuré aux députés que le sujet serait discuté en commission. Surtout, le vice-Premier ministre, dans sa déclaration de politique étrangère prononcée à la mi-novembre avait indiqué que «pour l’instant», le Luxembourg ne pouvait pas donner son accord, ajoutant : «Nous attendons que la Commission européenne présente aux États membres le contenu du texte final négocié, avec des engagements supplémentaires.» Le député socialiste est favorable à la motion.
Déi Lénk ne veut pas de cet accord, qu’il juge catastrophique pour les agriculteurs européens, du moins les petits, car le texte qui sera signé sera du sur mesure pour l’agro-industrie, selon David Wagner. Les pirates, par la voix de Marc Goergen, préfèrent s’abstenir de voter la motion, ne connaissant pas la teneur de l’accord. L’ADR se moque des verts qui «ont le culot» de soumettre cette motion alors qu’ils sont à l’origine de tous les maux du monde agricole, selon Fred Keup.
Luc Frieden confiant
La position du Premier ministre, Luc Frieden, est claire. Le Premier ministre souligne l’importance de cet accord pour la prospérité de l’Union européenne. Il n’y a rien de neuf depuis la déclaration de Xavier Bettel à la Chambre, mais «l’intérêt économique» est «certain». «Nous avons besoin d’un grand marché pour vendre nos produits», déclare-t-il aux députés, dont la grande majorité en est convaincue. Mais pas à n’importe quel prix. La clause miroir lui paraît évidente. Il va s’entretenir avec les représentants des secteurs agricole et industriel très bientôt, annonce-t-il.
Il est encore évident pour Luc Frieden que la Chambre des députés doit débattre de cet accord l’heure venue. Lui-même ne connaît pas encore le contenu du protocole additionnel. Il partage les arguments des écolos, mais estime à son tour que cette motion est prématurée. Sam Tanson ne voit pas en quoi elle le serait alors qu’elle invite juste le gouvernement à respecter les principes sur lesquels tout le monde semble d’accord.
Pourtant, la motion a été rejetée par 40 voix contre. Deux jours plus tard, Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, a précipité la signature de l’accord Mercosur, rejeté notamment par la France, mais aussi la Pologne et les Pays-Bas, en se rendant en Uruguay pour donner son feu vert au texte.